S'adapter à la disparition d'un gros client


Édition du 07 Mai 2016

S'adapter à la disparition d'un gros client


Édition du 07 Mai 2016

Par Benoîte Labrosse

« Ce n’est pas une politique formelle, mais plutôt une norme interne pour nous pousser à nous diversifier », dit Michel Labrecque, vice-président aux ressources humaines. [Photo : Jérôme Lavallée]

Le fabricant de boîtiers métalliques de haute technologie CMP Solutions Mécaniques Avancées fait partie des 34 % de PME manufacturières que le plus récent Baromètre industriel québécois, publié par Sous-traitance industrielle du Québec (STIQ), considère comme «en situation de vulnérabilité». Cela, parce qu'au moins la moitié de son chiffre d'affaires provient de ses trois plus importants clients, même s'il en compte environ 25 «importants».

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Cependant, cela représente tout un exploit pour l'entreprise de Châteauguay, une quinzaine d'années après la disparition soudaine de son client quasi exclusif, l'équipementier en télécommunications Nortel. «Nous avons perdu instantanément 70 % de notre chiffre d'affaires ; nous étions en mode survie», résume le vice-président aux ressources humaines de CMP, Michel Labrecque.

D'autant que la PME n'avait ni force ni stratégie de vente. «Nous n'en avions pas besoin, se souvient M. Labrecque. Au cours des deux années précédant la crise, le chiffre d'affaires augmentait de 55 % par an ; le propriétaire [Steve Zimmermann] ne sentait pas le besoin d'aller chercher d'autres clients, parce que nous n'arrivions même pas à satisfaire notre client principal.»

Steve Zimmermann a changé son fusil d'épaule en 2001 pour consacrer 80 % de son temps à la recherche active de clients et de nouveaux domaines d'activité, à l'aide d'équipes dédiées. Le secteur ferroviaire est rapidement ciblé comme porteur. «Nous faisions déjà des petites pièces relativement simples pour des clients, puis nous avons vu l'occasion de développer une nouvelle expertise encore très rare au Canada, le vissé-collé, raconte Richard Lalumière, directeur général de CMP. Nous avons donc envoyé des employés en Europe pour apprendre cette technique afin de créer ce marché au Québec.»

C'est ainsi que la PME a obtenu du consortium Alstom-Bombardier le contrat des systèmes de portes du métro de Montréal, par l'intermédiaire de l'équipementier français Faiveley. «Faiveley nous a approchés parce que le contrat de Bombardier exigeait d'avoir un fournisseur au Québec, précise M. Labrecque. Ils occupent maintenant des locaux dans notre usine.»

Même si la PME compte aujourd'hui «pratiquement tous» les grands donneurs d'ordres du secteur parmi ses clients, le souvenir de sa périlleuse dépendance à Nortel imprègne toujours sa philosophie de vente : elle tente de limiter le poids d'un client à 20 % de son chiffre d'affaires. «Ce n'est pas une politique formelle, mais plutôt une norme interne pour nous pousser à nous diversifier, précise le vice-président aux ressources humaines. Nous avons appris à la dure qu'il ne faut rien tenir pour acquis. Quand nous nous apercevons qu'un client est en train de devenir dominant, nous nous posons des questions.»

Une clientèle à 90 % américaine

Avec les années, CMP a étendu son expertise aux domaines médical, industriel, des semi-conducteurs, des kiosques libre-service et des systèmes de sécurité d'aéroport. «C'est toujours un peu la même chose, explique M. Labrecque. Nous regardons quelles entreprises utilisent des boîtiers métalliques et leur volume potentiel, puis les responsables des ventes les approchent pour faire connaître CMP et les inviter à venir nous visiter.» La PME a ainsi attiré quelques-uns de ses gros clients actuels, tels Amazon Robotics, Tesla Motors et Bixi.

Parce que la stratégie de CMP est de chercher de «gros clients» qui commandent «des produits complexes», près de 90 % de sa clientèle est américaine. «Et pour faire affaire avec eux, vous avez intérêt à avoir une usine aux États-Unis», fait remarquer M. Labrecque.

D'ailleurs, CMP en a ouvert une en 2006 à Binghamton, dans l'État de New York. «Le client va commencer par commander un produit particulier à l'usine de New York, et ça se traduira souvent par des produits pour notre usine québécoise.»

Quelque 110 personnes travaillent à Binghamton, sur un total d'environ 340 employés. «À l'époque de Nortel, nous étions plus de 500 employés ici au Québec, se souvient M. Labrecque. Nous n'avons pas retrouvé exactement les mêmes effectifs, mais nous nous en sortons bien, surtout cette année à cause du taux de change. Même que le début de 2016 a été assez intense en matière de recrutement.»

«Il ne faut pas avoir peur d'explorer des expertises différentes, d'en développer tranquillement de nouvelles tout en restant dans des domaines connexes, dit Richard Lalumière. La diversification de la clientèle ouvre de nouveaux marchés et de nouvelles possibilités.»

CMP Solutions Mécaniques Avancées, de Châteauguay, sait très bien ce que signifie « dépendre d’un client important ». Au tournant des années 2000, elle a perdu son client quasi exclusif, Nortel. Résultat : le chiffre d’affaires de CMP a chuté de 70 % d’un seul coup, ce qui a forcé l’entreprise à entrer en mode survie.

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