«The economy, stupid», avait énoncé James Carville, le stratège de Bill Clinton, lors de la campagne électorale contre George Bush père en 1992. Selon M. Carville, la situation économique devait être l'un de ses trois grands thèmes (les autres étant le changement et la santé) que M. Clinton devait marteler pour vaincre le président. Le pays sortait d'une dure récession, mais George Bush avait obtenu de la population un taux de satisfaction de 90 % en mars 1991. L'armée américaine venait de libérer le Koweït que l'Irak avait envahi huit mois auparavant.
Actuellement au Canada, l'affaire Duffy, dans laquelle s'est empêtré le bureau du premier ministre, et la crise des réfugiés, qui n'a pas su attirer un seul soupçon de compassion de la part de Stephen Harper, ont relayé au second plan la récession (que Statistique Canada vient de confirmer) et la croissance économique prévue d'environ 1 % pour 2015.
Sans être franchement mauvais, le bilan économique du gouvernement Harper n'a rien de spectaculaire. Arrivé au pouvoir en 2006, après neuf années de surplus budgétaire de l'ère libérale Jean Chrétien-Paul Martin, le gouvernement conservateur a été éprouvé par la récession de 2009 et a connu sept années de déficits, qui ont accru la dette publique d'environ 150 milliards de dollars. Cette détérioration des finances publiques vient en partie du fait que le gouvernement a réduit la TPS de deux points et a baissé l'impôt sur les profits.
Par contre, le gouvernement a appuyé la recherche et développement, certaines industries, dont l'aéronautique et l'automobile, et a pris certaines mesures visant à encourager l'innovation. Mais ce n'est pas assez, car en matière d'innovation, notre pays figure au 9e rang parmi 16 États, selon un classement établi par le Conference Board du Canada. Pour sa part, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a placé le Canada en 16e position sur le plan de la productivité, alors que le pays occupait la 6e place en 2006, quand M. Harper est devenu premier ministre. Autres données significatives, le pays a perdu 400 000 emplois manufacturiers depuis 2000, une baisse de 24 %, alors que la production manufacturière a reculé de 11 %.
Ces reculs s'expliquent surtout par l'accroissement de la concurrence étrangère et le manque de productivité de notre secteur manufacturier. Celui-ci n'a pas investi suffisamment pendant la longue période où le dollar canadien s'est déprécié par rapport au dollar américain et à l'euro. Quand notre dollar a repris de la valeur, nos usines les moins concurrentielles ont réduit ou cessé leur production. Le recul du dollar à 0,75 $ US découragera l'achat de machinerie à l'étranger, ce qui contribuera à affaiblir notre productivité.
Adepte du court terme et du clientélisme, le gouvernement Harper a géré l'économie sans vision d'ensemble. Il n'a montré aucun empressement à négocier des accords de libre-échange avec des pays étrangers, a beaucoup misé sur l'industrie des hydrocarbures et n'a pas cherché à développer des stratégies avec les provinces.