Où s'en va Hydro-Québec ?


Édition du 18 Juin 2016

Où s'en va Hydro-Québec ?


Édition du 18 Juin 2016

Éric Martel, pdg d’Hydro-Québec. [Photo : Jérôme Lavallée]

Si rien n'est fait, la rentabilité d'Hydro-Québec sera sous pression au cours des prochaines années. Éric Martel, pdg d'Hydro-Québec depuis juillet 2015, veut remédier à la situation en exportant davantage d'électricité aux États-Unis et en lançant la société sur le sentier des acquisitions. Il veut aussi poursuivre le développement de grands projets commerciaux prometteurs pour le Québec, comme ceux du moteur électrique TM4 et de la batterie Esstalion. Nos journalistes François Normand et François Pouliot l'ont rencontré.

Une usine d'assemblage de voitures électriques ?

Pour accroître ses revenus, Hydro-Québec veut commercialiser davantage les innovations de sa filiale TM4, qui conçoit et commercialise des moteurs électriques et des systèmes de contrôle.

Ces moteurs sont fabriqués en Chine par Prestolite Electric Propulsion Systems, une coentreprise fondée entre Hydro-Québec et Prestolite Electric (Beijing) Limited (PEBL).

Les moteurs sont installés sur des autobus en Chine. TM4 y a vendu 900 unités en 2015. Cette année, ce nombre devrait s'établir à 5 000, pour doubler à près 10 000 moteurs en 2017, selon Hydro-Québec.

Un jour, le moteur de TM4 pourrait même être installé sur une voiture électrique, dit Éric Martel.

«En début d'année, on a annoncé un partenariat avec Peugeot pour faire un véhicule électrique qui concurrencerait un peu la Tesla. Et le moteur d'Hydro-Québec, le TM4, est le moteur qui pourrait être sélectionné pour ce véhicule», dit-il.

Actuellement, les partenaires - PSA Peugeot Citroën, Exagon Motors, Investissement Québec et IndusTech, une filiale d'Hydro-Québec - sont en train d'évaluer les coûts de développement d'un nouveau véhicule.

Au premier semestre de 2017, Peugeot indiquera si elle va de l'avant avec ce projet, et si elle sélectionne le moteur de TM4. «Si nous sommes choisis, les composants importants [de cette voiture] seraient fabriqués au Québec», dit Éric Martel.

Peugeot n'exclut pas la possibilité d'avoir une usine d'assemblage de ces véhicules électriques au Québec, affirme le patron d'Hydro-Québec. «C'est ce qu'on souhaite.»

Et si Peugeot sélectionne le moteur d'Hydro-Québec, Éric Martel n'exclut pas non plus la possibilité qu'une usine de moteurs voie le jour au Québec pour le fabriquer.

En fait, tout dépendrait du volume de voitures qui seraient assemblées ou produites éventuellement par Peugeot au Québec. Si ce volume atteignait de 15 000 à 20 000 voitures par année, il faudrait accroître la capacité de production des moteurs de TM4, dit M. Martel.

«C'est clair qu'on aurait besoin que ces moteurs-là soient fabriqués ici, au Québec, pour satisfaire à la demande, parce qu'un volume de 15 000 à 20 000, ça commence à être plus sérieux.»

Une pile de longue durée

Pour accroître ses revenus, Hydro-Québec veut aussi commercialiser davantage les batteries de grande capacité de Technologies Esstalion, la coentreprise fondée en 2014 avec la japonaise Sony, qui fabrique des batteries. «On pense qu'il y a un marché important», dit Éric Martel.

Cette batterie permet de stocker l'énergie. Hydro-Québec n'a pas ce problème, car la société d'État emmagasine l'énergie derrière ses barrages. Par contre, les producteurs d'énergie éolienne ou solaire pas de capacité de stockage.

«Avec le solaire et l'éolien, ça peut être intéressant d'avoir des batteries, souligne le patron d'Hydro-Québec. Par exemple, quand il vente, on peut emmagasiner l'énergie, et quand il ne vente pas, ces batteries-là peuvent alimenter leur réseau de distribution.»

Selon Éric Martel, la batterie mise au point a la particularité d'avoir une durée de vie beaucoup plus grande que celles qui sont actuellement sur le marché.

«Elle a une durée de vie de trois à six fois plus longue que celles de nos concurrents. C'est hyperintéressant pour des producteurs d'énergie», dit M. Martel.

La batterie d'Hydro-Québec peut être chargée et déchargée de 10 000 à 20 000 fois, tandis que celles de ses concurrents peuvent l'être seulement de 3 000 à 3 500 fois, selon les données fournies par la société d'État.

Hydro-Québec a même mis au point le système de logiciels qui permet d'intégrer la batterie sur les réseaux de distribution d'électricité.

Faire progresser le bénéfice de 60 % d'ici 2030

Si Hydro-Québec ne fait rien, sa rentabilité tombera de 300 millions de dollars à l'horizon 2020, et, en dollars constants, elle ne progressera pas lors des 15 prochaines années. Le pdg d'Hydro veut relancer la machine.

Le marché du gaz naturel est dans un creux, de sorte qu'Hydro-Québec prévoit recevoir moins d'argent que dans le passé pour l'électricité qu'elle vend aux États-Unis. Qui plus est, explique Hydro-Québec, les charges d'amortissement du complexe La Romaine seront comprises dans les résultats, ce qui minera la rentabilité.

Déjà, celle-ci était sous pression au cours des dernières années, mais les chiffres n'en ont pas fait montre. «Au cours des dernières années, on a eu des hivers très froids, ce qui a amené notre bénéfice à près de 3 milliards de dollars, mais il nous faut établir nos prévisions en fonction d'hivers normaux», dit Éric Martel, pour bien placer le contexte.

Le pdg croit que la solution passe par plus d'exportations aux États-Unis, une série d'acquisitions au fil du temps et la commercialisation de produits actuellement en développement. Plus précisément, il veut aller chercher pour 250 M$ de bénéfices supplémentaires grâce aux exportations en 2020. Il veut aussi réaliser des acquisitions à l'international qui ajouteront 100 M$. Si le plan réussit, le bénéfice d'Hydro sera à ce moment au même niveau qu'aujourd'hui. À l'horizon 2030, le pdg croit que les exportations ajouteront peu au bénéfice par rapport à 2020 (50 M$), mais il croit possible de générer 800 M$ de bénéfices supplémentaires grâce à des acquisitions et à la commercialisation d'innovations, comme le moteur électrique et la pile Esstalion. Si les objectifs sont atteints, la rentabilité d'Hydro progressera de 60 % sur 15 ans.

La stratégie d'exportation peut-elle fonctionner ?

Hydro-Québec a des objectifs d'exportation ambitieux pour les cinq prochaines années. Peut-elle les atteindre ?

La société d'État devrait savoir d'ici deux mois si elle remportera un important contrat d'approvisionnement en énergie propre pour les États du Massachusetts, du Connecticut et du Rhode Island. Si elle l'emporte, des volumes supplémentaires d'électricité québécoise seront livrés pendant 40 ans à ces trois États, à des moments où les prix sont intéressants.

Hydro compte aussi sur deux autres projets de construction de ligne d'électricité aux États-Unis pour augmenter ses exportations : Northern Pass et Vermont Green Line.

La première ligne doit partir de la frontière canadienne et se terminer à Deerfield au New Hampshire. La deuxième démarrera de Plattsburgh, dans l'État de New York, et aboutira à New Haven, au Vermont. La société d'État a des ententes d'approvisionnement pour ces deux projets de lignes de transport. C'est par Northern Pass que cheminerait aussi l'électricité pour le possible contrat d'énergie propre concernant les États du Massachusetts, du Connecticut et du Rhode Island.

Un hic toutefois. Le projet (Northern Pass) vient de se heurter à une prolongation de son délai d'évaluation par les autorités de réglementation. Ce délai devrait repousser la mise en service de la ligne en 2020, plutôt qu'en mai 2019. Pendant ce temps, le projet Vermont Green Line est à un stade encore moins avancé que celui de Northern Pass. Difficile de voir les bénéfices des exportations augmenter de 250 M$ à l'horizon 2020 s'il n'y a pas de lignes de transport d'électricité.

«Malgré cette décision, on discute avec notre partenaire Eversource, et on souhaite une mise en service de Northern Pass en 2019», dit Éric Martel.

Audacieux pour 2020, l'objectif «exportations» l'est moins à l'horizon 2030. Il ne faut ajouter que 50 M$ de bénéfices sur 10 ans pour l'atteindre.

Ce que la société d'État cherche à l'international

Le gros de l'amélioration de la rentabilité d'Hydro-Québec au cours des 15 prochaines années doit provenir de son programme d'acquisitions à l'international.

Éric Martel dit chercher des cibles dans des pays où l'indice de corruption est faible et où la réglementation est stable.

Au milieu des années 2000, la société d'État avait liquidé tous les investissements à l'international. Elle avait tiré un bénéfice extraordinaire de cette vente, mais elle ne parvenait pas depuis quelques années à générer de bénéfice d'exploitation.

«On ne veut pas juste construire quelque chose qui n'existe pas, qui va prendre cinq à sept ans et qui va générer des bénéfices seulement en 2022-2023. Ce n'est pas ça qu'on cherche. On cherche un endroit où il y a déjà des actifs existants.»

Hydro dit être prête à investir de 250 M$ à 2,5 G$ pour une participation dans des projets d'électricité. Elle se dit également disposée à faire équipe avec des caisses de retraite, qui sont souvent à la recherche de tels actifs.

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