Entrevue n°153: Andreas Pohlmann, chef de la conformité, SNC-Lavalin

Publié le 04/05/2013 à 00:00

Entrevue n°153: Andreas Pohlmann, chef de la conformité, SNC-Lavalin

Publié le 04/05/2013 à 00:00

Par Diane Bérard

Andreas Pohlmann, chef de la conformité, SNC-Lavalin

Le 1er mars, Andreas Pohlmann est devenu chef de la conformité chez SNC-Lavalin. On compte sur lui pour corriger le dérapage. L'histoire se répète. En 2007, Siemens avait recruté ce grand gaillard pour l'aider à se relever d'un des plus grands scandales de corruption de l'histoire.

Diane Bérard - Quel est le mandat d'un chef de la conformité ?

Andreas Pohlmann - Je suis un gardien. Je m'assure que les employés et la direction mènent leurs affaires en respectant la loi ainsi que les politiques internes. Le scénario idéal est celui où le chef de la conformité joue aussi le rôle de conseiller. Il aide à la conduite des affaires dans les régions difficiles. Il contribue à ce qu'elles soient propres.

D.B. - Qui est votre patron ?

A.P. - C'est Bob Card, pdg et président. Je me rapporte à lui et au conseil. J'assisterai à ma première réunion du CA cette semaine [fin avril]. J'y ferai une présentation au comité de gouvernance.

D.B. - Quelle différence y a-t-il entre l'éthique et la conformité ?

A.P. - Bonne question... La conformité suppose l'adhésion à la loi. L'éthique, elle, est liée à l'intégrité. Elle soulève la question suivante : serais-je à l'aise si mon comportement était affiché à la Une du journal ? Suis-je prêt à accepter la responsabilité de cette décision ? Parfois, certains comportements sont légaux, mais vos principes moraux vous empêchent - ou devraient vous empêcher - de passer à l'acte. On a trouvé plusieurs de ces situations dans l'industrie bancaire au cours des dernières années. La loi permettait de vendre certains produits financiers, mais était-ce éthique de les vendre à une femme de 90 ans qui ne les comprenait pas et n'en avait aucunement besoin ? L'éthique va au-delà de la loi. Elle exige de se placer dans les souliers de votre vis-à-vis.

D.B. - En quoi l'un et l'autre sont-ils liés ?

A.P. - Ils se rencontrent dans la vie quotidienne. Nous devrions toujours nous poser quatre questions, dans cet ordre. Cette décision sert-elle les intérêts de l'entreprise plutôt que les miens ? Est-ce cohérent en fonction des valeurs de l'entreprise et des miennes ? Est-ce légal ? Suis-je prêt à endosser la responsabilité de cette décision ?

D.B. - Vous portez le titre de «chef de la conformité». Êtes-vous un homme de conformité ou d'éthique ?

A.P. - Il est évident que, comme chef du contentieux ou chef de la conformité, vous devez vous soucier de la loi. Mais je n'ai pas toujours été chef de la conformité. J'ai siégé à des CA. Dans ce rôle, je n'avais pas le nez collé sur la loi. Je me suis toujours posé les quatre questions précédentes. Je pense que les employés et les gestionnaires doivent se construire une boussole personnelle pour les guider. Mais peu importe la boussole, il n'y a qu'un seul nord...

D.B. - SNC-Lavalin a-t-elle un problème d'éthique ou de conformité ?

A.P. - (Silence.) Je ne suis en poste que depuis six semaines. Je n'ai pas encore creusé suffisamment cette situation pour en déceler toutes les causes. Selon mon expérience passée, il ne s'agit pas d'un déficit d'éthique ni de conformité. Il s'agit d'un problème de culture de la direction. L'éthique et la conformité sont d'abord des questions d'humains. À la base, cela revient à la manière dont l'organisation est dirigée. Si elle est gérée correctement, vous pourrez éviter les dérapages comme ceux qu'a connus SNC.

D.B. - Vous attribuez la dérive de SNC-Lavalin à la direction. Expliquez-nous.

A.P. - La réussite de tous les programmes de conformité repose sur un facteur : le message de la direction, celui qui descend tous les échelons. Si ce message n'est pas clair, il devient une source de problèmes potentiels. Les employés observent le pdg et son équipe. Ils comptent sur eux pour les guider dans les situations difficiles.

D.B. - Dans les cas de dérapage, la direction donne-t-elle le mauvais exemple ou ne donne-t-elle aucun exemple ?

A.P. - Ces leaders communiquent souvent un message ambigu. Ils disent à leurs employés «bien sûr, nous nous attendons à ce que vous respectiez les règles, mais ramenez-nous des contrats».

D.B. - Pour améliorer l'éthique, on change la culture. Pour améliorer la conformité, on change la structure. Que ferez-vous chez SNC-Lavalin ?

A.P. - Je veux intervenir sur les deux tableaux : la culture de la direction et le programme de conformité. Un programme de conformité efficace prévient, détecte et réagit, en mettant un accent particulier sur la prévention. Et on prévient en s'assurant que la direction livre le bon message. C'est là où l'éthique et la conformité se rejoignent.

D.B. - Votre service de conformité compte-t-il d'autres professionnels que des avocats, pour intervenir sur la culture et non uniquement sur la structure ?

A.P. - Pour l'instant, 100 % du personnel de mon service est avocat, et c'est moi ! Je ne suis pas chef de grand-chose puisque je suis seul ! Mais je veux une équipe internationale et mixte. Je compte recruter des gens de l'interne intéressés par l'éthique et la conformité, de même que des candidats de l'externe. Et ce ne seront pas tous des avocats.

D.B. - SNC-Lavalin avait-elle un service d'éthique et de conformité ?

A.P. - Non, il s'agit d'une nouvelle façon de faire les choses. Comme dans plusieurs sociétés, lorsque des questions de conformité et d'éthique surgissaient dans un service, c'est là qu'elles étaient gérées.

D.B. - La conformité suppose le respect de règles. Qu'arrive-t-il lorsqu'il n'y a pas de règles ? Comment allez-vous contrôler le comportement de vos employés dans ces situations ?

A.P. - Je m'attends à ce qu'ils résistent et qu'ils m'appellent. Moi ou les membres de mon équipe allons nous occuper de la situation. Il ne faut pas se leurrer, ce n'est pas parce que nous voulons faire des affaires propres que les situations délicates disparaîtront. Je veux former nos employés pour qu'ils voient en nous plus qu'une équipe de réglementation. Je veux qu'ils nous considèrent comme des conseillers.

D.B. - Comment entraînerez-vous vos employés à résister à la corruption ?

A.P. - Pour résister, il faut anticiper et être prêt à réagir. Nous allons confronter nos employés à des dilemmes spécifiques auxquels ils peuvent se heurter dans différentes régions du monde. Ils auront des formations personnalisées face à face. La formation en ligne ne suffit pas. Nous devons aller sur le terrain et rencontrer tous ceux qui occupent des fonctions à risque, les gestionnaires mais aussi le personnel de vente. Nous allons leur demander de partager les expériences qu'ils ont eues, ce qu'ils ont fait et ce qu'ils auraient dû faire.

D.B. - Comme chef de la conformité chez Siemens, vous avez accordé le pardon à certains employés. Ferez-vous de même chez SNC-Lavalin ?

A.P. - Nous n'avons pas encore pris de décision à propos de ce dossier. Mais si nous accordions le pardon, il serait étonnant que nous l'accordions aux leaders.

D.B. - Comment mesurerez-vous le succès de vos initiatives ?

A.P. - Il existe des indicateurs externes et internes. Le Dow Jones Sustainability Index, qui comprend une composante de conformité, constitue une bonne mesure externe. À l'interne, je vais suivre la nature des appels de notre ligne de dénonciation ainsi que le nombre d'appels que traite notre ligne de consultation. Nous suivrons à la fois les cas dénoncés et les cas de résistance.

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