Québec présente un budget prudent, reflétant nos choix de société


Édition du 26 Mars 2016

Québec présente un budget prudent, reflétant nos choix de société


Édition du 26 Mars 2016

Éclipsé par l'arrestation de l'ex-ministre Nathalie Normadeau et de six autres personnes qu'on présume impliquées dans des activités illégales de financement de partis politiques, le dernier budget du ministre des Finances du Québec, Carlos Leitão, n'a pas été analysé à son mérite. Celui-ci vaut pourtant que l'on s'y arrête pour plusieurs raisons.

Ce budget est tout d'abord marqué par la prudence. L'équilibre budgétaire promis par le gouvernement Couillard a été atteint. Même si l'état des revenus et des dépenses anticipé pour 2016-2017 se soldera par un excédent de 2 milliards de dollars, qui sera versé au Fonds des générations, le gouvernement limitera à 2,4 % la croissance des dépenses de programmes de l'exercice qui débutera le 1er avril. Cette modération s'explique aussi par la faible croissance du PIB québécois (1,5 % et 1,6 % respectivement en termes réels en 2016 et en 2017) et par le fait que l'augmentation des transferts fédéraux, qui sera de 5,7 % en 2016-2017, passera à 2,9 %, 1,5 % et 0,9 % respectivement pour les trois exercices suivants.

Il vaut donc mieux ne pas trop anticiper sur l'avenir, d'autant plus qu'un ralentissement (ou même une récession) est toujours possible.

À moyen et à long terme, cette prudence s'exprime aussi dans la volonté de réduire la dette de l'État. Ce fardeau représente 55 % du PIB du Québec (environ 100 % du PIB en comptant la part des contribuables québécois dans la dette du Canada).

Autre raison d'être prudent, les déficits cumulés dans l'endettement total de l'État québécois s'élèvent à 118 G$, soit 55 % de la dette brute. Cette somme représente les déficits résultant de l'excédent des dépenses courantes sur les revenus de l'État.

Puisque le Québec est la province la plus endettée par habitant et qu'il importe d'enrayer la spirale de l'endettement que nous subissons depuis plusieurs décennies, le gouvernement s'est donné l'objectif responsable d'abaisser à la fois la proportion de la dette totale et la part des déficits cumulés dans le PIB québécois. Les ratios visés d'ici 10 ans sont les suivants : faire passer la dette brute de 55 % à 45 % du PIB, et la part des déficits cumulés de 30 % à 17 % du PIB.

Quant à la part des déficits accumulés dans la dette totale, elle passerait de 55 % à 38 % dans 10 ans. Cela signifie que 62 % de la dette publique serait alors adossée à des immobilisations, une situation qui permettrait au Québec de se comparer très avantageusement à d'autres provinces, en particulier à l'Ontario. Il s'agit d'objectifs ambitieux, qui ne seront atteignables que si les gouvernements subséquents affichent la détermination du gouvernement actuel.

Le Québec dispose aussi d'un outil unique parmi les provinces, à savoir son Fonds des générations, dont l'actif s'élève maintenant à 9 G$. Géré par la Caisse de dépôt et placement, ce fonds bénéficie d'un rendement supérieur au coût de la dette du gouvernement. Cela veut dire que, lorsque le gouvernement y fait des versements au lieu de rembourser sa dette, il obtient un gain net (rendement du Fonds, moins l'intérêt sur la dette). Le Fonds des générations recevra 2,5 G$ l'an prochain, un montant qui gonflera progressivement jusqu'à atteindre 3,7 G$ en 2020-2021.

Préservation des grands programmes sociaux

Le gouvernement se montre à nouveau très prudent quant aux nouvelles dépenses qu'il peut engager. C'est le secteur de l'éducation qui reçoit la part du lion avec une hausse de ses crédits budgétaires de 3 % (1,3 % l'année dernière). Celui de la santé et des services sociaux bénéficie d'un gain de 2,4 % (2,3 % l'année dernière). Les autres missions de l'État devront se contenter d'une hausse globale de leurs crédits de 1,2 % (donc nulle après inflation). Comme on l'a dit et redit, on paie aujourd'hui pour les choix de société qui nous distinguent et les programmes généreux que nous nous sommes donnés (services de garde très subventionnés, assurance médicaments, droits de scolarité très bas, etc.).

La contribution santé des particuliers sera réduite en 2016 et en 2017, et éliminée en 2018. La prime au travail et le bouclier fiscal pour les travailleurs à faible revenu seront améliorés.

Les manufacturiers auront droit à de l'aide fiscale pour leurs processus d'innovation. Les PME bénéficieront d'une réduction de leur cotisation au Fonds des services de santé et d'un encouragement à l'exportation de leurs innovations. Sur cinq ans, on consacrera 162 millions de dollars à la mise en place d'une stratégie numérique et 600 M$ au soutien de l'innovation dans les industries agroalimentaire, forestière, aérospatiale, maritime, environnementale et dans certains services (sciences de la vie, tourisme et culture). C'est peu, mais c'est mieux que rien.

Nos grands programmes sociaux sont préservés. On peut penser que l'horizon se dégagera progressivement, ce qui permettra au Québec d'améliorer le coût de financement de sa dette et, en même temps, de préparer un avenir meilleur pour les prochaines générations.

J'aime

La loi qui encadre le Mouvement Desjardins sera revue pour faciliter l'émission de parts à des non-membres, responsabiliser davantage les dirigeants élus et donner aux organes appropriés (fédération, conseils de dirigeants élus) le pouvoir de remplacer un administrateur, de révoquer un conseil d'administration ainsi que d'interdire la distribution de trop-perçus et la fixation des taux d'intérêt sur l'épargne et le crédit. On permettra ainsi de corriger des dérapages que la gouvernance actuelle ne permet pas d'éviter.

Je n'aime pas

Le gouvernement du Québec néglige l'apport des infirmières praticiennes spécialisées (IPS) à la prestation de soins de première ligne, comme en témoigne la menace de fermeture de la coopérative SABSA, où oeuvrent des IPS. On ne compte que 310 IPS dans la province, comparativement à près de 3 000 en Ontario.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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