Nouveau Monde Graphite veut s'attaquer au monopole asiatique

Publié le 07/02/2018 à 06:00

Nouveau Monde Graphite veut s'attaquer au monopole asiatique

Publié le 07/02/2018 à 06:00

Par François Normand

368 M$, c’est l’ambitieux projet de transformation du graphite de Nouveau ­Monde Graphite, qui se décline en trois phases. Sur ce montant, seule la phase de l’usine de démonstration (12 M$) est déjà financée. [Photo: Nouveau ­Monde Graphite Inc. / Facebook]

Actuellement, la production mondiale de graphite sphérique et de matériel d'anode pour les batteries lithium-ion se fait uniquement en Asie. Or, d'ici 2022, le Québec pourrait faire son entrée dans l'industrie grâce au projet de la minière Nouveau Monde Graphite (NOU, O,49 $), à Saint-Michel-des-Saints, dans la région de Lanaudière.

Fondée en 2013, Nouveau Monde est une PME québécoise qui compte parmi ses actionnaires la Caisse de dépôt et placement du Québec, Investissement Québec et le Fonds de solidarité FTQ. Le principal actionnaire est Charles-Armand Turpin.

En 2015, la société a découvert un dépôt de graphite (qui est notamment un intrant important dans la fabrication des batteries lithium-ion pour les voitures électriques) sur sa propriété de Matawinie.

En octobre 2017, une étude de préfaisabilité de la firme d'ingénierie-conseil Met-Chem a démontré le potentiel du projet.

En décembre, la minière a terminé une étude d'ingénierie pour son usine de démonstration, qui entrera en production à compter de l'été 2018. Elle occupera 35 000 pieds carrés dans l'ancienne usine Louisiana-Pacific, située à 6 kilomètres de son dépôt minier.

En entretien à Les Affaires, le PDG de Nouveau Monde, Éric Desaulniers, explique que cette usine de démonstration (qui sera deux ans en exploitation) est très importante dans la stratégie de commercialisation de la minière.

« Elle nous permettra de qualifier notre projet et de montrer à nos clients potentiels qu'on peut faire de la deuxième et de la troisième transformation de graphite », dit-il.

À elle seule, cette phase de démonstration nécessite un investissement de 12 millions de dollars.

Nouveau Monde a un projet très ambitieux. Il se décline en trois phases de transformation du graphite, qui sont évaluées à un total 368 M$. Sur ce montant, seule la phase de l'usine de démontration (12 M$) est déjà financée, précise Éric Desaulniers.

Première transformation : concentrés de graphite

À compter de 2021, la société commencera à extraire du minerai sur son site afin de produire 52 000 tonnes par année de concentrés de graphite. Cette phase nécessite un investissement de 180,8 M$.

La moitié de la production sera essentiellement vendue à des producteurs de briques réfractaires. Ce produit est utilisé dans les aciéries, les lubrifiants solides, les poudres métallurgiques et plusieurs petits marchés de niche (par exemple, des matériaux pour piles alcalines).

Quant à l'autre moitié de la production de concentrés de graphite, Nouveau Monde s'en servira pour produire elle-même du graphite sphérique et du matériel d'anode pour les batteries lithium-ion.

Deuxième transformation : graphite sphérique

À compter de la même année, la minière veut en effet aussi produire du graphite sphérique dans une nouvelle usine qu'elle devra construire au coût de 175 M$. Elle vendra sa production aux manufacturiers de matériel d'anode pour batteries lithium-ion, qui sont uniquement situés en Chine, comme Li-Ion, Posco Chemtech et Zhinzoom.

En juillet, Nouveau Monde a signé une entente avec Zhinzoom afin de distribuer à terme les produits de l'entreprise chinoise en Amérique du Nord.

Nouveau Monde pourrait du reste fabriquer un peu de graphite sphérique avant 2021 dans son usine de démonstration s'il y a une demande. Comme cela serait avant l'entrée en production de sa mine, la PME devra toutefois acheter du concentré de graphite ailleurs, notamment auprès de la française Imerys Carbone & Graphite.

Sa filiale canadienne exploite une mine de graphite à Lac-des-Îles, dans les Laurentides, qui devrait cessera ses activités en 2021 en raison de l'épuisement du gisement. Imerys ne fait que la première concentration du graphite.

Troisième transformation : matériel d'anode pour batteries lithium-ion

À compter de 2022, Nouveau Monde veut fabriquer du matériel d'anode pour les batteries lithium-ion, alors que la production mondiale se retrouve dans trois pays : la Chine, le Japon et la Corée du Sud. Aucun investissement supplémentaire n'est requis pour la troisème phase.

Nouveau Monde vendra sa production à des manufacturiers de batteries lithium-ion comme LG Chem, XALT Energy ou Daimler. Ces entreprises exploitent déjà des usines en Amérique du Nord, et elles comptent accroître leur production au début des années 2020 en raison de la forte demande pour les voitures électriques.

« Nous sommes bien synchronisés avec la demande qui va exploser sur le marché des batteries lithium-ion », dit Éric Desaulniers.

Nouveau Monde fera cependant alors face à la concurrence des manufacturiers asiatiques de matériel d'anode. Cela n'effraie pas le patron de la minière québécoise.

Il estime que la société aura une structure de coûts très concurrentielle en raison du prix de l'électricité au Québec, où elle bénéficiera du tarif L d'Hydro-Québec. « De 60 % à 70 % des coûts pour produire du matériel d'anode proviennent de l'électricité », dit-il.

Nouveau Monde aura aussi des coûts de transport moins élevés pour desservir le marché nord-américain.

Enfin, puisque sa mine sera entièrement électrifiée, la société produira du « graphite vert », une caractéristique intéressante pour les constructeurs de voitures électriques.

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