«On ne peut pas choisir entre l'environnement et l'économie»

Publié le 13/01/2017 à 21:32

«On ne peut pas choisir entre l'environnement et l'économie»

Publié le 13/01/2017 à 21:32

Justin Trudeau a entamé cette semaine une série de discussions publiques qui se tiendront d'un bout à l'autre du pays. Le Premier est mis sur le gril par des intervenants aux questions aussi précises que directes.

Prenons un premier exemple technique qui ne parle pas à grand monde mais dont un gouvernant fédéral doit savoir parler: les sables bitumeux.

Le Canada, sixième producteur mondial de pétrole, doit «mettre un terme progressivement» à l'exploitation des sables bitumineux d'Alberta (ouest) et cesser sa «dépendance» aux hydrocarbures, a plaidé vendredi son Premier ministre Justin Trudeau.

«On ne peut pas fermer (les mines) de sables bitumineux demain. On doit y mettre un terme progressivement», a déclaré le dirigeant libéral lors d'une rencontre en Ontario avec des Canadiens.

«Nous devons préparer la transition pour rompre notre dépendance aux énergies fossiles», a-t-il ajouté, tout en soulignant que «cela prendra du temps».

Il répondait à une question portant sur sa décision, fin novembre, d'autoriser l'augmentation de la capacité de deux oléoducs dans l'Ouest du pays. Leur modernisation va accroître de près d'un million de barils par jour la capacité à l'export du pays.

«On ne peut pas choisir entre l'environnement et l'économie», a affirmé en outre Justin Trudeau, convaincu de pouvoir concilier la lutte contre le réchauffement climatique et la croissance économique.

Engagé à réduire les émissions canadiennes de gaz à effet de serre conformément à l'Accord de Paris, ratifié par le Canada, Trudeau a ainsi annoncé cet automne une taxe nationale sur le carbone effective en 2018, avec l'appui de l'Alberta, province où est concentrée l'industrie pétrolière.

L'opposition conservatrice a immédiatement condamné les propos du Premier ministre. «Si M. Trudeau veut fermer les sables bitumineux d'Alberta, et ma ville d'origine, qu'il soit averti: il devra d'abord me passer dessus et sur les quatre millions d'habitants de l'Alberta», a lancé dans un communiqué Brian Jean, député conservateur de Fort McMurray, capitale pétrolière du pays.

Les sables bitumineux sont décriés pour le coût économique et environnemental de leur extraction. Présent sous forme sablonneuse dans le sous-sol de la forêt boréale, le pétrole est produit au terme d'un long processus polluant et énergivore. Ce pétrole n'est rentable que si le cours mondial du baril est élevé. En octobre et en décembre, deux géants des hydrocarbures, Shell puis Statoil, ont d'ailleurs décidé de se désengager des sables bitumineux canadiens.

Conflits d'intérêts

Outre les dossiers techniques, le Premier a été confronté à plusieurs questions épineuses allant de ses vacances passées sur une île de l'Aga Khan, aux coûts d'électricité, en passant inévitablement par l'élection de Donald Trump aux États-Unis.

Trudeau continue à défendre son voyage à bord de l'hélicoptère privé du richissime chef spirituel, bien que la loi fédérale sur les conflits d'intérêts interdise de tels déplacements. Le premier ministre affirme que les Canadiens s'attendent à avoir confiance en leur gouvernement et s'est engagé à répondre à toute question de la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, Mary Dawson.

«Être premier ministre, ce n'est pas un emploi de 9 à 5», a déclaré Trudeau, lors d'une conférence de presse à Peterborough, en Ontario, faisant probablement référence au fait que son comportement soit sous les projecteurs même lorsqu'il est en vacances.  

Justin Trudeau a amorcé sa journée de vendredi auprès de militaires dans ville de Quinte West. La controverse suscitée par ce séjour chez l'Aga Khan, qu'il continue à qualifier de «vacances en famille», l'a hanté tout au long de la semaine.

Le premier ministre et son entourage, dont la présidente du Parti libéral du Canada et l'un de ses députés, auraient voyagé aux frais de l'Aga Khan à partir de Nassau puisqu'il s'agissait de l'unique moyen de se rendre à leur destination, dans les Bahamas.

La loi sur les conflits d'intérêts, de même que sa propre directive en matière d'éthique, interdisent tout déplacement parrainé à bord d'avions privés, sauf dans des circonstances exceptionnelles relatives aux fonctions de premier ministre et avec l'approbation préalable de la commissaire à l'éthique.

Mercredi, le député conservateur Blaine Calkins s'est fait l'écho de son collègue et candidat à l'investiture, Andrew Sheer, qui avait exhorté la commissaire Mary Dawson à ouvrir une enquête la veille. Les deux conservateurs souhaitent attirer son attention sur les fonds fédéraux versés à la fondation de l'Aga Khan.

Le gouvernement canadien a financé plusieurs de ses projets d'aide humanitaire à la hauteur de dizaines de millions de dollars. L'Aga Khan, qui ne figure pas au registre des lobbyistes, est le chef spirituel héréditaire de quelque 15 millions de musulmans ismaéliens et un philanthrope reconnu à travers le monde. En 2009, le premier ministre conservateur Stephen Harper l'avait fait citoyen d'honneur du Canada.

Atmosphère électrique

Or, l'Aga Khan ne représentait pas la préoccupation principale des citoyens qui ont rempli une salle de Peterborough pour interroger le premier ministre sur leurs propres priorités. Kathy Katula, originaire de Buckhorn, en Ontario, s'est plainte de l'augmentation des coûts d'électricité. Une critique qui concerne en grande partie le gouvernement provincial et de l'intention du gouvernement Trudeau de forcer les provinces à imposer une taxe sur le carbone.  

«Je sens que vous m'avez déçue et je vous demande aujourd'hui de rectifier le tir», a lancé la mère monoparentale, qui était très émotive lors de son allocution. «Mon chauffage et mon hydroélectricité me coûtent plus cher que mon hypothèque», a-t-elle ajouté.

Ce n'est pas tout le monde qui est d'accord à l'idée d'imposer un prix sur le carbone au Canada, a reconnu Justin Trudeau, mais il appartiendra aux provinces de s'assurer que les mesures ne soient pas trop coûteuses pour les citoyens en difficulté, a-t-il fait valoir.  

«Ce sera au gouvernement de l'Ontario de s'assurer que vous ne soyez pas pénalisés, des gens comme vous. Je suis sûr qu'ils feront cela de façon responsable pour ne pas vous pénaliser davantage», a-t-il soutenu.

Mme Katula semble avoir minimisé l'importance de tout le débat sur les vacances du premier ministre chez l'Aga Khan. «Il a prouvé aujourd'hui qu'il ne se tient pas seulement avec de riches millionnaires. Je ne suis pas une riche millionnaire et il est venu et m'a parlé aujourd'hui», a-t-elle confié en entrevue.

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