« Une institution financière doit permettre à tous les citoyens d'avoir accès à une vie meilleure »

Publié le 21/02/2018 à 06:00

« Une institution financière doit permettre à tous les citoyens d'avoir accès à une vie meilleure »

Publié le 21/02/2018 à 06:00

Par Diane Bérard

Elliot ­Anderson, chef de l’inclusion financière de la NBA

En 2016, la National Bank of Australia fut la première institution financière incluse dans le classement « Les sociétés qui changent le monde » de Forbes. Une reconnaissance attribuée pour sa contribution grâce à ses activités régulières et non sa philanthropie. Cette pratique marque l'évolution du concept de responsabilité sociale d'entreprise.

DIANE BÉRARD - Vous êtes le premier chef de l'inclusion financière de la National Bank of Australia. Quel est votre mandat ?

ELLIOT ANDERSON - Mon département, qui compte sept personnes, s'intéresse aux citoyens que nous n'atteignons pas de façon traditionnelle. Ce type de service est lié au permis d'exploiter (licence to operate) informel que nous accorde la société. Les institutions financières doivent trouver des façons de servir aussi les populations marginalisées et vulnérables. En Australie, selon les données de notre Center for Social Impact, un habitant sur cinq (3,3 millions de personnes) vit de l'exclusion financière. Il n'a pas un accès approprié à des produits et à des services financiers lorsqu'il en a besoin.

D.B. - C'est une fonction plutôt rare, non ?

E.A. - J'ai un homologue dans une autre banque australienne et, en Nouvelle-Zélande, une institution a un chef de la finance communautaire.

D.B. - Comment NBA en est-elle arrivée à créer votre département ?

E.A. - Tout a débuté il y a 14 ans par la microfinance. Nous accordons des prêts qui permettent à l'emprunteur de passer à travers un choc financier et de remettre sa vie sur les rails. Nous offrons des prêts sans intérêt de 500 $ US à 1 500 $ US. Les fonds servent, par exemple, à financer un cours ou à acheter un ordinateur pour développer de nouvelles compétences qui permettront d'avoir accès à une vie meilleure. Nous offrons également des prêts à faible taux (5,99 %) et nous accompagnons le démarrage de microentreprises. Il y a deux ans et demi, nous avons transformé le département de microfinance en département de l'inclusion financière.

D.B. - En novembre 2017, le premier ministre australien Malcolm Turnbull a annoncé la tenue d'une commission royale d'enquête sur le secteur financier. Votre département recolle-t-il les pots cassés par le reste de l'organisation ?

E.A. - Le secteur financier australien a beaucoup de pain sur la planche pour retrouver la confiance de la population. Et ce n'est pas mon département, ni celui de mes homologues des autres institutions financières, qui y arrivera à lui seul. À la fin des années 1990, le secteur a rationalisé ses activités. On a fermé de nombreuses succursales dans les petites communautés. Ces décisions, ainsi que des allégations de mauvaise conduite, expliquent la commission royale. Nous devons regagner ce fameux permis d'exploiter informel, c'est-à-dire poser des gestes pour la communauté autrement que lorsque le gouvernement nous l'impose. Notre mission doit évoluer. L'argent n'est pas notre raison d'être. Une institution financière devrait être là pour permettre à tous les citoyens d'avoir accès à une vie meilleure.

D.B. - Parlez-nous du réseau Good Money, ce partenariat entre NBA, un OBNL et les gouvernements locaux...

E.A. - NBA offrait déjà des prêts à faible taux en collaboration avec des organismes communautaires. Cette initiative est une réussite. Nous en avons toutefois atteint la limite. Près des trois-quarts (70 %) des clients étaient des femmes. Nous n'arrivions pas à joindre la clientèle masculine. Les hommes éprouvent plus de difficulté à demander de l'aide. Ils ne vont pas naturellement vers les organismes communautaires. Pour surmonter cet obstacle, nous avons créé un réseau de succursales semblables à des établissements financiers. Nous leur avons donné un nom, Good Money, et une identité visuelle. Elles ont pignon sur rue ; elles ne sont pas dans des organismes communautaires.

D.B. - Quels services les succursales Good Money offrent-elles ?

E.A. - Elles offrent des prêts et des conseils financiers. Les employés sont aussi formés pour offrir les services connexes dont une population en difficulté peut avoir besoin, telle une référence pour un cas de violence conjugale ou de toxicomanie.

D.B. - Quelles sont les responsabilités des partenaires de l'enseigne Good Money ?

E.A. - Le gouvernement local fournit les fonds pour opérer les succursales. NBA fournit le capital pour les prêts et les services de soutien administratif. Nous avons aussi développé le concept et l'image et construit les établissements. L'OBNL Good Sheperd Microfinance gère les succursales et fournit le personnel. Le premier établissement a ouvert ses portes en avril 2012 à Victoria. Nous en avons sept. Nous en planifions d'autres, à mesure que les gouvernements locaux s'investissent.

D.B. - Après cinq ans, quel est l'impact du réseau Good Money ?

E.A. - L'an dernier, par exemple, nous avons accordé 26 775 prêts, pour une valeur de 28,6 M$ US. Cela signifie que 26 775 Australiens, et leurs proches, ont pu se tirer d'une situation financière difficile grâce à Good Money. Ils ont pu, par exemple, réparer leur véhicule pour se trouver du travail ou conserver leur emploi. Ou réparer leur frigo pour cesser d'acheter au jour le jour et faire de vraies épicieries.

D.B. - En fonction de quels objectifs votre département est-il évalué ?

E.A. - Notre PDG souhaite que nous doublions le nombre de prêts en microcrédit. Il vise 100 000 prêts entre 2017 et 2019.

D.B. - Il y a six mois, vous avez lancé un produit pour contrer la pratique des prêts sur salaire. De quoi s'agit-il ?

E.A. - Un prêt sur salaire est un prêt à très court terme assorti de frais très élevés. Vous devez le rembourser dès la réception de votre prochain chèque de paye. On dénonce cette pratique comme un abus des citoyens vulnérables. La nouvelle plateforme Speckle est une solution de rechange. Nous accordons des prêts de 200 $ US à 2000 $ US en quelques heures. C'est une entreprise sociale créée en collaboration avec Good Sheperd Microfinance. Les conditions sont les suivantes: vous devez afficher un revenu d'au moins 30 000 $ US (excluant les contributions gouvernementales) et ne pas tirer plus de 50 % de votre revenu de transferts gouvernementaux. Notre taux est fixé à la moitié de ceux de ces prêteurs privés. Et nos prêts jouissent de la protection de la loi sur le consommateur. Nous sommes là pour contribuer à la résilience financière des emprunteurs.

D.B. - Votre département est petit, comment faites-vous pour influencer la culture d'une organisation de 33 000 employés?

E.A. - Nous misons sur l'immersion. Nous invitons des employés à travailler quelques heures dans une succursale Good Money afin qu'ils constatent ce qu'on y accomplit. Évidement, nous sommes stratégiques, nous invitons ceux qui montrent une sensibilité à la responsabilité sociale des entreprises (RSE), pour qu'ils deviennent des ambassadeurs. Et ceux qui ont de l'influence, pour nous aider à faire avancer nos dossiers.

D.B. - Comment voyez-vous l'avenir du concept de RSE ?

E.A. - Nous migrons vers la création de valeur partagée (shared value), où l'entreprise cherche des modèles d'affaires qui génèrent à la fois des revenus et un impact social.

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