Les limites d'une économie alimentée à coup de subventions


Édition du 08 Février 2014

Les limites d'une économie alimentée à coup de subventions


Édition du 08 Février 2014

Tout le monde le fait et le Québec ne s'en prive pas non plus. Il vient d'ailleurs d'en ajouter une solide dose. Mais rien ne garantit qu'à terme ce soit une bonne stratégie.

Un peu partout, les gouvernements subventionnent allègrement la création d'emplois. L'exemple le plus récent nous vient de la Baie des Chaleurs, en Gaspésie.

C'est là, plus précisément à Port-Daniel, qu'on établira une méga-cimenterie grâce à un investissement de plus d'un milliard de dollars. Le projet n'est pas nouveau, on en discute depuis des décennies - j'y ai consacré un reportage il y a 35 ans ! - mais il vient finalement de décoller. Ciment McInnis, de son nom officiel, devrait entrer en activité en 2016.

Si j'étais Gaspésien, je m'en réjouirais. La région a mangé son pain noir depuis le déclin de l'exploitation traditionnelle des ressources (mines, mer et forêt), et le taux de chômage y demeure obstinément élevé. Il y a de bonnes chances que le vent tourne, alors qu'on évoque du travail pour plus de 2 000 personnes pendant la construction de la cimenterie. Son exploitation devrait ensuite procurer 400 emplois à temps plein.

Tant mieux. Mais ce seront des emplois hautement subventionnés : sur ce milliard de dollars, près des deux tiers viennent de fonds publics. Investissement Québec et la Caisse de dépôt et placement injectent 450 millions de dollars en prêt garanti ou en prise de capital. Ottawa en ajoute 250 M$, de concert avec une institution financière non identifiée. Si on divise ce dernier montant en deux, on arrive à une participation globale d'environ 600 M$ en fonds publics.

Par comparaison, la société Beaudier (famille Beaudoin-Bombardier), à la base du projet, allonge 135 M$. C'est une bonne somme, mais qui ne représente que le huitième de la valeur de l'ensemble du projet. Le montage financier est complété par d'autres partenaires privés.

Apparemment, ce projet est une bénédiction pour la Gaspésie. Tout comme l'est la politique québécoise relativement à l'énergie éolienne, qui exige que 35 % du coût des installations vienne d'équipements manufacturés en Gaspésie. Sinon, pas de contrats avec Hydro-Québec.

Même si elle relève d'abord et avant tout d'une volonté politique, donc potentiellement changeante, cette disposition a largement aidé à ragaillardir l'économie de la péninsule. Ciment McInnis la consolidera.

Déshabiller Pierre pour habiller Paul ?

Mais au bout du compte, le Québec va-t-il véritablement y gagner ? Est-on en train de déshabiller Pierre pour habiller Paul ? Les cimenteries déjà en service s'inquiètent de cette concurrence à saveur étatique. L'Association canadienne du ciment s'y est elle-même opposée. Si on perd des emplois là-bas pour en gagner ici, quel est l'avantage réel ?

Qui plus est, une fois la machine à subventions lancée, comment peut-on espérer la ralentir, maintenant qu'il est clair, et connu, que c'est là la stratégie du gouvernement ? Quiconque évoquera une implantation industrielle au Québec n'aura qu'à attendre un chèque suffisamment costaud à son goût pour finalement accepter de passer aux actes.

On en a eu une autre preuve en janvier avec l'annonce de la construction prochaine d'une usine de silicium par l'espagnole FerroAtlántica. Elle a droit pour l'occasion au tapis rouge : congé de taxes pour 10 ans, électricité à prix d'aubaine et participation directe d'Investissement Québec, pour un montant qui pourrait atteindre 10 % de l'investissement prévu de 375 M$. En résulteront 300 emplois bien payés. On peut s'en féliciter, tout en se demandant jusqu'où montera cette surenchère de «mesures incitatives» dont parlait le gouvernement dans sa récente politique de l'emploi.

Le gouvernement du Québec est loin d'être la seule administration publique à user de ses charmes pour attirer des entreprises. C'est devenu monnaie courante, et nous en avons même fait les frais. La Ville de Memphis et l'État du Tennessee sont venus ravir Electrolux et ses milliers d'emplois aux gens de L'Assomption à force de courbettes et de faveurs fiscales. Et d'autres pourraient s'essayer en signalant que les travailleurs américains désespérés sont prêts à accepter un salaire de misère, comme à Memphis.

Pendant ce temps, en Ontario, les grands constructeurs d'automobiles demandent maintenant une participation de 20 % de Toronto et d'Ottawa pour leurs nouveaux investissements. C'est ce que Ford vient d'obtenir, et Chrysler s'attend au même traitement. Une usine de 2,3 G$ serait en jeu. «Vous ne voulez pas ? Parfait, on va regarder ailleurs.» Ce n'est pas ouvertement dit, mais c'est implicite.

Ce ne sont pas de petits acteurs ni de petits enjeux. Le chiffre d'affaires de Ford s'est élevé à 146 G$ US en 2013, soit plus de la moitié des revenus du gouvernement canadien. Quand on est en position de force, pourquoi se priver ?

Allez solliciter le même genre de passe-droit si vous dirigez une PME bien enracinée, qui ne menacera pas de «lever les pattes» à la première occasion... Mais c'est malheureusement une autre histoire.

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