Les multinationales ont trop de pouvoir

Publié le 01/06/2017 à 16:00

Les multinationales ont trop de pouvoir

Publié le 01/06/2017 à 16:00

Par François Normand

Le ministre-président de la Wallonie, Paul Magnette (Photo: Getty)

Les futurs accords de libre-échange ne devraient plus permettre à des entreprises de poursuivre des États si elles estiment que leurs droits d’investisseurs sont lésés, affirme le ministre-président de la Wallonie, Paul Magnette.

«Il faudrait éliminer les chapitres sur la protection des investissements parce qu’ils sont les plus dangereux pour les États, même si on nous dit que les droits des États de réguler sont maintenus», laisse tomber au bout du fil Paul Magnette, que nous avons joint en Belgique quelques jours avant son départ pour le Canada.

À compter de ce jeudi, ce socialiste amorce une visite de quelques jours au pays au cours de laquelle il rencontrera des élus, en plus de prononcer des discours, notamment devant le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) ce vendredi.

Paul Magnette affirme que ces tribunaux d'arbitrage permettent aux multinationales de «faire pression» sur les États, qui pourraient alors être tentés d’avoir une certaine retenue au plan législatif afin d’éviter d’être poursuivi.

«Ces tribunaux ne sont absolument pas nécessaires, surtout entre des pays industrialisés avancés comme l’Europe et le Canada», affirme le ministre-président.

Paul Magnette s’est fait connaître au Canada l’automne dernier.

La Wallonie avait d’abord refusé d’approuver l’Accord économique et commercial global (AECG) conclu entre le Canada et l’Union européenne, qui devrait entrer en vigueur sur une base provisoire dans un mois, soit le 1er juillet.

Deux dispositions sont exclues du traité pour le moment, dont celle portant justement sur le mécanisme de règlement des différends.

Comme ce mécanisme a été contesté en Europe, cette disposition n’entrera en vigueur que lorsque tous les États membres de l’UE se seront prononcés en faveur de ce mécanisme, incluant les États sous-nationaux comme la Wallonie.

Or, en octobre, les négociations –au cours desquelles la petite Wallonie était devenue un acteur incontournable- achoppaient justement en grande partie sur le mécanisme de règlement des différends.

La Wallonie a finalement accepté l’AECG, mais à la condition que 19 engagements soient respectés, dont la compatibilité du mécanisme de règlement des différends avec le droit européen.

La Wallonie pourrait encore s'opposer

La Wallonie s’apprête d’ailleurs à faire une demande d’avis auprès de la Cour de Justice de l’Union européenne –une institution qui veille à ce la législation de l’UE soit interprétée et appliquée de la même manière dans tous les pays de l’Union- afin d’évaluer cette compatibilité.

«Et c’est seulement à la lumière de cet avis qu’on décidera si on ratifiera ou pas l’accord de libre-échange», dit Paul Magnette, en précisant que cette procédure pourrait prendre d’un à deux ans.

Si jamais la Wallonie ne ratifiait pas l’accord de libre-échange, le traité entre le Canada et l’UE resterait tout simplement en vigueur sur une base provisoire.

Par contre, il n’y aurait pas de mécanisme de règlement des différends, du moins jusqu’à ce qu’un compromis soit éventuellement trouvé. Car l’unanimité de tous les États signataires de l’AECG – incluant des États sous-nationaux, comme la Wallonie- est requise pour mettre en application les dispositions du traité.

Cela ne constituerait pas du reste un précédent.

L’accord de libre-échange entre la Corée du Sud et l’Union européenne a été en vigueur sur une base provisoire durant une période de 5 ans avant qu’il ne devienne un accord permanent.

Des objections au Canada

Paul Magnette n’est pas le seul en Europe à critiquer le mécanisme de règlement des différends dans les accords de libre-échange en Europe.

Et ce processus a aussi ses critiques au Canada, dont l’ex premier ministre du Québec, Bernard Landry, aujourd'hui professeur d'économie internationale à l'ESG UQAM, qui est pourtant depuis toujours un fervent partisan du libre-échange.

Dans un entretien à Les Affaires en octobre, il affirmait aussi que ces tribunaux étaient inutiles entre les pays développés.

À ses yeux, les litiges commerciaux entre le Canada et l'Union européenne -deux entités dotées d'un État de droit impartial et prévisible- devraient se régler devant les tribunaux nationaux, et non pas auprès d'un tribunal d'arbitrage.

Ces tribunaux d'arbitrage ont fait leur apparition pour la première fois dans les années 1960 et 1970. Ils visaient à protéger les droits des investisseurs dans les pays en voie de développement, et non pas dans les pays développés.

Bernard Colas, avocat spécialisé en droit du commerce international et de la propriété intellectuelle chez CMKZ, à Montréal, rappelle d’ailleurs que l'Accord de libre-échange (ALE) entre le Canada et les États-Unis, entré en vigueur en 1989, n'avait d'ailleurs pas de tribunal d'arbitrage.

C'est lorsqu'on a intégré le Mexique avec l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), en 1994, qu'un tribunal a été créé, expliquait-il dans un entretien à Les Affaires l'automne dernier.

 

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