Brique par brique: un projet d'investissement d'impact montréalais

Publié le 17/08/2018 à 15:00

Brique par brique: un projet d'investissement d'impact montréalais

Publié le 17/08/2018 à 15:00

Par Diane Bérard

À gauche, Maali Aubin-Salhi, du projet québécois Brique par brique, récipiendaire du Grand Prix le Monde, au concours Smart Cities. À droite, Gabriela Cob Barboza, du projet Santa Ana en Cleta, du Costa Rica, récipiendaire du prix Mobilité le Monde, au concours Smart Cities

De plus en plus d’investisseurs ne veulent plus se contenter d’exclure les entreprises qu’ils estiment de mauvaises citoyennes. Et ils ne souhaitent pas se limiter à investir dans des portefeuilles. Ils désirent aussi investir directement dans des organisations dont la mission rejoint leurs valeurs et qui ont des retombées concrètes, et mesurables, sur une communauté qui leur tient à cœur. C’est ce que l’on nomme l’investissement d’impact.

Cet article vous présente un projet d’investissement d’impact montréalais, Brique par brique. Le 11 juillet dernier, ce projet immobilier a remporté le Grand Prix International Le Monde, à la conférence internationale Smart Cities, à Singapour. Brique par brique vise à offrir des logements abordables de qualité aux résidents du quartier Parc-Extension.

Ce quartier jouit d’une excellente situation géographique. Il est desservi par deux stations de métro - Parc et l’Acadie - ainsi que de nombreuses lignes d’autobus. De plus, il se situe à moins une vingtaine de minutes du centre-ville et il abrite plusieurs espaces verts. Il est de plus en plus prisé par les promoteurs immobiliers. Ajoutons que la construction du Campus Outremont de l’Université de Montréal, à la lisière de Parc-Extension, a déclenché une spirale des prix des habitations vers le haut.

Entre 2017 et 2018, par exemple, le prix des terrains a augmenté de 8%.

Une grande proportion des habitants de Parc-Extension sont issus de l’immigration. Ceux qui sont arrivés récemment maîtrisent souvent mal le français et l’anglais. « Cela en fait des proies faciles pour les locateurs, déplore Faiz Abhuani, porte-parole et directeur de Brique par brique. À côté du métro Parc, par exemple, il y a un édifice où le propriétaire ne fait pas signer de bail. Il peut ainsi évincer les locataires dès le premier retard de paiement.»

Brique par brique s’est donné un objectif très concret: acquérir 24 unités, soit trois édifices de huit logements chacun. Elle compte y établir le prix des loyers à 80% du prix du marché, pour permettre aux citoyens d’origine du quartier de pouvoir continuer d’y résider.

Pour financer son parc immobilier, Brique par brique a émis des obligations communautaires.

Qu’est-ce qu’une obligation communautaire?

Voici la définition de Territoires innovants en économie sociale et solidaire (TIESS), «Les obligations communautaires sont des titres de créances rémunérés accessibles à tous et qui peuvent être uniquement émis par des entreprises à but non lucratif. Elles font partie du marché dispensé, et ne sont donc pas encadrées par l’Autorité des Marchés financiers (AMF). Comme toutes obligations, elles comportent les caractéristiques suivantes : un prix d’émission (valeur nominale); une durée (maturité ou échéance); un taux de rémunération fixe (le coupon, assujetti à l’impôt); et le capital est remboursable à échéance. Selon les modalités déterminées lors de l’émission, elles peuvent être transférables (revendues); renouvelables à l’échéance; garanties; les intérêts peuvent être composés ou versés à échéance. Par ailleurs, l’AMF interdit le courtage rémunéré sur ces titres, la transaction se fait donc nécessairement directement entre l’entreprise et le citoyen investisseur. »

Les termes de la première émission de Brique par brique

La première émission d’obligations communautaires de Brique par brique se terminera le 31 décembre 2018. Les obligations émises sont d’une valeur de 1000$ et 2000$. L’échéance est de 15 ans et le rendement entre 2% et 5%. Pour l’instant, le montant moyen recueilli par investisseur s’élève à 5000$. Une trentaine d’investisseurs ont déjà répondu à l’appel.

«Nos concurrents dans la sphère de l’investissement responsable sont principalement des institutions financières, explique Faiz Abhuani. Leur offre est encore faible et peu diversifiée par rapport à la demande. Et elle n’est pas personnalisée. De plus, pour l’investisseur qui cherche un impact concret, les fonds des institutions financières ne touchent pas la cible.» Il poursuit, «Nous nous inscrivons davantage dans l’esprit de la plateforme CoPower, qui propose des obligations vertes et des projets précis.»

Grâce au travail de bénévoles, Brique par brique a répertorié tous les immeubles à huit logements du quartier. Elle a dû en écarter plusieurs. Leur état de délabrement appelait un investissement trop important. «Le parc immobilier date des années 60 et il n’a pas été très bien entretenu. Nous devons nous montrer prudents lors de l’achat», dit Faiz.

Au moment de notre rencontre, Brique par brique venait de faire une offre de 950 000$ pour un immeuble nécessitant une mise de fonds de 350 000$ et peu de rénovations.

Brique par Brique ne souhaite pas se constituer un parc immobilier imposant. Les neuf membres de cette organisation veulent plutôt développer un modèle qui pourra être répliqué dans d’autres quartiers. L’OBNL a d’ailleurs reçu une subvention d’une fondation philanthropique pour recruter un employé qui documentera son projet et son modèle d’affaires.

Quels sont les risques d’un projet comme celui de Brique par brique?

«Il ne provient pas du marché immobilier. Il nous suffit de bien effectuer notre vérification diligente pour identifier des immeubles de qualité. Ensuite, nous savons qu’ils prendront de la valeur, explique Faiz Abhuani. De plus, nous avons des projets, comme l’installation de serres sur le toit, qui permettront de générer de nouvelles sources de revenus, en plus d’augmenter la valeur des édifices.» Il poursuit, «Le risque provient plutôt de la réglementation qui pourrait encadrer les obligations communautaires et, du coup, augmenter le coût d’émission pour un OBNL.» Il ajoute, «Il faudra probablement les réglementer pour rassurer les investisseurs et augmenter la demande. Alors, les OBNL et les entreprises sociales devront innover et créer de nouveaux produits pour financer leurs projets. En fait, en finance durable et sociale, et en investissement d’impact, il y a beaucoup de place pour l’innovation. Il faut profiter de la demande pour développer l’offre.»

 

 

 

 

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