Aviation: le président de IATA doute que le projet canadien sur la survente abusive aboutisse

Publié le 07/06/2017 à 12:00

Aviation: le président de IATA doute que le projet canadien sur la survente abusive aboutisse

Publié le 07/06/2017 à 12:00

Alexandre de Juniac, grand patron d'IATA, estime que le gouvernement canadien est en voie de commettre le même type d'erreur que d'autres pays.

Cancun - Suppliant les gouvernements de la planète de cesser immédiatement l’adoption des mesures unilatérales – de sécurité ou autres  sans consultation préalables avec l’industrie, le président et chef de la direction de l’Association du transport aérien international (IATA) a dit fortement douter que le projet de loi canadien sur la survente (overbooking) au pays finisse par voir le jour.

Le grand patron de l’IATA, Alexandre de Juniac, a appris comme tout le monde lundi matin, la décision d’un groupe de six pays (Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Yémen, Égypte, Maldives) de rompre toute relation, diplomatique et commercial avec le Qatar, accusé de «soutenir le terrorisme». Cette décision surprise de fermer, ce faisant, les frontières aériennes avec ce pays, a provoqué un chaos immédiat pour les transporteurs de la région comme du reste de la planète.

Le même scénario s’était produit en mars lorsque les gouvernement des États-Unis et de la Grande-Bretagne ont décidé d’interdire tout équipement électronique plus gros qu’un téléphone, à bord des vols en provenance ou en direction de pays du Moyen-Orient et du Nord de l’Afrique. La décision de Washington concerne huit pays arabes (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Égypte, Jordanie, Koweït, Maroc, Qatar, Turquie), tandis que celle de Scotland Yard, concerne directement six pays (Arabie saoudite, Égypte, Jordanie, Liban, Tunisie, Turquie).

Ce n’est pas ainsi que les choses devraient se passer, a martelé avec insistance au cours des trois derniers jours, le président et chef de la direction d’IATA, Alexandre de Juniac. Les membres de cette association, qui regroupe plus de 80% du trafic aérien mondial, sont réunis au Mexique pour la tenue de leur assemblée générale annuelle.

«Nous devons faire confiance aux renseignements qui sous-tendent ces décisions. (…) Mais de telles mesures (bannissement de certains objets, fermeture de frontières, etc.) nuisent à la confiance du public envers notre industrie. C’est pourquoi nous devons travailler ensemble à la recherche de solutions.»

Tout en pressant Londres et Washington de retirer leur interdiction d’embarquer des tablettes et ordinateurs portatifs à bord de certains vols, l’IATA insiste sur l’importance de toujours la consulter avant de prendre une quelconque décision.

Déficit de confiance envers IATA?

«La sécurité est ultimement une responsabilité gouvernementale. Mais elle constitue aussi un enjeu de taille pour nous, les compagnies aériennes. La sécurité de nos passagers et employés est notre première responsabilité. Nous avons une expertise dans le domaine qui pourrait aider les gouvernements. Nous ne comprenons pas la résistance que nous constatons de leur part à cet égard.»

Une simple question de confiance? Les autorités gouvernementales concernées n’ont peut-être pas totalement confiance en votre association ou l’intégrité de vos membres? Aussitôt terminée, la question de Les Affaires a immédiatement été balayée par le grand patron d’IATA.

«Non, je n’y crois pas. Je ne crois pas du tout que ce soit le cas. (…) Parce que à chaque fois, ils nous reviennent en disant que nous n’avions pas tort et qu’ils aurait dû nous consulter au préalable.»

Par la suite, a-t-il expliqué, les gouvernements consultent un peu plus l'industrie. «On nous consulte. Oui, ils nous consultent», même si au final, admet-il, en regard de certaines décisions, l’écoute ne semble pas toujours au rendez-vous.

L'erreur canadienne

Cette erreur, le gouvernement canadien pourrait aussi la commettre estime le M. de Juniac. Le cas du projet de loi canadien, mené par le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, qui cherche, à ses yeux, à interdire la survente au Canada, lui paraît particulièrement parlant.

Ottawa ne cherche pas à interdire la survente, mais plutôt à forcer une compensation volontaire. Les compagnies aériennent devraient augmenter leurs offres jusqu'à ce qu'un nombre adéquat de passagers les aient acceptées.

En entrevue, M. de Juniac a précisé que le gouvernement canadien de Justin Trudeau n’est pas très différents des autres gouvernements dans le monde. «Ils prennent des décisions trop rapides. Ils sont dans l’urgence et ils pensent tout savoir. Et pour cette raison, ils font l’erreur de ne pas nous consulter, de prendre même le temps de sentir le pouls de l’industrie ou des spécialistes au sein même de leurs propres organisations.»

D’ailleurs, le président d’IATA doute que le projet de loi canadien finisse par voir le jour. «Là aussi on s’est beaucoup manifesté. Je ne suis pas certain que ce projet aille jusqu’au bout. Là encore les ministres auraient avantage à consulter pour mieux comprendre la portée de leur décision.»

«Surtout, ajoute-t-il, que le surbooking, ça existe partout, que ça existe depuis des années et que ç’est somme toute bien géré.»

Ce dernier dit comprendre l’intention d’Ottawa d’établir un équilibre entre les droits des passagers et ce que les compagnies aériennes sont en mesure de promettre et garantir. «Oui, il y a un équilibre à trouver. Mais ce que l’on voit maintenant, pour des raisons un peu démagogiques il faut bien le dire, est que l’on cherche à déplacer le fléau de la balance au détriment des compagnies aériennes de façon excessives.»

Or, prévient-il, en imposant des obligations que les compagnies aériennes ont beaucoup de mal à fournir, ou encore à un coût tellement important, à la fin ces mesures se répercutent sur les passagers. Car lorsqu’on ne trouve pas le bon compromis, c’est le passager qui finit par pâtir en payant probablement plus cher son billet».

Les frais de transport et de séjour de notre journaliste au Mexique sont couverts par IATA.

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