Les douanes à Montréal-Trudeau : cessons de lésiner


Édition du 17 Septembre 2016

Les douanes à Montréal-Trudeau : cessons de lésiner


Édition du 17 Septembre 2016

[Photo : 123RF/jojoo64]

Le 6 septembre dernier, des passagers arrivant à l'aéroport Montréal-Trudeau ont attendu plus de deux heures avant de passer aux douanes. Cela s'était aussi produit quelques jours auparavant. Les commentaires entendus depuis sont déroutants :

1. «Il est arrivé plusieurs avions en même temps», a déploré l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Or, les horaires des vols des transporteurs aériens sont faits six mois à l'avance, et cette agence a accès à cette information. Elle sait aussi que des transporteurs (Air Canada, Air Transat) ont ajouté des vols et que de nouvelles compagnies aériennes (Air China, Icelandair, Turkish Airlines, Qatar Airways et d'autres) desservent Montréal-Trudeau, où le trafic international augmente d'environ 10 % par année. Malheureusement, l'ASFC est une bureaucratie lourde qui a beaucoup de mal à s'adapter. À sa défense, elle a subi un gel de ses effectifs, un cadeau de l'ancien gouvernement de Stephen Harper.

2. «Les sociétés aériennes pourraient refaire leur horaire pour ne pas que trop d'avions arrivent en même temps», a suggéré le syndicat des douaniers. C'est ridicule. Pas besoin d'avoir un doctorat en recherche opérationnelle pour imaginer la complexité des horaires des vols des transporteurs qui doivent gérer leur parc aérien de façon optimale tout en tenant compte de plusieurs facteurs, dont les correspondances avec le reste du réseau.

3. «Il y a 220 postes de douaniers» à Montréal-Trudeau, a déclaré l'ASFC, laissant entendre que ce nombre est suffisant. Pourtant, selon le syndicat, une soixantaine d'étudiants douaniers ont quitté leur emploi à la fin d'août sans être remplacés. L'ASFC n'avait pas prévu, semble-t-il, le retour de nombreux étudiants étrangers à Montréal.

4. «Les 21 guérites douanières ont été utilisées durant les heures de pointe cet été», a dit l'ASFC, ce que nie le syndicat des douaniers. Qui dit vrai ?

5. Alors qu'Aéroports de Montréal (ADM) soutient qu'elle pourrait ajouter des guérites, l'ASFC estime qu'il n'y a pas de place, donc que ce n'est pas une solution. C'est faux. Il s'agirait de les disposer autrement, comme on le voit ailleurs. Mais il faudrait que l'ASFC ajoute des ressources, ce qui n'est pas dans ses plans.

6. «Il y a des délais partout.» C'est vrai, mais on ne progresse pas en niant le problème. Selon La Presse, à Chicago O'Hare, on a réduit le délai moyen d'attente à 16 minutes et le délai maximal à 43 minutes. À l'aéroport JFK de New York, les délais ont été ramenés à 25 minutes en moyenne et l'attente maximale est de 55 minutes.

Pour accélérer le processus douanier, ADM a fait installer des bornes de contrôle automatisées en amont de la salle des douaniers. ADM est disposée à en ajouter d'autres, mais encore faudrait-il que les horaires de travail des douaniers soient mieux adaptés aux flux de passagers et que des postes soient ajoutés. Évidemment, il y a une convention collective à gérer et une culture de lenteur à changer chez les douaniers.

Face aux critiques, le ministre fédéral responsable de l'ASFC, Ralph Goodale, a promis d'examiner la situation. Il n'y a pas de raison que cela prenne une éternité. Il faut mieux utiliser l'espace disponible, qui semble suffisant, ajouter des guérites et augmenter le nombre de douaniers.

Certes, cela coûtera de l'argent, mais il est temps qu'Ottawa cesse de voir les aéroports comme des vaches à lait. ADM a investi 2,5 milliards de dollars depuis 2000 pour agrandir et moderniser Montréal-Trudeau, qu'elle loue au fédéral. Ce loyer, qui a atteint 50 millions de dollars en 2015, rend l'aéroport de Montréal moins concurrentiel par rapport à ceux de Plattsburgh et de Burlington.

Viser l'excellence

La lenteur du processus douanier à Montréal-Trudeau est à l'image d'autres infrastructures d'accueil de Montréal. L'accès au centre-ville se fait par autobus, un moyen de transport d'une autre époque. Heureusement, la Caisse de dépôt a pris les choses en mains et planche sur un projet avant-gardiste de transport qui renforcera l'image de modernité de Montréal.

L'échangeur Dorval, dont le ministère des Transports du Québec a annoncé le réaménagement en 2005 au coût de 150 M$, n'arrive pas à sortir des limbes. Il serait achevé en 2019... à un coût qui sera multiplié par quatre.

Les infrastructures de transport d'une ville ont une influence économique majeure. Autant elles causent des pertes de productivité importantes et des coûts énormes pour les usagers si elles sont médiocres, autant elles procurent des avantages économiques majeurs pour la collectivité si elles sont performantes. Il faut donc les voir comme des investissements et non comme des dépenses reportables sans conséquence.

L'explosion de colère des citoyens et des visiteurs qui sont passés par les services douaniers de Montréal-Trudeau ces jours derniers a montré que la situation doit être corrigée sans délai. Au lieu de tenter de justifier l'injustifiable, toutes les parties concernées doivent se concerter et trouver la solution requise. Il suffit d'y mettre de la bonne volonté.

J'aime

Outre l'Institut de valorisation des données de Campus Montréal, qui vient de recevoir 93,6 M$ d'Apogée Canada (lire notre texte en p. 7), deux autres projets d'envergure mondiale de chercheurs montréalais ont aussi bénéficié de la manne fédérale. L'Université McGill a reçu 84 M$ pour des recherches sur les maladies neurologiques, tandis que l'École Polytechnique s'est vu attribuer 35,6 M$ pour son projet d'Institut TransMedTech, qui vise à concevoir de nouvelles technologies de diagnostic, de pronostic et d'interventions, notamment dans le domaine des maladies musculosquelettiques et cardiovasculaires.

Je n'aime pas

Les entités du groupe Loblaw ont commencé le 4 septembre à réduire de 1,45 % les factures de leurs principaux fournisseurs. Cette décision arbitraire est appliquée uniformément, indépendamment des coûts des intrants des produits livrés dans les magasins Loblaw, Maxi, Provigo et Pharmaprix.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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