Qui seront les nouveaux pauvres?


Édition du 21 Février 2015

Qui seront les nouveaux pauvres?


Édition du 21 Février 2015

Par Olivier Schmouker

« Ce qui me sauve, c'est mon loyer, qui est modique comparativement à ceux en vigueur dans mon quartier montréalais. Sans ça, eh bien, je ne m'en sortirais pas. Ce serait la misère noire... » Jeannette Caron (nom fictif), 68 ans, est à la retraite depuis trois ans. Célibataire, elle dit avoir aujourd'hui une vie « monacale » : pas de voiture ni de sorties coûteuses. « Mais j'ai heureusement une vie riche sur le plan intellectuel, grâce aux activités culturelles gratuites soutenues par la Ville », indique-t-elle.

Mme Caron joint les deux bouts grâce à des contrats glanés ici et là, notamment auprès de son dernier employeur, un organisme à but non lucratif. « J'ai effectué l'essentiel de ma carrière dans des associations communautaires, où je m'occupais de la comptabilité. Je n'étais pas payée cher, il n'y avait pas de fonds de pension, si bien que maintenant l'essentiel de mes revenus provient de la Régie des rentes du Québec et du Régime de pensions du Canada, ce qui représente pour moi un gros 1 100 $ par mois », raconte-t-elle, en soulignant qu'elle est devenue, par la force des choses, une adepte de la « simplicité extrême ». Et d'ajouter, émue : « Ma chance, c'est que je suis en santé et que je peux encore travailler. Pas comme d'autres, que je vois vivre durement autour de moi, vous pouvez me croire... »

Les femmes et la précarité financière

Le cas de Mme Caron n'est pas isolé. Elle fait partie d'une catégorie de personnes présentant un grand risque de sombrer dans la pauvreté au cours des années à venir, sans que personne ne s'en doute encore vraiment : les nouveaux retraités vivant seuls. C'est ce qui ressort en filigrane de nombre d'études économiques traitant de la retraite, à l'image d'une étude de McKinsey & Company dévoilée ce mois-ci. Celle-ci montre que « 17 % des retraités canadiens vont manquer d'argent pour maintenir un niveau de vie décent ».

Les principales personnes touchées seront les femmes. Celles dont la principale source de revenus sera associée aux régimes de retraite publics et qui vivront seules, précise la récente étude de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ), « Les profils de revenu des personnes à faible revenu ». Un constat corroboré par une simulation du Centre d'étude sur la pauvreté et l'exclusion, qui a mis au jour dès 2013 le fait qu'un facteur était déterminant quant au risque de connaître la pauvreté une fois à la retraite : vivre seul, surtout pour les femmes.

« Pourquoi les femmes ? C'est pourtant évident : la plupart d'entre elles ne sont pas prêtes pour une longue retraite. Elles ont gagné des salaires moins élevés que les hommes, et ont donc moins pu épargner qu'eux. De plus, en fin de carrière, là où souvent on gagne le plus, il leur arrive de sacrifier leurs dernières années de travail pour s'occuper d'un proche gravement malade. Résultat : à la retraite, leurs revenus chutent brutalement, surtout quand on les compare à ceux des hommes », explique Lise Gervais, coordonnatrice générale de l'organisme montréalais de formation, de recherche et de concertation Relais-femmes.

Du coup, nombre de femmes qui sont aujourd'hui au début de la soixantaine ont des soucis à se faire. Deux signes en attestent. D'une part, 17 % des 60-64 ans sont d'ores et déjà en situation de grande précarité financière, selon une étude sociodémographique de l'ISQ. D'autre part, un « signal alarmant » a été détecté par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale à l'occasion d'une analyse sur le vieillissement démographique : le taux de faible revenu des personnes âgées a bondi d'un seul coup en 2008, et la hausse semble perdurer.

L'appauvrissement dramatique des femmes âgées célibataires est-il dès lors une fatalité ? Pas forcément. « Nombre d'employeurs pourraient éviter le pire en offrant un fonds de pension à leurs employés. Mais surtout, une décision politique devrait être prise de toute urgence, par exemple en différenciant les mesures fiscales en fonction des sexes, au bénéfice, entre autres, des femmes âgées », estime Mme Gervais. Et Mme Caron d'ajouter : « C'est si triste. Ces personnes âgées vont être écartées de la société. Et tout ça va créer au Québec une nouvelle fracture indécente, si rien n'est fait pour l'éviter ».

Une définition statistique de la pauvreté

Une personne est considérée comme pauvre lorsqu’elle a un revenu inférieur au coût d’un panier de consommation, déterminé en fonction de sa collecti- vité. Ce panier comprend différents biens et services : nourriture, habille- ment, logement, transport et autres (soins personnels, ameublement, etc.). À Montréal, cela correspond à un revenu annuel inférieur à 16 573 $ pour une personne vivant seule.

Source : Statistique Canada

Demain est déjà là
Nous évoluons dans un monde en pleine mutation. Tous les 15 jours, cette nouvelle rubrique d'Olivier Schmouker décryptera les bouleversements à venir, tous secteurs confondus, et indiquer comment en tirer parti.

À la une

Bourse: Wall Street craint une escalade au Moyen-Orient

Mis à jour le 15/04/2024 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. Toronto a perdu près de 160 points, plombé par la faiblesse des actions du secteur de l’énergie.

À surveiller: Quincaillerie Richelieu, Cogeco Communications et Constellation Brands

15/04/2024 | Jean Gagnon

Que faire avec les titres de Richelieu, Cogeco et Constellation Brands ? Voici quelques recommandations d'analystes.

Bourse: les gagnants et les perdants du 15 avril

Mis à jour le 15/04/2024 | LesAffaires.com et La Presse Canadienne

Voici les titres d'entreprises qui ont le plus marqué l'indice S&P/TSX aujourd'hui.