Pour mettre fin aux abus de pouvoir


Édition du 07 Novembre 2015

Pour mettre fin aux abus de pouvoir


Édition du 07 Novembre 2015

Par Robert Dutton

Qu'ont en commun le cabinet de l'ex-premier ministre Stephen Harper, les directions de Volkswagen et de Goldman Sachs, la Sûreté du Québec et de nombreux corps policiers d'Amérique du Nord, la FIFA, l'Église catholique, les réseaux d'éducation et combien d'autres institutions d'ici et d'ailleurs ? Ils sont, ou ont été, le lieu d'abus et de détournements de pouvoir.

Rares sont les jours où on n'entend pas dénoncer un abus de pouvoir quelconque commis par un dirigeant, voire un détournement systémique de pouvoir par une institution entière. Il peut s'agir - et il s'agit souvent - de harcèlement sexuel. Mais l'abus et le harcèlement prennent bien d'autres formes : Revenu Québec fait trop souvent l'actualité pour son zèle abusif à l'endroit de certains contribuables ; des aînés (et d'autres personnes vulnérables) sont victimes d'abus de la part de ceux qui devraient les protéger (les établissements qui les hébergent, les institutions chargées de les superviser, parfois leur propre famille)...

À ces abus de pouvoir, dont les médias font état, s'ajoutent des millions d'«abus ordinaires» dont ne parle à peu près jamais, mais qui n'en sont pas moins toxiques : le patron qui a un comportement ou des paroles inappropriés à l'égard d'une employée, qui en humilie un autre, qui utilise la partie arbitraire de son pouvoir hiérarchique pour faire avancer sa carrière, pour masquer son incompétence ou même pour régler ses propres insécurités sur le dos de ses subordonnés. Nous avons tous connu de tels abus de pouvoir, qui sont le fait de chefs de service autant que de pdg et parfois de présidents de conseil d'administration. Mais nous ne les avons pas souvent dénoncés...

Sonner l'alarme

À en juger par le nombre de cas médiatisés, judiciarisés ou les deux à la fois, l'abus de pouvoir est un phénomène en croissance. Est-ce une croissance réelle, ou les victimes se manifestent-elles davantage qu'auparavant ? Est-ce parce qu'on nomme et dénonce aujourd'hui des comportements qui étaient autrefois considérés comme faisant partie des prérogatives normales de l'exercice du pouvoir ? Probablement un peu de tout ça.

Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, on ne peut plus nier que l'abus de pouvoir dépasse les situations anecdotiques. Il s'agit d'un phénomène omniprésent dans nos organisations et dans la société tout entière. Point besoin d'une étude approfondie pour imaginer le coût de ces comportements : leurs conséquences se chiffrent en milliards de dollars, ne serait-ce que les coûts de l'absentéisme, de la sous-performance au travail et des soins de santé qui en découlent. Et c'est sans parler des vies et des carrières brisées.

On me rétorquera que, depuis toujours, les rapports humains sont des rapports de pouvoir, et donc d'abus potentiel. C'est vrai. Mais, plus que jamais, nous vivons dans un monde d'organisations, de gouvernance et de pouvoir formels - pouvoir construit, obtenu, acheté, délégué... et dont on abuse. Sans doute, la formalisation graduelle du pouvoir a servi de révélateur d'une carence de repères éthiques dans nos sociétés dites développées.

Que faire ? Jusqu'à présent, les sociétés industrialisées traitent l'abus de pouvoir avec des mesures répressives et des sanctions a posteriori : sanction judiciaire ou opprobre populaire à la suite d'une dénonciation médiatique. C'est à cause de ce type de démarches qu'on a aujourd'hui l'impression, à tort ou à raison, que le phénomène de l'abus de pouvoir s'amplifie.

Mais aucune solution durable ne saurait passer par la seule répression. Il est fascinant de constater que certains des «abuseurs de pouvoir» montrés du doigt par la justice ou les médias n'ont tout simplement pas l'air de comprendre la nature de leur faute.

Une prise de conscience s'impose. On raconte que, lorsqu'il est devenu le premier ministre du Québec en 1976, René Lévesque a servi à ses nouveaux ministres l'avertissement suivant : «Le pouvoir, c'est comme l'alcool : il y en a qui ne portent pas ça». On devrait tatouer cette phrase sur le corps de tous ceux qui accèdent à un poste de pouvoir, petit ou grand.

Dans les écoles du Québec, les jeunes sont sensibilisés au caractère intolérable du harcèlement et de l'intimidation. C'est fort bien. Mais qu'arrive-t-il plus tard, lorsque l'octroi d'un pouvoir formel à une personne donne une apparence de légitimité à des comportements qu'une école primaire ne tolérerait pas ?

Certains parcours mènent, plus que d'autres, à l'exercice d'autorité : la formation en gestion, bien sûr, mais aussi la formation en médecine, en droit, en génie, en techniques policières, en pédagogie, en journalisme et même en théologie. Au cours des dernières années, une formation éthique a été introduite dans plusieurs de ces cheminements, le plus souvent dans la foulée de scandales et de dérapages.

Mais je doute que l'exercice responsable de l'autorité soit un objet d'étude très répandu, encore moins comme formation pratique. Je pense à un enseignement grâce auquel l'étudiant apprendrait à situer les limites de l'autorité ainsi qu'à déceler en lui-même et chez ses éventuels subordonnés les signes et les symptômes de ses propres abus de pouvoir. Bref, à un cours de pouvoir 101. En 45 minutes ou en 45 heures, le message de fond de ce cours serait très simple : le pouvoir ne confère aucun droit ; seulement des responsabilités.

Pendant plus de 20 ans, il a été président et chef de la direction de Rona. Sous sa gouverne, l'entreprise a connu une croissance soutenue et est devenue le plus important distributeur et détaillant de produits de quincaillerie, de rénovation et de jardinage du Canada. Après avoir accompagné un groupe d'entrepreneurs à l'École d'entrepreneurship de Beauce, Robert Dutton a décidé de se joindre à l'École des dirigeants de HEC Montréal à titre de professeur associé.

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