Industrie du ski: Gros chiffres d'affaires, petits profits


Édition du 09 Novembre 2013

Industrie du ski: Gros chiffres d'affaires, petits profits


Édition du 09 Novembre 2013

Par Claudine Hébert

Michel Couture, de Ski Saint-Bruno. Photo: Gilles Delisle

La saison de ski est lancée dans les stations du Québec, au grand bonheur des mordus de glisse. Mais la fièvre des pentes est ternie par un constat inquiétant : les profits dégagés par les 75 stations ne suffisent pas à assurer le renouvellement de leurs infrastructures vieillissantes.

Cinq millions de dollars au Mont-Sainte-Anne pour une nouvelle remontée quadruple débrayable, 5 M$ à Val-d'Irène pour un nouveau chalet et de nouvelles pistes, 750 000 $ pour rénover la cafétéria à Mont Blanc... Ces investissements semblent indiquer que l'industrie du ski se porte bien. Dans les faits, la situation est critique.

Le chiffre d'affaires annuel des 75 stations de ski de la province, au cours des cinq dernières années, a été de 260 M$. Huit stations sur dix font même des profits. «Mais ne vous fiez pas aux apparences», avertit Michel Archambault, auteur de l'étude économique et financière des stations de ski du Québec, publiée depuis plus de 20 ans.

Ces profits, qui représentent à peine 5 % de liquidités annuelles, ne sont pas suffisants pour relever le défi auquel font face les stations : renouveler leurs infrastructures qui ont plus de 30 ans d'âge, dit le professeur émérite de la Chaire de tourisme Transat de l'ESG UQAM.

Besoin de 200 M$ d'investissements

D'après Claude Péloquin, qui vient de quitter la direction générale de l'Association des stations de ski du Québec (ASSQ) après 18 ans de service, les réinvestissements nécessaires pour revitaliser l'ensemble des équipements actuels s'élèveraient à plus de 200 M$.

La plupart des stations ont refusé de partager leurs données financières avec Les Affaires. Plus de la moitié des stations québécoises sont des entreprises privées et préfèrent conserver leurs données confidentielles. Idem pour les coopératives et les OSBL, qui ont, eux aussi, tenu un discours similaire.

Pourtant, toutes les stations dénoncent l'augmentation importante de leurs coûts d'exploitation. Depuis 10 ans, la facture de diesel a quadruplé, celle d'électricité a triplé et les taxes foncières ont grimpé en flèche. «En six ans, nos taxes municipales sont passées de 65 000 $ à 235 000 $ par année», affirme Michel Couture, directeur général de la station Ski Saint-Bruno.

Or, ajoute-t-il, les revenus des stations de ski font du surplace. «Difficile d'imputer ces hausses du coût d'exploitation à la clientèle dont le budget discrétionnaire tend à diminuer», ajoute Michel Couture qui siège au conseil d'administration de l'ASSQ.

Et les institutions financières ne sont pas des plus collaboratrices. Prenez l'exemple du Mont-Comi, dans le Bas-Saint-Laurent. Il y a quatre ans, le propriétaire a dû emprunter 1 M$ pour acheter une remontée quadruple usagée. L'institution financière n'a rien voulu savoir des actifs de la station. «Il a fallu que mes deux frères coactionnaires et moi mettions nos maisons respectives en garantie pour obtenir le prêt», dit le directeur général et coactionnaire, Denis Roussel.

Puisque la billetterie ne suffit plus, les stations doivent diversifier leurs sources de revenus pour survivre. À commencer par rapatrier la gestion des principaux services liés à la montagne. Finies les concessions pour l'école de glisse et la location d'équipements. «Ces services génèrent les meilleures marges de profit au sein d'une station, jusqu'à 40 %, voire 50 %», fait remarquer Michel Archambault.

C'est justement ce qui a motivé la station Mont Sutton à tout rapatrier sous son aile. Après l'école de glisse reprise il y a cinq ans, la famille Boulanger, propriétaire de la station, a repris cette saison le contrôle de la boutique, de la location de ski, du restaurant situé au sommet et de l'atelier d'entretien.

«En plus d'avoir un meilleur contrôle sur notre service à la clientèle à tous les échelons, la direction estime que ces revenus représenteront 20 % de notre volume d'affaires», explique Nadya Baron, directrice du marketing et des communications de Ski Mont Sutton.

Diversifier les activités

Au Mont Valinouët, situé dans le massif des Monts-Valin, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, la diversification est passée par l'aménagement du relais motoneige, au pied des pentes, qui génère de 25 % à 30 % des revenus. «Même si les skieurs quittent les pistes au printemps, les motoneigistes profitent encore de nos conditions de neige hivernales exceptionnelles», souligne Stéphane Leblond, directeur marketing de la station, qui a adopté le modèle de coopérative de travailleurs.

Pour d'autres stations, les activités estivales, telles que les glissades d'eau ou le vélo de montagne, permettent d'apporter de l'eau au moulin.

Les plus chanceuses peuvent miser sur l'immobilier. Grâce au développement résidentiel dans les environs de Ski Bromont, plus de 60 M$ ont été investis dans la montagne depuis 10 ans. Or, ce privilège de vendre des terrains n'est pas offert à tous.

Aménagée dans un parc, la station de ski Saint-Bruno a dû se tourner vers d'autres avenues. Sa solution ? Développer une expertise dans la fabrication de neige qui profite à plusieurs stations de la province. Michel Couture refuse toutefois de dévoiler l'apport de cette division qui permet à la station de payer plusieurs de ses factures.

Près d'une quarantaine de stations ont dû fermer leurs portes depuis les années 1980. L'enjeu de la survie des stations au Québec est si sérieux qu'il faut s'attendre à d'autres fermetures. «Si les municipalités et le gouvernement continuent de nous imposer de nouvelles contraintes [NDLR : taxes et impôts], il restera moins de 50 stations de ski au Québec d'ici 10 ans», conclut Charles Désourdy, pdg de Ski Bromont.

7 millions - En 10 ans, le nombre de jours/skis au Québec a fracassé à deux reprises le chiffre record de 7 millions, soit en 2004-2005 et en 2007-2008. Source : Association des stations de ski du Québec

À la une

Le CELI de Mathieu Corbeil: en construction

Édition du 10 Avril 2024 | Jean Décary

PLEINS FEUX SUR MON CELI. L’ingénieur en construction mise sur un portefeuille composé de FNB et de titres individuels.

Bourse: la Banque Royale fait trembler le marché des actions privilégiées

BALADO. La Banque Royale envoie un signal clair qu'elle pourrait racheter toutes ses actions privilégiées.

Correction boursière et marché baissier: pas de panique!

SE LANCER EN BOURSE. Le propre des marchés boursiers est de progresser et de reculer en permanence.