Comment je vois et joue le secteur bancaire


Édition du 22 Septembre 2018

Comment je vois et joue le secteur bancaire


Édition du 22 Septembre 2018

Par Tahar Mansour

[Photo: Romeo Mocafico]

Le système bancaire canadien en est un de type oligopolistique. Cela veut dire qu'il y a peu d'entreprises et beaucoup de clients. Il y a, au Canada, une dizaine de banques, tout au plus, dont 6 ou 7 sont connues, et les autres sont tellement petites que personne ne s'en soucie (sauf leurs clients). Comparez ce chiffre avec les 7 000 banques, environ, que comptent les États-Unis, où les cinq plus grosses s'accaparent quasiment la moitié du marché. Précisons qu'une banque avec un milliard de dollars d'actifs est une microentreprise dans un tel secteur. À titre d'illustration, avec son actif de 1 276 G$ CA, la Banque Royale (plus importante du pays) est la 37e au monde, selon Bankers Almanac.

Le gouvernement du Canada est très protecteur de son secteur bancaire. Il est strictement contrôlé. Personne n'a le droit d'acheter plus que 25 % des actions en circulation d'une banque canadienne. Les dépôts du public auprès des banques canadiennes sont protégés par la Société d'assurance-dépôts du Canada (SADC) jusqu'à concurrence de 100 000 $ par banque. Si un événement majeur affecte les institutions, le ministre des Finances du pays est immédiatement averti et peut intervenir.

Pour éviter tout mouvement de panique

Ainsi, en 1993, notre ex-ministre des finances, Michael Wilson, est intervenu promptement pour protéger les banques canadiennes lors de la faillite d'Olympia and York. Plus près de nous, en 2007, l'ex-gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a vu la crise financière se pointer et est intervenu en injectant des sommes importantes dans le système bancaire canadien. Mieux encore, lorsque la Nordland Bank et la Canadian Commercial Bank de l'Alberta ont fait faillite, vers 1985, la SADC a remboursé tous les déposants, et ce, de façon intégrale. Un déposant américain s'est vu rembourser la totalité de ses dépôts, soit 5 millions de dollars. On veut éviter la panique à tout prix.

Il faut dire que la monnaie et les banques, dans un système économique comme le nôtre, sont le pilier central de l'organisation économique. Un mouvement de panique sur les banques et le système s'écroule dans le temps de le dire. Le lecteur comprend mieux pourquoi les autorités américaines n'ont pas hésité à injecter des centaines de milliards de dollars dans les grandes banques en 2009. Elles n'avaient tout simplement pas les moyens de faire autrement. Si vous voulez des preuves supplémentaires sur les conséquences du manque de confiance dans la monnaie d'un pays, regardez ce qui se passe dans le richissime Venezuela, où l'inflation dépasse 1 000 000 %.

Les banques sont donc des intermédiaires financiers entre des agents en surplus de fonds (les épargnants ou les prêteurs) et des agents en déficit de fonds (les emprunteurs ou investisseurs). Essentiellement, elles tirent leurs revenus de trois sources : les frais de toutes sortes, les opérations pour leur propre compte et l'écart entre les taux débiteur et créditeur.

1. Les frais

Les banques chargent des frais chaque fois que vous faites appel à leurs services.

C'est normal, ce ne sont pas des entreprises de bienfaisance. Elles sont là pour maximiser le rendement de l'avoir de leurs actionnaires. D'aucuns jugent ces frais excessifs, mais, ça, c'est une autre histoire.

2. Les opérations pour leur compte

Les banques ont leur propre compte dans lequel elles déposent les fonds temporairement libres. Ces fonds ne dorment pas. Ils sont constamment utilisés pour des transactions diverses : actions, obligations, prêts à très court terme (pour des heures ou tout au plus quelques jours) ou négociation de devises. Sur ce dernier marché (celui des devises), les banques jouent le rôle d'arbitragistes. Elles font en sorte qu'il n'y a pas d'écart de prix sur une devise quelconque entre différents marchés. Cela veut dire que si le dollar canadien cote 0,77 $ US à Londres, il va coter 0,77 $ US à Hong Kong ou Francfort.

3. Les écarts entre taux débiteur et créditeur

La troisième et principale source de revenus des banques est le fameux écart entre taux débiteur et taux créditeur. Nous avons dit que les banques ne sont rien d'autre que des intermédiaires financiers. Elles vous empruntent donc de l'argent à x % (taux débiteur) et se retournent pour le prêter à y % (taux créditeur) avec «y» toujours plus grand que «x». La différence (y-x) est ce que nous avons appelé l'écart de taux. Historiquement, cet écart est aux alentours de 2,5 %, mais nous avons vu plus comme nous avons vu moins.

Les revenus étant ce qu'ils sont, pour générer des profits, les banques doivent gérer les dépenses et éviter les erreurs fatales. Une erreur fatale serait le manque d'appariement entre les prêts et les emprunts. Exemple : prêter à long terme et emprunter à court terme. C'est ce qui a coulé la Banque canadienne nationale vers la fin des années 1970. Une autre erreur fatale peut être un prêt trop important à un client risqué. Quelle que soit la taille de la banque, elle peut basculer. Pensez à Merrill Lynch, qui a été obligée de fusionner avec Bank of America, ou pensez à Citi Group, que le gouvernement américain a réussi à redresser.

Pourquoi je vous raconte tout cela ?

Dans notre système capitaliste, les banques forment le coeur de l'organisation. Il est donc essentiel que ces entreprises soient bien surveillées et réglementées. Nos banques sont relativement bien gérées, elles sont financièrement très solides puisqu'elles ont réussi haut la main des tests de stress (des tests qui simulent des conditions économiques misérables) et jouissent d'une réputation mondiale enviable. Mieux encore :

> Elles paient toutes un dividende dont le rendement oscille entre 3 % et 4,5 %

> Leurs actions se négocient à un multiple très respectable qui tourne autour de 12 fois les bénéfices

> Elles sont relativement peu volatiles

> Leur ratio d'endettement est respectable

Bien entendu, il y en a qui sont plus prudentes que d'autres. Par exemple, la Banque TD et la Banque Scotia s'aventurent plus dans le sud que la Royale, mais ce sont des stratégies de diversification différentes. Normalement, à un risque plus élevé est associé un rendement plus élevé.

Alors, un portefeuille respectable doit contenir un certain pourcentage de titres bancaires. Mais quelle banque acheter ?

Je les achète toutes. En investissant dans un fonds négocié en Bourse (FNB) qui n'achète que les banques canadiennes. Ce fonds s'appelle le ZEB, créé par BMO. Son rendement est intéressant et il vous permet de diversifier votre risque à l'intérieur d'un secteur clé de l'économie canadienne.

EXPERT-INVITÉ
Tahar Mansour est économiste, Ph.D. et chargé de cours à l’Université du Québec à Trois-Rivières.


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