Retour à la stabilité avant la vraie reprise


Édition du 17 Septembre 2016

Retour à la stabilité avant la vraie reprise


Édition du 17 Septembre 2016

Alex Brisson, président et chef de la direction de Norda Stelo. Il pose devant le centre d’affaires Henri-IV, à Québec, une des réalisations de la firme. [Photo : Francis Vachon]

Après plusieurs années marquées par les scandales et l'immobilisme, les firmes québécoises de génie voient le bout du tunnel. L'activité n'a pas encore retrouvé son rythme de croisière, mais des signes de reprise font surface. Le secteur a profité des années de crise pour se repositionner sur divers marchés, dont celui des infrastructures.

Chez Norda Stelo, la dernière année a été difficile. L'ex-Roche, qui a changé de nom dans la foulée du dévoilement d'irrégularités dans l'attribution des contrats publics d'infrastructures, a de nouveau réduit la voilure et licencié une centaine de personnes en mai dernier. La firme a revu en profondeur ses orientations et a décidé de «laisser tomber le marché municipal, pourtant le segment de marché historique de Roche», affirme Alex Brisson, président et chef de la direction de Norda Stelo.

Dans les belles années, ce marché représentait 50 % du chiffre d'affaires de la firme. Il est tombé à 15-20 % dernièrement, précise le dirigeant. Si Norda Stelo a décidé d'abandonner ce secteur, c'est surtout parce qu'il est devenu «très compétitif et judiciarisé», regrette Alex Brisson.

Norda Stelo s'est donc «réinventée» en 2016. «On préfère se diriger vers des créneaux plus nichés plutôt que d'être généralistes», explique Alex Brisson. Actuellement, les mines, les forêts, l'énergie, l'exploration et le secteur du pétrole et du gaz représentent la moitié du chiffre d'affaires de la firme, qui ne veut pas divulguer ses revenus. L'autre moitié est assurée de façon à peu près égale par les infrastructures et le transport ainsi que par le commercial et l'institutionnel (écoles, hôpitaux).

Stabilisation plutôt que reprise

Au-delà des restructurations réalisées au sein des firmes, le lancement de grands chantiers, comme ceux du nouveau pont Champlain et de l'échangeur Turcot au Québec, a contribué à insuffler de l'oxygène à l'industrie. L'annonce d'un plan d'investissement de 120 milliards de dollars dans les infrastructures par le gouvernement Trudeau offre également des perspectives prometteuses aux firmes du secteur. «Après deux ou trois ans de ralentissement, le marché a débloqué dans le domaine des routes et des ponts, témoigne Alex Brisson. On a déjà plusieurs mandats. On participe notamment à la transformation de la route 185 en autoroute, près de Rivière-du-Loup.»

SNC-Lavalin confirme la tendance. «Après des années de sous-investissement, beaucoup d'argent est dépensé dans les infrastructures au Canada et dans le monde. Une étude du cabinet McKinsey & Company prévoit que les investissements dans les infrastructures dans le monde augmenteront de 109 % entre 2012 et 2030, pour atteindre 13 milliards de dollars américains. C'est un beau défi pour nous», indique Marc Rivard, vice-président directeur, ingénierie des infrastructures, de SNC-Lavalin.

«Les mauvaises années sont derrière nous», avance-t-il.

La première firme au classement des grands de l'ingénierie de Les Affaires réalise actuellement «de 4 000 à 5 000 projets par an au Québec». Elle est notamment engagée dans le chantier du pont Champlain, les travaux d'agrandissement de l'hôpital Sainte-Justine, qui viennent de se terminer, et ceux de l'hôpital de l'Enfant-Jésus et de l'Hôtel-Dieu de Québec.

Toutefois, André Rainville, le président de l'Association des firmes de génie-conseil du Québec (AFG), hésite à parler de véritable reprise : «Il est plus juste de parler de stabilisation. À l'horizon, on voit poindre une éventuelle reprise des investissements publics et privés. On peut donc penser de façon réaliste qu'on assistera à une relance de l'activité dans les prochaines années, grâce entre autres à l'obligation d'entretenir les actifs municipaux et gouvernementaux (conduites d'eau, routes, ponts, etc.).»

Il faut dire que plusieurs indices sont encourageants pour l'industrie, par exemple du côté de l'emploi. «Après plusieurs années de pertes, la situation est redevenue stable», affirme André Rainville. Dans les faits, le nombre d'emplois au sein des 40 firmes membres du regroupement a baissé de 2,5 % d'avril 2015 à avril 2016. Mais l'Association considère que le secteur a renoué avec la stabilité, après avoir enregistré des pertes d'emplois de l'ordre de 20 % lors de certaines années antérieures.

Selon le palmarès de Les Affaires, le nombre d'employés des 30 plus grandes firmes de génie-conseil du Québec n'a cessé de fondre au cours des quatre dernières années, passant de 26 867 employés en 2012 à 18 639 en 2016, soit une perte de plus de 8 200 emplois.

Éliminer la méfiance

Cette stabilisation s'accompagne d'un retour de la confiance du public envers la profession. Selon un sondage mené à l'automne 2015 pour le compte de l'Ordre des ingénieurs du Québec, 78 % du public a une opinion plutôt ou très favorable de la profession. Le Baromètre des professions établi par Léger en mars 2016 montre quant à lui que 79 % du grand public fait confiance aux ingénieurs, comparativement à 62 % en 2015.

Sur le terrain, toutefois, les plaies ne sont pas encore totalement pansées.

«On sent encore de la méfiance. Il n'est pas rare que les donneurs d'ouvrage mettent en place des équipes de supervision du travail des firmes. Cela dénote un certain inconfort», témoigne Norman Hurens, directeur général de la firme Beaudoin-Hurens (14e rang au palmarès). Il fait référence, entre autres, à la création du poste d'inspecteur général de la Ville de Montréal, occupé par Denis Gallant.

André Rainville note lui aussi que la méfiance persiste. «Elle existe toujours, malgré toutes les mesures qui ont été mises en place pour assainir le milieu, comme l'obligation d'obtenir, pour les firmes, une autorisation de l'Autorité des marchés financiers, les changements de dirigeants à la tête de plusieurs sociétés, l'amélioration des règles de gouvernance, ou encore l'instauration de codes d'éthique et de lignes de dénonciation.» Le président de l'AFG juge indispensable de rétablir le lien de confiance avec l'industrie du génie-conseil, qui représente un poids économique important au Québec.

«Encore faut-il que les donneurs d'ouvrage et le public prennent conscience des changements intervenus, ajoute-t-il. Le fait d'entendre encore parler de temps en temps de procédures judiciaires, dans la foulée de la commission Charbonneau, n'aide pas à tourner la page.»

Manifestation de ce malaise, le site de l'AFG a été victime de piratage à la mi-août. «La page d'accueil a été barrée d'un message faisant référence à la commission Charbonneau et disant que le temps était venu de rembourser», relate André Rainville.

Une certaine frilosité imprime donc encore sa marque sur le secteur. «Les donneurs d'ordres ont recommencé à donner de l'ouvrage, mais les prix de soumission ont fortement baissé», indique Norman Hurens. De plus, les règles d'octroi des marchés ont souvent changé, forçant les firmes à s'adapter.

«Certaines dispositions nous paraissent difficiles à suivre, car elles ne nous permettent pas de montrer ce dont on est capables, poursuit Norman Hurens, renvoyant à la règle du plus bas soumissionnaire. On ne sait pas toujours sur quoi on soumissionne, les mandats sont souvent peu précis», ajoute-t-il.

Mobilité et environnement

L'industrie fait face à d'autres défis. «Nous devons affronter la concurrence de plus petites firmes, nées des années de turbulence. Plus agiles en raison de leur taille, elles peuvent proposer des prix moindres, car elles ont moins de coûts fixes à assumer», constate Alex Brisson.

«Sur les projets d'envergure, nous nous butons également contre les plus grandes firmes qui ont des capacités de financement supérieures aux nôtres et qui collaborent avec des partenaires étrangers», affirme-t-il.

Pour garder la tête hors de l'eau, Norda Stelo multiplie les ententes avec de petites firmes spécialisées. Cela lui donne la possibilité d'accéder à des expertises pointues dans des domaines aussi divers que le traitement des eaux, les infrastructures urbaines ou la gestion d'intégrité des actifs.

Fort de toutes ces réorientations, Alex Brisson voit l'avenir d'un bon oeil. Outre la poursuite de l'expansion mondiale, le pdg estime que le transport routier et ferroviaire ainsi que les infrastructures alimenteront la croissance. Actuellement, la firme pense réembaucher 50 personnes prochainement et vise à atteindre 100 embauches d'ici la fin de 2016.

 

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