Les centres de distribution, un créneau actif


Édition du 25 Novembre 2017

Les centres de distribution, un créneau actif


Édition du 25 Novembre 2017

Ikea a choisi de quitter son centre de distribution de Brossard et d’en construire un plus grand à Beauharnois pour assurer sa croissance au Canada.

Les centres de distribution poussent comme des champignons dans le Grand Montréal. La tendance dope les marchés immobiliers commercial et industriel. Cependant, les terrains adéquats se font de plus en plus rares.

Structube se lancera bientôt dans la construction de son nouveau centre de distribution à Laval. Ikea, pour sa part, a choisi Beauharnois, sur la Rive-Sud, pour installer le sien sur un peu plus d'un million de pieds carrés. Les Brasseries Sleeman, de leur côté, ont triplé leur capacité d'entreposage grâce à leur nouveau centre installé à Rivière-des-Prairies, en activité depuis la mi-octobre.

Le Groupe Montoni, qui construit des centres de distribution, a bien perçu la tendance. Il a acheté, en mars dernier, un terrain de 2,4 millions de pieds carrés, sur le boulevard Thimens, à Saint-Laurent, sur lequel il envisage d'installer le Centre logistique VSL, qui comprendrait diverses activités, dont des centres de distribution. Le terrain abrite déjà celui de Sears, qui devrait quitter les lieux à la suite de sa faillite. «On sait qu'il y a de la demande dans la distribution. Or, le bâtiment fait plus de 40 pieds de hauteur libre, soit ce que recherchent les compagnies qui font de la distribution. De plus, il est situé proche des autoroutes et il y a une offre de transports en commun, ce qui facilitera le déplacement des employés», explique Véronique Théorêt, directrice, Acquisitions et financement au Groupe Montoni. La bâtisse, qui occupe 900 000 pi2, pourrait donc être, en fonction de la demande, divisée en lots plus petits.

Année record

La tendance de fond à la multiplication des centres de distribution existe depuis quelque temps. Toutefois, «2017 est une année record en volume de transaction, affirme Paul-Éric Poitras, président de NAI Commercial, une firme de courtage immobilier commercial. Beaucoup d'entreprises recherchent des locaux et des terrains pour des centres de distribution». Son agence compte à son actif trois transactions d'importance ces derniers mois, dont la location des terrains aux Brasseries Sleeman à Rivière-des-Prairies (275 000 pi2). Exceldior a aussi agrandi le terrain qu'elle occupe à Beloeil afin de réorganiser sa chaîne de distribution (500 000 pi2).

«Dans les années 2000, beaucoup de centres ont été construits, notamment pour stocker les produits achetés en grand volume dans les pays à faibles coûts. Aujourd'hui, ces centres doivent être modernisés et les entreprises ont besoin d'en construire de nouveaux, plus grands, pour faire face à la croissance de leurs activités ou dans le cadre de réaménagement de leur chaîne logistique», explique Jacques Roy, professeur en gestion des transports au département de gestion des opérations et de la logistique, à HEC Montréal.

Par exemple, Ikea a choisi de quitter son centre de distribution de Brossard et d'en construire un plus grand à Beauharnois pour assurer sa croissance au Canada. Il couvrira le Québec et l'Ontario. «Ikea a annoncé un ambitieux plan pour doubler sa taille d'ici 2025 et s'étendre entre les deux côtes, explique Amanda Fitzpatrick, porte-parole de la compagnie suédoise. Ikea Halifax a été le premier magasin à ouvrir dans le cadre de ce plan. Celui de Québec sera le deuxième, l'été prochain. Construire un réseau de distribution plus fort permettra à Ikea de mieux servir ses clients en offrant les bons produits au bon endroit quand nous en avons besoin.»

Hausse dopée par le commerce électronique

Autre tendance qui favorise la création de centres de distribution (centre de stockage, d'aiguillage et de préparation de commandes pour livraison) ou de transbordement (où les marchandises ne font que transiter avant d'être réexpédiées rapidement vers le destinataire final) : le développement du commerce en ligne. Beaucoup d'entreprises s'y sont déjà lancées. Les autres «savent qu'elles vont devoir prendre le virage, ajoute M. Roy. Elles se posent beaucoup de questions sur les meilleures façons de gérer le stockage et l'expédition des commandes. Cependant, ce qui est sûr, c'est que cela demande des réaménagements et des agrandissements».

Des constructions nouvelles, même, car le commerce en ligne génère de grands besoins de stockage et de tâches pour l'expédition de commandes. «Le commerce électronique représente une croissance de 15 % à 20 % par année, indique Andrew Maravita, directeur général de l'agence immobilière Colliers International. Or, il exige trois fois plus d'espaces industriels que pour la vente traditionnelle. D'où la nécessité de construire des mégas centres de distribution aujourd'hui. Auparavant, la superficie moyenne de ces centres était d'environ 200 000 pi2, tandis que maintenant, c'est plutôt 600 000 pi2

Les centres sont aussi de plus en plus automatisés et intelligents. «Les possibilités qu'offre la technologie ont contribué au développement des centres de distribution en permettant aux entreprises d'exercer un meilleur contrôle sur les marchandises, une meilleure efficacité, et de réduire les coûts ainsi que la main-d'oeuvre», précise Milad Jabbour, évaluateur agréé et directeur au Groupe Altus.

Le centre de Sobeys, à Terrebonne, est un modèle en la matière. Installé depuis 2013, il en sort un million de caisses par semaine grâce à un système très automatisé et intelligent. Il distribue plus de 12 000 types de produits à plus de 2 100 clients et emploie près de 300 personnes. «Pour faire face à la croissance de notre volume de produits et à la féroce compétition qui existe dans notre industrie, Sobeys a investi 168 millions de dollars dans ce centre dans lequel l'innovation et la technologie sont inscrites. Il fait 75 pieds de hauteur (contre une quarantaine habituellement) et s'étale sur 470 000 pi2», indique Yves Bigaouette, leader, centre de distribution de Sobeys Québec, à Terrebonne. Sobeys a ainsi gagné en productivité.

Une offre en baisse

Aujourd'hui, toutefois, la disponibilité des produits adéquats se raréfie. Pour installer leurs centres de distribution, les entreprises ont besoin de «la proximité de leurs marchés, de l'accès rapide aux axes routiers, de disposer de grands terrains qui ont une capacité portante importante afin de pouvoir construire de hauts bâtiments», énumère Milad Jabbour. Les terrains doivent être d'autant plus spacieux que «les entreprises ont tendance à réunir les centres de distribution et leur siège social au même endroit, comme l'ont fait Jean Coutu à Varennes ou Agropur à Saint-Hubert», ajoute l'expert.

Or, l'espace libre se raréfie. «Le manque de terrains et de bâtiments est généralisé dans le domaine industriel quel que soit le type de produit. Or, si le stock est moindre, les prix augmentent», prévient Paul-Éric Poitras, président de NAI Commercial. Il note que déjà, certains immeubles industriels se sont vendus à 100 $ le pi2, contre 70 $ ou 80 $ auparavant.

La pénurie pousse les entreprises à établir leurs centres en périphérie, où les terrains commencent là aussi à se raréfier, et les prix, à croître. Même si «beaucoup d'espaces sont libérés par la transformation du marché de Montréal qui devient plus un marché de logistique et technologique que manufacturier, les bâtiments existants ne sont pas souvent adéquats pour accueillir des centres de distribution. La hauteur sous plafond est souvent insuffisante», constate Milad Jabbour. Andrew Maravita estime quant à lui que «le Grand Montréal a besoin de revitaliser ses immeubles industriels désuets et qu'il faudrait prévoir des aides à la conversion pour les adapter aux nouveaux créneaux», comme la distribution.

Devant la difficulté à trouver l'emplacement idéal, les centres de distribution poussent çà et là. Leur installation sur le territoire n'est pas organisée. «En Europe, ces activités sont concentrées dans des pôles connectés aux différents moyens de transport et qui présentent une offre de services spécialisés pertinents (camionnage, courtiers en douane, etc.). Pour éviter que la circulation générée par les centres de distribution dérange les habitants, ils sont généralement installés de façon à ne pas jouxter de zone résidentielle», poursuit le professeur.

Au Québec, malgré la décision du gouvernement de créer un pôle logistique dans des endroits comme Contrecoeur et Vaudreuil-Soulanges, les centres de distribution s'installent là où l'offre est la plus avantageuse pour les entreprises.

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