Le secteur télévisuel s'adaptera au Web

Publié le 03/04/2010 à 00:00

Le secteur télévisuel s'adaptera au Web

Publié le 03/04/2010 à 00:00

Par Alain McKenna

Le 22 mars, le CRTC a invité les télédiffuseurs généralistes privés à négocier des redevances avec les distributeurs par câble ou par satellite. Une mesure qui se soldera par une hausse de la facture des abonnés à ces services, estiment des experts, déplorant le fait que l'organisme de réglementation fédéral soit à la traîne des changements technologiques.

La décision du CRTC vise à régler un déséquilibre entre les revenus des télédiffuseurs généralistes et ceux des distributeurs. L'an dernier, les généralistes francophones, dont font partie la Société Radio-Canada, le Groupe TVA et V, ont essuyé des pertes de 128 millions de dollars. En revanche, les distributeurs de signaux ont enregistré des bénéfices de plus de 2,3 milliards de dollars.

La décision du CRTC comporte toutefois deux bémols : d'abord, la Société Radio-Canada/CBC ne pourra pas bénéficier de cette mesure. Celle-ci ne sera applicable que si les tribunaux estiment que le CRTC a le droit d'imposer une telle mesure.

Nous avons interviewé trois observateurs des médias canadiens. Voici ce qu'ils pensent de la décision de l'organisme de réglementation fédéral.

Quelle est la différence principale entre l'industrie télévisuelle canadienne et son homologue américaine ? " Aux États-Unis, c'est strictement commercial, alors qu'au Canada, c'est aussi culturel ", avance Pierre Trudel, professeur au Centre de recherche en droit public de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, pour expliquer l'évolution divergente de ce secteur dans les deux pays.

Par exemple, aux États-Unis, les télédiffuseurs n'hésitent pas à s'associer pour trouver un nouveau modèle d'entreprise Web. C'est l'objectif du site Hulu.com : faire vivre la télévision sur le Web grâce à la publicité.

La Société Radio-Canada a créé le site Tou.tv, l'hiver dernier, mais les chances que les télédiffuseurs utilisent un tel site comme levier de négociations avec les distributeurs de signaux sont à peu près nulles, selon le professeur montréalais. " Ce qui se passe aux États-Unis n'est pas précurseur de ce qui arrivera ici. Au Canada, il faut une réglementation pour forcer l'investissement d'une partie des bénéfices de l'industrie dans du contenu produit localement. "

" LE CRTC EST À LA TRAÎNE DES ÉVÉNEMENTS " - Florian Sauvageau, professeur.

Le CRTC se penchait sur la question des redevances aux télédiffuseurs généralistes, mais il aurait pu amorcer une réflexion plus approfondie du système télévisuel canadien, estime Florian Sauvageau, professeur à l'Université Laval et analyste bien connu des médias.

" Par sa décision, le CRTC montre qu'il est à la traîne des événements. " M. Sauvageau aurait aimé que l'organisme fédéral se penche sur la convergence. Celle qui devait mener à une uniformisation des plateformes à partir du Web, crée une nouvelle concurrence entre des groupes médiatiques auparavant complémentaires.

En même temps, cette convergence a évolué au rythme de la création de grands groupes médiatiques. " Aujourd'hui, convergence signifie aussi concentration ", croit Florian Sauvageau.

Il pense que ce débat risque de se transposer sur Internet dans un avenir prochain. Il prévoit une nouvelle confrontation entre les producteurs de contenu en ligne et les distributeurs, soit les fournisseurs d'accès à Internet. " D'ici 5 à 10 ans, le même problème resurgira : comment financerons-nous la production canadienne sur Internet ? Il faudra trouver de l'argent quelque part. "

" Si les distributeurs haussent leurs tarifs, les Canadiens iront encore plus sur Internet " - Hubert Lalande, analyste des nouveaux médias.

Pour la première fois, les Canadiens passent plus de temps en ligne que devant leur télévision, (18 heures par rapport à 16,9 heures par semaine). C'est une tendance qui risque de s'accélérer à la suite de l'annonce du CRTC, note Hubert Lalande, analyste des nouveaux médias.

" Si les distributeurs augmentent leurs tarifs, les Canadiens seront encore plus motivés d'aller chercher leur contenu sur Internet. "

L'analyste d'Ottawa contredit ainsi l'opinion du CRTC. En se fondant sur la croissance de 17,2 % du nombre d'abonnés au câble de 2002 à 2009, malgré une hausse de 46,7 % de la facture mensuelle moyenne, l'organisme fédéral juge qu'une nouvelle hausse des tarifs ne fera pas fuir les téléspectateurs. Cela ne renversera pas la tendance de fond de la migration vers le Web, croit M. Lalande. D'après lui, le consommateur est une fois de plus la victime de la décision du CRTC. " C'est lui qui devra payer plus cher. "

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