Michel Arsenault doit aussi quitter la présidence du conseil du Fonds FTQ


Édition du 09 Novembre 2013

Michel Arsenault doit aussi quitter la présidence du conseil du Fonds FTQ


Édition du 09 Novembre 2013

BLOGUE. Croyez-vous que le conseil d'administration d'une institution financière normale aurait toléré longtemps d'avoir à sa tête un président dont le nom est associé à des fraudeurs, des personnes accusées au criminel, des magouilleurs et des collègues qui ont pactisé avec le crime organisé ?

Non. S'il avait fallu que cette institution soit une banque et que le président de son conseil ait entretenu des relations avec des personnes de mauvaise réputation, il y a longtemps qu'on lui aurait montré la porte.

Mais ça se passe différemment à la FTQ. Au moment où Michel Arsenault annonce qu'il laissera la présidence de la FTQ, bien qu'il semble s'accrocher à son poste de président du conseil du Fonds FTQ, ce dernier paraît condamné à l'impuissance. Deux raisons expliquent cette situation : 1) le conseil du Fonds est contrôlé par la FTQ, dont le conseil général nomme 10 membres du CA du Fonds, qui proviennent tous de syndicats membres. Ces 10 personnes nomment ensuite les quatre membres qui ne viennent pas des rangs de la FTQ. Ces derniers sont réputés indépendants, mais qu'en est-il dans la pratique ? 2) la grande majorité des actionnaires du Fonds ne sont pas libres d'en sortir leurs épargnes. En effet, un actionnaire ne peut retirer ses billes du Fonds que s'il prend sa retraite, s'il se lance en affaires ou s'il a un besoin urgent d'argent (par exemple, en raison d'une maladie).

Le Fonds de solidarité ne mérite pas la mauvaise publicité qui s'abat sur lui à cause de son président du conseil. C'est une institution importante qui joue un rôle majeur dans le financement de nos entreprises et, de ce fait, dans l'économie du Québec.

Le Fonds avait au 31 mai dernier un actif net de 9,3 milliards de dollars, qui était investi principalement dans 2 395 sociétés sous forme de capital-actions ou de prêt. Il comptait à la même date 615 664 actionnaires, qui sont en grande majorité de petits investisseurs. Leurs épargnes ne sont pas à risque, car le Fonds conserve des avoirs liquides et a presque toujours fait des profits. De plus, il possède une équipe de gestion compétente.

Par contre, cette institution ne devrait pas avoir à subir les dommages collatéraux infligés à son image et au moral de ses troupes en raison de la présence à la tête de son conseil d'un personnage comme Michel Arsenault.

Le fait que ce dernier ne fasse l'objet d'aucune accusation n'est pas pertinent ici. Ce qui l'est, c'est l'impact de sa présence à la présidence du système de gouvernance du Fonds. Il ne serait pas étonnant en effet qu'un sentiment d'embarras existe lors des réunions du conseil et que tous les administrateurs ne se sentent pas à l'aise d'interroger leur président du conseil au sujet de certains enjeux et de certaines allégations sur son influence indue dans certains dossiers du Fonds.

Une proximité malsaine

La saine gouvernance exige que les membres d'un conseil d'administration soient les mandataires de l'organisation qu'ils ont promis solennellement de servir. Peut-on penser que tous les représentants de la FTQ ont toujours agi dans le seul but d'aider le Fonds à réaliser sa mission ? Les témoignages entendus à la commission Charbonneau ont montré que même Michel Arsenault a profité de son poste au conseil du Fonds pour faire avancer des dossiers poussés par des personnages non recommandables. Était-ce la bonne façon d'exercer le rôle de président de conseil ? Non.

Le rôle d'un président de conseil est de diriger ses réunions, de s'assurer de son efficience et de veiller à ce que la sélection de ses membres soit faite en fonction de critères d'intégrité, de compétence et d'expérience pertinente. Ce n'est pas le cas au Fonds.

Onze sièges du CA du Fonds sont occupés par des membres de la haute direction de la FTQ, ce qui montre bien que celle-ci considère le Fonds comme sa chose. De plus, les conseils sectoriels d'analyse et d'autorisation des projets d'investissement sont généralement présidés par un dirigeant de la FTQ. Cela n'est pas une bonne façon de garantir la saine gouvernance d'une institution qui - c'est important de le dire - n'appartient pas à la FTQ.

S'il pensait aux intérêts supérieurs du Fonds, Michel Arsenault quitterait son poste, comme l'a fait Gérald Tremblay à la mairie de Montréal. Ce dernier n'était accusé de rien, mais il a jugé avec raison que c'était mieux ainsi.

Pour sa part, Québec devra légiférer pour sortir le Fonds du contrôle de la FTQ et assurer l'indépendance de son président de conseil.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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