Trump créera de l'instabilité et bouleversera l'ordre mondial


Édition du 10 Décembre 2016

Trump créera de l'instabilité et bouleversera l'ordre mondial


Édition du 10 Décembre 2016

Au moment d'écrire ces lignes, Donald Trump avait choisi la moitié des 15 secrétaires qui formeront son cabinet. Le président élu a aussi désigné certains conseillers, tel le militaire à la retraite Michael Flynn à la sécurité nationale et Stephen Bannon, à titre de stratège en chef. Flynn a des positions très radicales à propos de la sécurité nationale, et Bannon a des affinités avec des groupes d'extrême droite.

À en juger par les choix qui ont été faits jusqu'à maintenant, l'administration Trump sera surtout composée de gens de droite (tel Jeff Sessions à la Justice), de promoteurs d'une sécurité publique et nationale plus affirmée, et de milliardaires inexpérimentés.

Le poste de secrétaire au Trésor ira au financier Steven Mnuchin. Alors que Trump a critiqué Wall Street et promis d'y faire le ménage, Mnuchin est un ancien de Goldman Sachs, au même titre que Robert Rubin, qui a occupé le même poste sous Bill Clinton, et Henry Paulson, sous George W. Bush. Après la crise de 2008, Mnuchin a été un champion des reprises de maisons que leur propriétaire n'arrivait plus à payer et qu'il a revendues à profit. Mnuchin aura à assouplir la loi Dodd-Frank, qui avait été votée en 2010 pour restreindre les activités spéculatives des banques et protéger les épargnants.

Autre nomination significative, le poste de secrétaire au Commerce sera confié à un milliardaire de 79 ans, Wilbur Ross, coauteur d'un texte qui attaque durement la concurrence du Mexique et de la Chine, et qui a servi d'appui à l'engagement de Trump de revoir l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et d'instituer des droits de douane sur les importations en provenance de ces pays. Ross a lui aussi fait fortune dans les reprises de maisons et d'actifs industriels dépréciés (aciéries, mines de charbon, usines de textiles, petites banques) qu'il revendait à profit.

Promise par Trump, la dénonciation de l'ALENA paraît inévitable, mais il faut noter que Trump ne s'en est jamais pris au Canada dans sa croisade protectionniste. Se pourrait-il qu'il soit bien conscient de la forte interdépendance des entreprises canadiennes et américaines, et qu'il juge qu'il serait plus avantageux de favoriser davantage les échanges entre les deux pays que de les freiner ? Selon des données publiées par le Financial Post, 51 % des exportations de produits canadiens aux États-Unis sont constituées d'intrants pour des sociétés américaines. À l'inverse, 42 % des exportations de produits américains au Canada entrent dans la fabrication de biens canadiens. Autre preuve de la forte interdépendance de ces deux économies, les Canadiens détenaient, en 2014, 349 milliards de dollars d'investissements aux États-Unis, tandis que les Américains en avaient pour 361 G$ au Canada.

À l'instar de Trump, ni Mnuchin ni Ross n'ont d'expérience politique, ce qui peut mener à des bêtises et à des erreurs. Il ne faut toutefois pas oublier que le Congrès, dont les deux chambres sont majoritairement républicaines, peut exercer un contrepoids. Il est acquis que plusieurs législateurs républicains s'opposeront aux mesures proposées par Trump qui iraient, à leurs yeux, à l'encontre de la doctrine de leur parti sur les politiques économiques et le contrôle du budget.

Gouvernance mondiale

Même si Trump, en raison de ses vues simplistes à propos de l'économie, ne manquera pas de créer des surprises sur le plan intérieur, c'est à l'international qu'il pourrait provoquer le plus de perturbations, ce qui rendra difficile la tâche de son futur secrétaire d'État. Le président élu connaît mal les grands enjeux internationaux et il manque d'expérience. Son impétuosité et son incohérence sont susceptibles de lui faire commettre des impairs et de créer des imbroglios qui pourraient engendrer de l'instabilité politique.

Irrespectueux des engagements de son pays, il a déjà indiqué qu'il voulait réduire sa contribution à l'ONU et à l'OTAN. Il voudrait que certains pays, tels le Japon et la Corée du Sud, assument une plus grande part de leur défense, ce qui changerait les rapports de force en Asie. Il a aussi dit que certains pays, comme le Japon, devraient avoir accès à l'arme nucléaire, ce qui contrevient à un traité international.

Trump a vanté le leadership de Vladimir Poutine et a dit vouloir établir des relations fortes et durables avec la Russie, que le Parti républicain voit comme un ennemi à surveiller de près.

En conversant avec la présidente de Taïwan, Trump s'est attiré les foudres de la Chine. Aucun président n'a eu une telle communication depuis la politique «une Chine», établie en 1972 par l'ex-président Richard Nixon. Autre incongruité, Trump a dit qu'il pourrait déménager l'ambassade des États-Unis de Tel-Aviv dans la ville sainte de Jérusalem, ce qui constitue une insulte de première importance envers les musulmans.

Qu'elles soient dues à l'ignorance ou à l'inexpérience, plusieurs déclarations de Trump montrent son imprévisibilité, le danger qu'il représente pour la paix et le risque que les Américains ont pris en l'élisant, sans oublier que lui et ses affaires personnelles seront constamment en conflit d'intérêts avec les enjeux du pays.

Plusieurs déclarations récentes du président élu montrent le danger qu'il représente pour la paix dans le monde.

J'aime

Ce sont des décisions responsables et pragmatiques qu'a prises le gouvernement Trudeau en autorisant l'augmentation de la capacité de l'oléoduc de Trans Mountain, qui relie l'Alberta et l'océan Pacifique, et le remplacement de la vieille ligne 3 d'Enbridge, qui transporte du pétrole vers les États-Unis. En agissant ainsi, Ottawa rend plus facile la fermeture d'ici 2030 des centrales au charbon, annoncée par le gouvernement albertain. Bénéfice additionnel, le Canada tirera de la richesse de l'exploitation et l'exportation de son pétrole.

Je n'aime pas

Selon l'Institut de la statistique du Québec, les employés des municipalités ont continué en 2016 d'accroître l'écart entre leur rémunération globale et celle, identique, des salariés du secteur privé et du gouvernement du Québec. Cet écart est de 41,5 %, tandis qu'il était de 40,5 % en 2015.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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