Le Québec doit faire plus et mieux en matière d'immigration


Édition du 25 Novembre 2017

Le Québec doit faire plus et mieux en matière d'immigration


Édition du 25 Novembre 2017

[Photo : 123RF]

Le gouvernement fédéral prévoit accueillir au pays 310 000 immigrants en 2018, 330 000 en 2019 et 340 000 en 2020. Près de 60 % de ces nouveaux venus seront des immigrants dits économiques, soit des personnes qui arriveront avec une profession ou un métier ou qui sont des investisseurs ou des étudiants. Environ 15 % seront des réfugiés et les autres viendront rejoindre leur famille.

Le Canada avait accueilli une moyenne de 260 000 immigrants de 2011 à 2015, mais 300 000 en 2016 grâce à l'afflux de presque 60 000 réfugiés syriens. L'accélération de l'immigration vise à contrer l'effet du vieillissement de la population et du déclin du nombre de personnes en âge de travailler sur la croissance économique du pays. Si rien n'est fait pour contrer ces tendances, le produit intérieur brut du Canada (PIB) pourrait croître de seulement 0,8 % par année en termes réels au cours des 50 prochaines années, comparativement à 3,1 % au cours des cinq décennies précédentes selon le rapport du Conseil consultatif en matière de croissance économique créé par le premier ministre Justin Trudeau.

C'est ce constat inquiétant qui avait amené ce Conseil, présidé par Dominic Barton de la firme McKinsey & Company, à proposer à Ottawa de faire passer de 300 000 en 2017 à 450 000 en 2021, le nombre d'immigrants au Canada. Toutefois, cet objectif a été rejeté par le gouvernement Trudeau parce que trop ambitieux pour deux raisons : la difficulté d'intégration des immigrants et le doute des Canadiens sur les bienfaits de l'immigration.

En effet, selon un récent sondage d'Ipsos (tel que rapporté par La Presse), 38 % des Canadiens voient l'immigration comme positive, mais 30 % pensent le contraire. Toutefois, 43 % croient que leur venue au Canada est favorable à l'économie et 48 % pensent qu'ils rendent le pays plus intéressant. Les Québécois sont moins ouverts. Près de 50 % d'entre eux croient que les immigrants transforment le pays d'une manière qui leur déplaît, alors que 37 % des autres Canadiens pensent de même. Ces chiffres expliquent la prudence des gouvernements par rapport à l'accroissement de l'immigration.

Enjeu important pour le Québec

Les objectifs du gouvernement canadien poseront un défi pour celui du Québec. Alors que premier ministre Philippe Couillard a déjà rêvé d'accueillir 60 000 immigrants par année, Kathleen Weil, alors qu'elle était ministre de l'Immigration, a plutôt proposé d'en faire entrer entre 49 000 et 51 000 en 2017 et 2018, puis entre 50 500 et 54 500 en 2019. Si cet objectif tient, le Québec n'accueillera alors qu'environ 15 % des nouveaux venus au Canada, ce qui veut dire qu'il perdra encore de son importance relative au sein de la fédération. La population du Québec ne représente que 23 % de celle du Canada, alors que son PIB compte pour moins de 20 % de celui du pays. Si le Québec maintient ses cibles d'immigration, sa croissance économique en souffrira puisqu'il aura relativement moins de consommateurs et surtout moins de travailleurs gagnant un revenu, que le reste du Canada.

Outre l'enjeu économique de l'immigration, le gouvernement Couillard doit aussi gérer les perceptions au sein de la population, en ce qui a trait aux avantages politiques que certains partis de l'opposition cherchent à gagner en attirant l'attention sur les difficultés d'intégration des immigrants. Il s'agit là certes d'un défi réel, mais on peut se demander si on en fait assez pour optimiser les processus d'intégration des immigrants.

Pourrait-on mieux sélectionner les candidats à l'immigration ? Peut-on miser davantage sur les personnes qui parlent français et qui ont un métier ou une profession ? Peut-on faciliter davantage la reconnaissance des compétences professionnelles des étrangers au sein des professions et des métiers dont l'accès est réglementé ? Peut-on accroître et améliorer l'effort de mise à niveau des connaissances des immigrants ? Peut-on être plus proactif pour les amener à travailler en région, où les besoins de main-d'oeuvre sont plus grands qu'à Montréal, où s'établissent 85 % des nouveaux venus ? Peut-on recruter plus d'étudiants étrangers et, surtout, développer des stages en entreprises pour encourager leur rétention ? Peut-on améliorer le programme des immigrants investisseurs afin d'accroître leur rétention ? Peut-on sensibiliser les PME en région à l'expertise qu'elles peuvent obtenir des travailleurs immigrants ? Peut-on faire plus de promotion sur les avantages de l'immigration ? Peut-on améliorer les processus d'embauche, notamment en favorisant des stages en entreprise ? Avec un peu de bonne volonté, on peut répondre OUI à toutes ces questions. Québec s'est engagé à investir 42,5 millions de dollars en cinq ans pour faciliter l'intégration des immigrants. Est-ce assez ? Poser la question, c'est y répondre.

La clé d'une immigration soutenue et réussie est une meilleure intégration. Il faut en faire une priorité. C'est très important pour notre économie, nos finances publiques et notre prospérité.

J'aime
La Fédération des chambres de commerce et le gouvernement du Québec expérimentent des projets-pilotes de recrutement d'immigrants dans des entreprises de certaines régions. Plus de 2 700 emplois ont déjà été recensés et environ 400 nouveaux venus ont commencé des démarches à cet effet.

Je n'aime pas
Le Québec est pauvre en riches. Selon Statistique Canada, pour l'année d'imposition 2015, le Québec ne comptait que 15 % des Canadiens ayant déclaré au moins 1 M$ de revenus, alors que sa population représentait 23 % de celle du pays. L'Ontario (38 % de la population canadienne) comptait 41 % de cette catégorie de riches. L'Alberta remportait la palme avec 24 % de cette catégorie de riches, alors qu'elle forme 12 % de la population canadienne. Le Grand Montréal détenait 10 % de cette catégie de riches, en regard de 25 % pour le Grand Toronto.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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