PKP et l'exercice du pouvoir

Offert par Les Affaires


Édition du 22 Mars 2014

PKP et l'exercice du pouvoir

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Édition du 22 Mars 2014

L'enfant prodigue

Chez Québecor, Pierre Karl Péladeau se comporte davantage comme un propriétaire que comme une jeune recrue. En effet, il n'hésite pas à appeler des directeurs d'usine pour leur poser des questions sur leurs dépenses ou leur rentabilité, sans égard à la hiérarchie de l'entreprise : «Il arrivait dans des services, sans avoir l'autorité ou le rôle formel, puis il brassait de la marde», évoque Sylvain Tétreault, directeur des ressources humaines chez Imprimeries Quebecor au début des années 1990.

Malgré les frictions qu'il cause, il se démarque grâce à ses talents de redoutable négociateur. Son premier fait d'armes est l'acquisition de Maxwell Graphics, une imprimerie américaine sur laquelle Québecor met la main en 1989 à bon prix. Son propriétaire, le baron de la presse britannique Robert Maxwell, croule alors sous les dettes et n'a d'autre choix que de vendre. Québecor débourse alors 510 millions de dollars, dont 115 M$ proviennent de la Caisse de dépôt et placement du Québec, pour mettre la main sur l'imprimerie.

En matière de relations de travail, Pierre Karl Péladeau découvre très tôt le lock-out afin d'inverser le rapport de force des négociations. En 1993, c'est lui qui orchestre le lock-out visant les pressiers du Journal de Montréal, en mettant sur pied une usine de fortune à Cornwall. Durant près de cinq mois, le quotidien est ainsi imprimé en Ontario, de manière à contourner les dispositions anti-briseurs de grève prévues au Code du travail du Québec : «Il s'est fait la main à gérer des relations de travail difficiles, évoque Sylvain Tétreault. C'est un gars courageux, Pierre Karl, car ça prenait du courage pour affronter ces dirigeants syndicaux.»

Même s'il prend du galon, les frictions entre Pierre Karl et son père sont continuelles, et le conflit de travail irrite ce dernier, qui a toujours fui les conflits comme la peste. Pierre Péladeau était tout sauf un syndicaliste, mais il n'avait pas oublié que, sans l'interminable lock-out à La Presse, jamais il n'aurait pu lancer le Journal de Montréal en 1964. Le père met ainsi fin au conflit avec les pressiers. En même temps, il envoie Pierre Karl à Paris pour poursuivre les discussions entamées par son frère aîné, Érik, avec divers imprimeurs. Pierre Karl est ainsi nommé président d'Imprimeries Quebecor Europe, une coquille vide à l'époque.

L'Européen

Isabelle Hervet, la fille d'un important banquier français qu'il a rencontrée à Montréal, l'accompagne à Paris. Pierre Karl l'épousera en 1994, entre deux acquisitions. Pierre Karl ne ralentit pas pour autant la cadence. «C'est un bourreau de travail, relate Isabelle Hervet. Quand il ne travaille pas sur ses affaires, il lit énormément, il se tient au courant de tout.»

Pierre Karl Péladeau négocie coup sur coup l'acquisition des géants français Groupe Jean Didier et Groupe Jacques Lopès, deux imprimeurs alors incapables de faire face à leurs obligations financières. En Angleterre, il fait l'acquisition de HunterPrint en 1995. Afin de connaître sous toutes ses coutures sa nouvelle prise, Pierre Karl se fait passer pour un employé à temps partiel : «Il installait le papier sur les presses, nettoyait le blanchet et posait des questions aux ouvriers sur ce qu'ils pensaient de l'entreprise», relate David J. Blair, un cadre que Pierre Péladeau avait lui-même embauché.

En décembre 1997, lorsqu'il apprend que son père est hospitalisé, Pierre Karl Péladeau rentre au bercail sans attendre. Quelques semaines plus tard, le 24 décembre, Péladeau père décède. La course à la succession est dès lors lancée et, bien que Pierre Karl parte favori, son frère aîné Érik n'est pas à écarter. Grâce au testament de leur père, ce sont eux seuls qui contrôlent Québecor par l'intermédiaire des actions à droit de vote multiple que Pierre Péladeau leur a léguées. Le testament contraint toutefois les frères à s'entendre, puisqu'il prévoit qu'ils doivent exercer leurs droits de vote conjointement.

Jean Neveu, qui succède à Pierre Péladeau à la tête de Québecor, aurait préféré attendre pour passer le flambeau. Impatient, Pierre Karl rallie son frère à sa cause et devient pdg de la société dès 1999. «Érik a toujours été un fervent défenseur de son frère ; à partir du moment où la décision a été prise, il a souvent répété que Pierre Karl, c'était son homme», évoque Alexandre Taillefer, qui a travaillé de près avec les deux frères chez Québecor.

Pierre Karl partage, du moins légalement, le contrôle de Québecor avec son frère Érik jusqu'à ce qu'il rachète les actions de ce dernier en 2009. Comme les modalités de cette transaction n'ont pas été rendues publiques, il est difficile de déterminer quelle proportion de la fortune des deux frères, que Canadian Business évaluait à 938 M$ en 2013, appartient à Pierre Karl Péladeau.

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