L'économie mondiale entre-t-elle dans une zone de turbulences?

Publié le 09/08/2016 à 11:51

L'économie mondiale entre-t-elle dans une zone de turbulences?

Publié le 09/08/2016 à 11:51

Par François Normand

ANALYSE - L'événement n'a pas fait les manchettes, mais il est important. En 2015, le PIB mondial nominal en dollar américain (qui ne tient pas compte de l'inflation) a reculé de 5,9%, selon la Banque mondiale. C'est la plus forte baisse depuis 1960. Faut-il s'inquiéter?

En fait, depuis 1960, le PIB nominal n'a diminué qu'à deux reprises: en 2015 et en 2009 (un recul de 5,2%), lors de la récession mondiale de 2008-2009, soit la pire crise économique depuis la Grande Dépression des années 1930.

Ce graphique de la Banque mondiale - qu'un économiste a porté à notre attention - montre les deux moments où il a reculé, espacé seulement par une courte période de six ans.

Mais que s'est-il donc passé l'an dernier? L'année 2015 n'a pourtant rien à voir avec la récession de 2008-2009 qui a ébranlé l'économie mondiale.

Pour répondre à cette question, nous avons parlé à plusieurs économistes des principales institutions financières au Canada.

Leur verdict? La plupart d'entre eux affirment que la chute de 5,9% du PIB nominal tient essentiellement à la forte appréciation du dollar américain en 2015, qui a bondi de 12,5% (par rapport à un panier de 26 devises).

Bref, il y a un effet devise derrière ce recul spectaculaire du PIB nominal l'an dernier, souligne Stéfane Marion, économiste et stratège en chef à la Banque Nationale.

D'ailleurs, le portrait change si on prend une autre unité de mesure, précise l'économiste de la Nationale.

Par exemple, si l'on utilise le PIB mondial sur une base de la parité du pouvoir d'achat (PPA, une méthode moins volatile), il a progressé de 4% en 2015 comparativement à 0% en 2009.

Et si l'on prend le PIB réel (qui tient compte de l'inflation), l'économie mondiale a augmenté de 3,1%, selon les plus récentes estimations du Mouvement Desjardins. Pour 2009, on parle d'une contraction de 0,1%.

Selon Benoît Durocher, économiste principal chez Desjardins, un autre facteur à pu contribuer à la chute de 5,9% du PIB nominal en dollar américain en 2015: l'importante diminution des prix des matières premières.

Par exemple, en 2015, l'indice de l'énergie S&P energy spot index a perdu 31,5% de sa valeur.

L'économiste de Desjardins affirme que cette chute tient en partie à l'offre excédentaire de pétrole dans le monde, principalement attribuable à l'arrivée du pétrole de schiste américain.

Mais qu'est-ce qui a si fortement tiré le dollar américain vers le haut en 2015? Les économistes évoquent plusieurs hypothèses.

Politiques monétaires divergentes

Luc Vallée, stratège en chef chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne (VMBL), point du doigt la divergence des politiques monétaires entre les États-Unis et le reste du monde.

Par exemple, en décembre, la Réserve fédérale américaine (Fed) a haussé son taux directeur, tandis que les principales banques centrales réduisaient le leur ou maintenaient le statu quo.

De plus, en 2014 et en 2015, la Fed a laissé entendre a plusieurs reprises qu'elle allait relever les taux d'intérêt.

Les actifs américains sont donc devenus plus attrayants dans ce contexte. Cela a incité plusieurs investisseurs à placer leurs billes aux États-Unis, ce qui a accru la demande pour le dollar américain et fait augmenter sa valeur.

Selon Luc Vallée, une décision de la Chine a aussi propulsé la devise américaine vers le haut. En août 2015, le gouvernement a mis fin à l'arrimage (le peg, comme ont dit dans l'industrie) entre le yuan chinois et le dollar américain.

Cette mesure a introduit un risque de change pour les investisseurs, et plusieurs d'entre eux ont liquidé leurs positions en Chine.

Incertitude mondiale

Pour sa part, Robert Hogue, économiste principal chez RBC Banque Royale, estime que l'appréciation du dollar américain en 2015 peut être un symptôme de la faiblesse de l'économie mondiale et de l'incertitude.

La Chine ralentit. Les pays émergents sont en difficulté. L'Europe stagne. En fait, seuls les États-Unis ont une économie qui va relativement bien dans le monde.

Dans ce contexte, l'économie américaine devient une valeur refuge, ce qui augmente la demande pour le dollar américain.

De son côté, l'économiste indépendant Ianik Marcil estime que le recul du PIB nominal en 2015 témoigne de plusieurs problèmes qui affectent l'économie mondiale, même si l'effet devise a pesé dans la balance.

Mais selon lui, la toile de fond, c'est que l'économie mondiale ne repart tout simplement pas, et ce, même si elle a repris un peu du poil de la bête après la récession de 2008-2009.

Le Fonds monétaire international (FMI) doit d'ailleurs régulièrement revoir à la baisse ses prévisions de croissance de l'économie mondiale.

On le voit bien, il est difficile de dire avec certitude ce qui signifie la chute de 5,9% du PIB nominal en dollar américain en 2015. L'effet devise explique en grande partie ce recul historique depuis 1960.

Mais il y a d'autres raisons plus fondamentales. Toutefois, pour l'instant, plusieurs questions restent sans réponse. Trop de questions.

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