Comment Israël est devenu high-tech

Publié le 29/11/2008 à 00:00

Comment Israël est devenu high-tech

Publié le 29/11/2008 à 00:00

Par Pierre Théroux

Bloomberg News

Minuit, lundi soir. Depuis les côtes de la Méditerranée, où des terrasses se déploient sur la plage dès la nuit tombée, jusqu'au premier quartier juif Neve Tzedek, redevenu tendance, en passant par le quartier yéménite ou la très branchée rue Sheinkein et le boulevard Rothschild, de nombreux cafés, bars et restaurants sont encore bondés.

Dans cette ville qui ne dort jamais, quasi désertique lors de sa création il y a 100 ans à peine, la vie est animée, exubérante, intense et jeune.

Ici, loin des agitations et des troubles politiques de la millénaire et religieuse Jérusalem, se campe Israël, État moderne. Celui de la high-tech où des jeunes comme Alissa Levy continuent à modeler l'économie israélienne, au rythme incessant de découvertes et d'innovations qui, ces dernières années, ont fait de l'État hébreu un pôle mondial des technologies.

" Il y a beaucoup d'effervescence, c'est très inspirant, très motivant d'être ici ", dit cette chargée de projet de la firme Optimum qui, depuis 1993, développe des technologies de l'information vouées notamment aux industries de l'aéronautique, des communications et de l'électronique.

Des oranges à l'équipement médical

" Il y a tout juste 30 ans, Israël avait encore une économie sous-développée ", rappelle Les Abelson, directeur du bureau israélien de la Fondation Canada-Israël pour la recherche et le développement industriels (FCIRDI).

En très peu de temps, " Israël est passé d'une économie agraire et traditionnelle à une économie technologiquement avancée et à dominante tertiaire ", souligne Israela Many, économiste en chef de la Fédération des chambres de commerce d'Israël.

Qui ne se souvient des oranges Jaffa qui ont longtemps dominé les marchés étrangers ? Peu de temps après sa création, en 1948, l'État hébreu s'est lancé à grande échelle dans la production d'agrumes exportés dans le monde entier à partir du port de Jaffa, situé dans cette ville de l'Antiquité, qui a fusionné en 1950 avec Tel-Aviv.

À cette époque, le tiers des exportations du pays étaient agricoles. Les produits de la terre ont aujourd'hui été remplacés par les logiciels, l'équipement médical et les médicaments.

Aujourd'hui, le secteur de la haute technologie réalise plus de 40 % des exportations de l'État hébreu et représente quelque 70 % de la production industrielle.

La matière grise comme principale ressource

Une blague locale raconte qu'après sa fuite d'Égypte, Moïse a erré 40 ans dans le désert parce qu'il cherchait le seul endroit de la région où il n'y ait pas de pétrole !

C'est une façon ironique d'illustrer qu'" à défaut de ressources naturelles, Israël a misé sur sa matière grise ", dit Amotz Asa-El, président de l'édition israélienne de Business Week et ex-éditeur du quotidien Jerusalem Post.

L'État hébreu compte aujourd'hui la plus forte proportion d'ingénieurs du monde : 140 pour 10 000 employés, par rapport à 80 aux États-Unis et au Japon et 55 au Canada. Israël est numéro un mondial pour le nombre de brevets dans le domaine des dispositifs médicaux et quatrième dans celui des biotech.

" L'économie israélienne a puisé dans sa main-d'oeuvre et ses connaissances scientifiques pour se nicher dans des produits à haute valeur ajoutée ", dit Israela Many.

Aujourd'hui, sur un territoire deux fois grand comme l'Estrie, Israël revendique plus de 3 000 jeunes entreprises, dont 900 biotechs, qui visent à produire de nouveaux médicaments ou à trouver de nouveaux traitements. Israël a d'ailleurs remplacé le Canada en tant que pays ayant le plus grand nombre de sociétés étrangères inscrites au Nasdaq.

La Silicon Valley israélienne

Autour de Tel-Aviv et dans la Galilée millénaire, on retrouve entre Haïfa et Nazareth la deuxième concentration d'entreprises de haute technologie au monde, après la Californie.

Cette Silicon Valley israélienne abrite quelque 3 000 entreprises, parmi lesquelles une myriade de sociétés en démarrage promises à un bel avenir, et 60 000 employés qui gagnent, pour la plupart, de très bons salaires.

Les entreprises locales y côtoient des géants mondiaux, notamment IBM, Intel, Microsoft, Sony, LG, Motorola, Siemens et autres Cisco, " qui ont compris l'intérêt d'y implanter d'importants centres de recherche ", souligne Les Abelson, afin de profiter eux aussi de cet immense vivier de quotients intellectuels issus des universités et instituts de recherche de renom comme l'Institut Weizmann des sciences ou l'Institut technologique du Technion.

Certaines technologies, comme la plateforme Centrino et le Pentium MMX, sont nées dans les laboratoires israéliens. Motorola Israël a participé à l'élaboration des premiers téléphones cellulaires. Le célèbre BlackBerry est équipé d'une puce conçue par les chercheurs de Marvell, en Israël.

Même les Bédouins qui mènent leurs chèvres dans le désert n'échappent pas à cette vague, comme en témoignent ces antennes paraboliques dans leurs campements !

Champion du monde de la R-D

Les performances d'Israël dans le secteur des hautes technologies reposent sur son engagement envers l'innovation, qui ne date pas d'hier. Depuis 15 ans, les dépenses en recherche- développement y sont proportionnellement les plus élevées du monde.

Au début des années 1990, le pays des kibboutz et des oranges allouait déjà 2,5 % de son produit intérieur brut (PIB) à la R-D. Aujourd'hui, Israël y consacre près de 5 % de son PIB, soit plus du double de la moyenne des pays de l'OCDE. En comparaison, le Japon y consacre 3,2 %, et les Européens se sont fixés l'objectif de porter leurs dépenses de R-D à 3 % de leur PIB en 2010.

Pourtant, l'ancien premier ministre israélien Ehoud Olmert a déjà évoqué la nécessité de doubler les dépenses de son pays en R-D afin de conserver son avantage concurrentiel. Il suggérait même de les porter à 10 % dans les années à venir.

Ces chiffres n'indiquent pourtant que les dépenses dans le domaine de la recherche civile, et non celles allouées à la R-D militaire israélienne, reconnue pour son importance.

La Terre promise

Autre atout : au début des années 1990, Israël a adopté des mesures fiscales pour aider la création d'incubateurs d'entreprises et de fonds de capital de risque.

Cette décision s'est avérée particulièrement utile à une période où près d'un million de juifs de l'ex-URSS et des pays de l'Est européen ont, pendant une décennie, profité de l'effondrement du bloc soviétique pour faire leur alya (retour en Israël).

Le pays, qui ne comptait alors que cinq millions d'habitants, avait les moyens et les infrastructures pour permettre à un grand nombre d'entre eux, ingénieurs et scientifiques se retrouvant sans emploi, de mettre leurs connaissances à profit pour lancer leur entreprise.

" Cet important flux d'immigrants, dotés d'un excellent bagage technologique, a aussi grandement contribué au développement de l'industrie des hautes technologies ", rappelle Einat Wilf, auteure, qui fut conseillère en politique internationale de Shimon Peres, du temps où il était vice-premier ministre, au début des années 2000.

Des défis de taille

Néanmoins, Israël est confronté à certains défis de taille. Sa bonne santé économique ne profite pas à certaines couches de la population, particulièrement les ultra-orthodoxes et les arabes israéliens, qui ont de grandes familles. Les premiers se consacrent principalement à l'étude religieuse, tandis que les seconds sont souvent peu qualifiés.

Sa grande dépendance à l'égard des domaines de haute technologie pourrait aussi être une contrainte pour la croissance économique. Au début des années 2000, la crise des technos a secoué l'économie israélienne. La deuxième Intifada, qui a éclaté en septembre 2000, a aussi eu des retombées sur l'économie.

Néanmoins, malgré le contexte politique, la vie nocturne de Tel-Aviv continue à battre son plein, même si, en avril 2003, une bombe a explosé dans un bar-discothèque du bord de mer, faisant plusieurs victimes. Les gardiens en poste devant les restaurants et dans les lieux publics témoignent des risques d'attentats, toujours présents.

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