Le scandale des contrôles antipollution truqués de Volkswagen (VW) passera à l'histoire comme l'une des pires fraudes du capitalisme moderne.
Cette malversation, commise de façon délibérée, portera un dur coup à l'image de VW, la plus importante société allemande (des revenus annuels de 300 milliards de dollars américains et 600 000 employés partout dans le monde, dont 274 000 en Allemagne).
C'est aussi une grande humiliation pour la puissante industrie automobile germanique. Celle-ci emploie 750 000 salariés en Allemagne, alors que ses trois principaux constructeurs (VW, BMW et Daimler) réalisent des revenus supérieurs à 600 G$ US, soit 35 % de plus que le budget du gouvernement fédéral allemand. Cette industrie impressionne partout grâce à ses parts de marché, ses marques prestigieuses et ses avancées technologiques.
VW avait une réputation enviable, mais elle récolte aujourd'hui les effets pervers d'une gouvernance médiocre, d'une éthique dégradée et d'une protection abusive de l'État. Ce dernier a toléré que ses voitures polluent indûment. En 2013, le gouvernement d'Angela Merkel a combattu avec succès les normes antipollution que l'Union européenne (UE) voulait imposer à l'industrie.
VW est protégée par une loi qui en interdit l'achat. Elle est détenue à 20 % par l'État de Basse-Saxe, qui dispose de deux sièges à son conseil d'administration. Les syndicats pèsent aussi très lourd dans la gouvernance de VW, où ils occupent cinq des onze sièges du CA et trois des cinq sièges du conseil de surveillance, première autorité dans le système de gouvernance allemand. Comme ses concurrents allemands, VW entretient des relations privilégiées avec les gouvernements du pays.
L'UE savait que les voitures diesel de VW ne respectaient pas les normes antipollution, mais elle ignorait que le système de contrôle des émissions était trafiqué pour déjouer les agences environnementales. Des techniciens de la société auraient informé le conseil de surveillance de VW dès 2011 à l'effet que des modèles de voiture ne se conformaient pas aux normes antipollution de l'UE. De son côté, la société Bosch, le fournisseur du logiciel, aurait averti VW dès 2007 que certaines de ses divisions semblaient l'utiliser illégalement. Ces avertissements incriminants sont restés lettre morte.
C'est grâce à des techniciens d'un organisme à but non lucratif américain qu'on a découvert le pot aux roses. Après s'être fait talonner par l'Environmental Protection Agency (EPA) en raison des écarts très importants découverts entre les résultats des contrôles des émissions d'oxyde d'azote obtenus en laboratoire sur les modèles au diesel Jetta et Passat et ceux de tests menés sur la route, VW a fait un rappel volontaire des voitures vendues de 2010 à 2014 pour apporter un correctif. Or, celui-ci n'a rien corrigé. C'est après avoir fait d'autres recherches que l'EPA a découvert qu'un algorithme désactivait le système de contrôle des émissions quand la voiture était utilisée sur la route.