Trump ne fera de cadeau à personne, pas même au Canada


Édition du 11 Février 2017

Trump ne fera de cadeau à personne, pas même au Canada


Édition du 11 Février 2017

[Photo: 123rf]

«America first», a clamé haut et fort Donald Trump dans son discours d'assermentation le 20 janvier.

Avec son nouveau slogan «Buy American and Hire American», ce sont les paroles les plus importantes de son discours isolationniste, qui était destiné principalement à ceux qui ont voté pour lui et à qui il a promis de créer 25 millions de nouveaux emplois en une décennie. Trump a bâti son empire en travaillant surtout pour son ego, sans trop d'égard pour les autres, qu'il considère inférieurs. Il voit le monde de façon binaire : il y a des bons et des méchants, des gagnants et des perdants, des leaders et des dominés. Maintenant qu'il occupe le poste le plus important sur la planète et qu'il personnifie l'État le plus puissant du monde, il est certain qu'il travaillera surtout pour lui et pour son pays.

«Les États n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts», disait le Général de Gaulle. Trump appliquera cette maxime avec une détermination inégalée. Âgé de 70 ans, il est pressé, comme en font foi les executive orders qu'il signe à répétition depuis son élection, sous l'oeil de photographes et de caméramans invités, afin d'immortaliser ces grands moments pour la postérité. Trump est déjà passé à l'histoire, mais son appétit pour la gloire est insatiable.

Première victime : le Mexique

Trump est un batailleur et un gagneur. À l'étranger, sa première cible est le Mexique, à la frontière duquel il fera ériger un mur pour se protéger des «vendeurs de drogues, violeurs et criminels qu'on nous envoie». Le mur sera payé par le Mexique, a-t-il juré, mais on ne sait pas comment. Sean Spicer, son porte-parole, a parlé d'une taxe de 20 % sur des produits importés du Mexique, mais il est revenu sur sa position. Non seulement cette taxe serait illégale, mais, si elle était imposée, elle se réflèterait dans les prix payés par les Américains, qui, ce faisant, paieraient finalement le mur. Pas si simple, donc, de faire payer le mur par les Mexicains.

En traitant cet important voisin (130 millions d'habitants) avec arrogance, Trump affiche aussi son mépris pour un grand partenaire commercial (deuxième marché d'exportation) de son pays. Il ne semble pas mesurer les conséquences économiques d'un rejet de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui a été profitable pour les économies des trois pays depuis maintenant 22 ans. En dénonçant cet accord, Trump vise surtout les manufacturiers américains qui fabriquent au Mexique des produits pour le marché américain.

La réalité est plus complexe. Ce que les grands fabricants américains importent surtout du Mexique, ce sont des intrants, qui sont fabriqués à des salaires bien inférieurs à ceux qui sont payés aux États-Unis, où les emplois payants (gestion, conception, ingénierie, marketing) demeurent. Ainsi, il arrive qu'un pourcentage élevé des pièces de voitures et d'autres produits industriels assemblés au Mexique et vendus aux États-Unis, soit américain. Six millions d'emplois américains dépendraient de l'économie mexicaine.

Si les coûts des intrants fabriqués au Mexique augmentent trop, les fabricants en achèteront d'autres pays à faible coût de main-d'oeuvre. Le Mexique en souffrira et il achètera moins aux États-Unis. De plus, si les prix des biens de consommation s'accroissent à cause du protectionnisme américain, les consommateurs paieront plus cher leurs produits. Il s'ensuivra de l'inflation et des taux d'intérêt plus élevés, ce qui ralentira la croissance réelle de l'économie. Les gens ordinaires, à qui Trump a promis de bons emplois, seront les premiers à écoper.

Pour le Canada, c'est l'incertitude

Donald Trump voit le Canada d'un oeil plus favorable que le Mexique. Le Canada est blanc et plus discipliné. Il a très peu parlé du Canada au cours sa campagne, si ce n'est pour dire que notre régime de soins de santé était «un désastre». Il ne faut toutefois pas croire qu'il ne cherchera pas à tirer profit de la renégociation de l'ALENA pour renforcer la position concurrentielle des États-Unis à nos dépens.

Les économies canadienne et américaine sont très imbriquées l'une dans l'autre. Le Canada est le premier marché d'exportation des États-Unis et il affiche un déficit de 12 G$ de sa balance des paiements (biens et services) avec les États-Unis. Le Canada serait le plus important marché pour 35 États américains. Nous ne sommes pas une menace pour les travailleurs américains.

Jusqu'à maintenant, Justin Trudeau a évité la confrontation et s'est dit ouvert à une révision de certains aspects de l'ALENA. C'est la bonne attitude. En raison de la détérioration des relations entre le Mexique et les États-Unis, on peut penser qu'il sera plus difficile de protéger l'ALENA que l'ancien accord de libre-échange canado-américain (en vigueur de 1988 à 1993). En cas d'impasse, le Canada devra prioriser la protection de nos relations économiques et commerciales avec les États-Unis.

J'aime

Parce que la crise que les médias traversent menace la démocratie, le Forum des politiques publiques propose à Ottawa de créer un fonds qui serait financé par une taxe imposée aux sociétés étrangères. Google et Facebook recueillent plus de 80 % des revenus de publicité numérique au Canada sans payer d'impôt et de taxe de vente, contrairement aux médias canadiens.

Je n'aime pas

Selon la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), dans «environ un cas sur trois», des employés de l'Agence du revenu du Canada ont donné «des réponses incomplètes ou inexactes» à quatre questions normalisées correspondant à celles que les chefs de PME posent le plus souvent. Ces questions ont été posées par des employés de la FCEI à la suite de 224 appels faits partout au pays.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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