Les ports intelligents prennent leur essor


Édition du 19 Mars 2016

Les ports intelligents prennent leur essor


Édition du 19 Mars 2016

Le port de Hambourg, en Allemagne, compte accroître de 50 % le nombre de conteneurs qui transitent par ses installations en misant uniquement sur des processus plus intelligents.

Le transport maritime de marchandises a doublé en volume dans le monde en 20 ans. Pour saisir les occasions d'affaires qui en découlent, les ports se tournent vers les nouvelles technologies.

Imaginez quatre personnes réunies autour d'une table ressemblant à un iPad géant de 1,20 mètre. Celle-ci servirait à analyser toutes les données d'une voie maritime, afin d'y diriger la circulation plus efficacement. Cette table interactive n'est qu'une des récentes innovations du port de Hambourg.

La situation de ce port du nord de l'Allemagne fait penser à celle du port de Montréal. Urbain, à la fois fluvial et maritime, il est situé en bordure de l'Elbe, à environ 140 kilomètres de la mer du Nord. C'est toutefois 9 millions de conteneurs qui y transitent annuellement, comparativement à 1,4 million à Montréal.

«Nous prévoyons une augmentation de 50 % du nombre de conteneurs transitant annuellement par notre port d'ici 10 ans, et nous ne pouvons pas faire d'expansion ni construire de nouveaux chemins de fer, puisque nous sommes enclavés dans la ville, explique Ulrich Baldauf, directeur des technologies de l'information à l'Autorité portuaire de Hambourg. Nous devons miser sur des processus plus intelligents pour maximiser l'utilisation de nos espaces.»

Pour y arriver, le port investit dans l'infonuagique et l'Internet des objets. Les capteurs s'y sont multipliés au cours des dernières années, sur les routes, les ponts et dans les appareils. Les données recueillies sont mises à profit pour fluidifier la circulation, à la fois sur l'eau, les voies ferrées et la terre. L'Autorité portuaire a développé de très efficaces centres de contrôle pour chaque mode de transport et travaille maintenant à les intégrer en un seul.

Les données servent aussi à améliorer l'entretien des infrastructures. Par exemple, si on relève qu'un commutateur de chemin de fer utilise soudainement plus d'énergie pour fonctionner, on peut anticiper un bris et le réparer avant qu'il ne survienne une panne, évitant ainsi une interruption de service.

«Anciennement, le port était un espace géographique, puis il est devenu un espace logistique et le voilà en train de se transformer en espace cybernétique, dans lequel la collecte et l'utilisation des données deviennent primordiales», indique Claude Comtois, chercheur affilié au Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le transport à Montréal.

L'augmentation du transport maritime de marchandises dans le monde est fulgurante. Pour la première fois en 2014, le cap du 10 milliards de tonnes a été franchi, soit deux fois plus qu'en 1994. Cette croissance impose une pression importante sur les ports. Les nouvelles technologies de l'information apparaissent comme la solution pour augmenter l'efficacité. Bluetooth, Wi-Fi, infonuagique, téléphones intelligents et Internet des objets sont ainsi devenus les plus grands alliés des ports.

Le port de Vancouver utilise ses données

Le port de Vancouver, le plus important du Canada, a lui aussi entrepris sa petite révolution. Depuis trois ans, la stratégie de camionnage Smart Fleet a fait passer la circulation des camions au 21e siècle grâce à l'introduction de nouvelles technologies.

Les 2 000 camions autorisés à se rendre au port de Vancouver sont désormais équipés d'un GPS. Un investissement initial d'environ deux millions de dollars, assumé par le port, Transports Canada et la province. «Bien sûr, cela permet de suivre les camions à la trace afin de connaître en tout temps l'état de la fluidité de la circulation et les temps d'attente, explique Greg Rogge, directeur des opérations terrestres au port de Vancouver. Mais les données offrent plusieurs autres possibilités. Les décideurs les utilisent pour mieux planifier le développement des infrastructures routières dans toute la région du Vancouver métropolitain.»

En collaboration avec la firme KPMG, le port de Vancouver a aussi élaboré un modèle dérivé jumelant les données des GPS à d'autres données financières de partenaires tels que les entreprises de camionnage et les opérateurs de terminaux. Le port l'utilise pour simuler sur ordinateur l'impact de certains changements qu'il envisage d'apporter aux opérations, comme de prolonger les heures d'ouverture.

Les dirigeants du port ne comptent pas s'arrêter là. Dès 2017, une «interface commune de données» sera mise en oeuvre. Un projet d'environ 6 M$, payé conjointement par le port et Transports Canada. «On peut comparer ça à un genre d'Expédia pour les réservations, explique Greg Rogge. L'interface agira comme un guichet unique transparent permettant aux camionneurs de réserver leur place aux terminaux en tenant compte de l'achalandage en temps réel, ce qui augmentera l'efficacité.»

Jusqu'à maintenant, ces innovations ont contribué à réduire le temps d'attente, passé en moyenne d'une heure à 38 minutes.

Le Québec, maître des logiciels

Dans cette course effrénée à l'innovation, le Québec ne fait pas figure de cancre, mais reste tout de même loin du peloton de tête. «Nous sommes relativement forts en ce qui concerne les bases de données, les métadonnées et les logiciels, mais nous accusons un certain retard en matière d'équipements. Ceux-ci font aussi partie du concept de port intelligent, mais sont souvent très coûteux», précise Claude Comtois.

Au port de Rotterdam, par exemple, APM Terminals mise sur un tout nouveau terminal entièrement automatisé, une première mondiale. On ne retrouve aucun manutentionnaire dans les grues déchargeant les navires ni dans la soixantaine de véhicules électriques autoguidés de livraison vers l'entreposage, ni dans les 54 grues automatisées qui se chargent de l'entreposage. Tout se fait automatiquement, sous le regard d'un surveillant assis devant un écran d'ordinateur bien au chaud dans son bureau.

Mais il s'agit d'un investissement de près de 750 M$, effectué dans le huitième port en importance dans le monde. Un niveau de dépense difficile à imaginer, du moins pour l'instant, dans les ports québécois.

Au port de Québec, le vice-président aux opérations maritimes, Yoss Leclerc, explique qu'il conçoit le port intelligent comme «l'établissement d'un lien entre les mondes physique, humain et numérique, pour générer de l'intelligence portuaire et d'affaires». Depuis plusieurs années, le port de Québec travaille à établir les bases d'un système de port intelligent, dit-il. Il a notamment renforcé la redondance, la résilience et la relève opérationnelle de son système informatique.

Le port de Québec magasine présentement un système informatique permettant d'intégrer les données de plus en plus nombreuses produites au port. «Nous voulons un système pérenne, qui durera 20 ans et plus, et non quelque chose qui sera rapidement dépassé», note M. Leclerc.

Pour lui, le plus important est de s'assurer que les données qui transiteront vers ce système seront les bonnes. «Avant d'avoir un système en place, il faut bien cibler les données qui seront pertinentes, car la qualité des données déterminera en grande partie la qualité globale du système d'intelligence portuaire», dit-il.

À la une

Dette et déficit du fédéral: on respire par le nez!

19/04/2024 | François Normand

ANALYSE. Malgré des chiffres relativement élevés, le Canada affiche le meilleur bilan financier des pays du G7.

Budget fédéral 2024: «c'est peut-être un mal pour un bien»

19/04/2024 | Philippe Leblanc

EXPERT INVITÉ. Les nouvelles règles ne changent pas selon moi l'attrait des actions à long terme.

Multiplier la déduction pour gain en capital, c'est possible?

19/04/2024 | WelcomeSpaces.io

LE COURRIER DE SÉRAFIN. Quelle est l'avantage de cette stratégie?