Le défi technologique de la Sun Life

Publié le 21/02/2018 à 06:00

Le défi technologique de la Sun Life

Publié le 21/02/2018 à 06:00

Par Stéphane Rolland

Près de 150 travailleurs développent de nouvelles applications technologiques pour la Sun Life dans le Mile-End, à Montréal. [Photo : Financière Sun Life]

À quel secteur associez-vous le mot « technologie » ? L'assurance ne vient pas spontanément en tête. Pourtant, les assureurs recourent de plus en plus aux algorithmes pour établir leurs tarifs, combattre les fraudes ou interagir avec leurs clients. Une bonne part des applications développées en ce sens à la Financière Sun Life sont d'ailleurs conçues à Montréal, souligne Robert Dumas, président de la direction québécoise.

Près de 150 travailleurs développent de nouvelles applications technologiques pour la Sun Life dans le Mile-End, à Montréal, où elle a ouvert, il y a deux ans, des bureaux qui accueillent un total de 300 employés. L'existence de ce laboratoire dans la métropole, en plus de ceux de Toronto et de Waterloo, est une bonne nouvelle pour le Québec, dit un M. Dumas enthousiaste. « C'est intéressant parce que ce sont des gens que nous n'avions pas au Québec avant, poursuit le dirigeant. Leur travail est apprécié. La direction à Toronto voit Montréal comme une plaque tournante pour ce genre de service. »

La lutte à la fraude est l'une des expertises où les informaticiens de l'équipe de Montréal se démarquent, estime l'actuaire de formation qui a travaillé 28 ans chez Mercer avant de joindre l'assureur en 2012. Leur travail nourrit bien des espoirs. Près de 15 % des primes payées pas les assurés servent à compenser les fraudes, selon le Bureau d'assurance du Canada (BAC). « À l'aide de nos statistiques, on développe des algorithmes qui sont capables de détecter des comportements douteux », explique notre interlocuteur.

Les débouchés de l'intelligence artificielle permettront également aux assureurs de modifier la manière dont ils déterminent la tarification de leurs produits. La Sun Life peut ainsi se tourner davantage vers des données statistiques. « Quelle variable est importante pour déterminer l'espérance de vie d'une personne ? », questionne le président sur un ton qui sous-entend que la réponse va surprendre. « Le code postal, enchaîne-t-il. Ça donne une série d'information sur l'économie, la démographie et le mode de vie. Ce n'est pas le seul, mais c'est un exemple. »

Robert Dumas, président et chef de la direction de la Financière Sun Life Québec

Le lancement de l'application Sun Life Go, qui permet de contacter de l'assurance « en dix minutes » en remplissant un questionnaire en ligne, est un exemple de cette nouvelle méthode d'évaluation du risque. « Le temps qu'il fallait passer à répondre aux questions, à donner du sang, c'était intrusif, se souvient M. Dumas. Avant, il y avait beaucoup de paperasse et de va-et-vient. Ça prenait des jours. »

Dans toutes ses activités mondiales, la Sun Life parvient à économiser 50 M$ par année grâce à une révision de ses processus d'affaires et à une meilleure utilisation des technologies. Ces économies sont réinvesties dans ses laboratoires. Les gains d'efficacité réalisés au moyen des technologies présentent-ils un risque pour les employés qui exercent un travail plus clérical ? M. Dumas ne prévoit pas de mise à pied pour l'instant. « Je compte beaucoup sur l'attrition naturelle (les départs à la retraite) pour instaurer le changement, répond-il. Quand quelqu'un part, c'est l'occasion de se demander si on peut faire le travail d'une manière différente. Parfois, les technologies nous permettent de faire le même travail avec un nombre moins élevé de personnes. »

Des avancées au Québec

La Sun Life a fait des progrès au Québec depuis qu'elle a mis en place une stratégie distincte pour la province en 2010. Auparavant, ses parts de marchés s'érodaient tandis qu'une génération de Québécois était toujours marquée par le déménagement du siège social de l'assureur en 1978, en plein débat linguistique et référendaire. « On avait un déficit de notoriété et de talent au Québec, raconte M. Dumas. Il nous fallait une expertise locale pour comprendre le marché québécois. »

En 2010, la Sun Life met en place une équipe de direction pour le Québec et recrute Isabelle Hudon pour la diriger. Embauché en 2012 pour un poste de haut dirigeant, M. Dumas a succédé à Mme Hudon en 2014, alors qu'elle a été promue à des responsabilités nationales. Mme Hudon a été nommée ambassadrice du Canada à Paris au début de l'automne.

Depuis 2010, le nombre d'employés est passé de 1 600 à 2 100, une augmentation de 30 %. Le nombre de directeurs qui travaillent au Québec est passé de 65 à 140. Les parts de marchés ont, elles aussi, connu une croissance. En nombre de primes souscrites, les parts de marché de la Sun Life, toujours au Québec, sont passées de 11,76 % en 2012 à 15,12 % en 2016, selon le rapport annuel sur les institutions financières de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Elle arrive désormais au troisième rang, derrière l'Industrielle Alliance et Desjardins Sécurité financière.

Pour la prochaine étape, M. Dumas dit ne pas s'être donné d'objectifs d'embauche ou de gains de parts de marchés. La Sun Life fera des embauches ciblées selon les besoins d'expertise, répond le dirigeant. La priorité de l'équipe du Québec sera de développer de nouvelles technologies et de nouveaux services. Par exemple, la société mène un projet pilote où les assurés pourront discuter avec un thérapeute lors d'une consultation vidéo sur un appareil mobile. Elle mène aussi un projet pilote pour voir si des tests de salive permettent de mieux choisir le médicament de certains assurés.

Questionné sur le bracelet électronique de santé qu'offre notamment Manuvie, M. Dumas dit que la Sun Life n'est pas encore convaincue de la pertinence d'en offrir à certains clients. « On n'est pas rendu là, répond-il. On ne dit pas "non", mais nous avons encore besoin d'être convaincus. Cela soulève des débats. Certains sont en faveur, d'autres trouvent ça intrusif. Un autre problème, c'est que si tu veux le bidule, c'est probablement que tu es déjà en santé. On n'a pas de preuve que ça encourage les gens à changer leurs habitudes, pour l'instant. Il reste aussi des questions sur l'entretien de l'appareil. »

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