Le plan économique de Trump : fantaisiste, incohérent et dangereux


Édition du 26 Novembre 2016

Le plan économique de Trump : fantaisiste, incohérent et dangereux


Édition du 26 Novembre 2016

[Photo : 123RF/Christopher Penler]

L'une des principales raisons de la victoire de Donald Trump est son programme économique, qui inclut des baisses d'impôts et des mesures protectionnistes qui, espère le président désigné, créeront des emplois.

On sait que les riches, qui ont les impôts en horreur, ont majoritairement voté en faveur de Trump. L'augmentation de 14 % du Dow Jones U.S. Bank Index dans les jours qui ont suivi son élection a montré l'enthousiasme de Wall Street relativement à la hausse des taux d'intérêt qui résultera du financement du déficit du gouvernement créé par les baisses d'impôt prévues et par le programme d'investissements en infrastructures promis par le président désigné.

Ce dernier a aussi recueilli d'impressionnantes majorités dans les régions victimes des pertes d'emplois dans le secteur manufacturier. Les chômeurs et les travailleurs à petit salaire ont cru que Trump ramènera les emplois perdus au profit de la Chine et du Mexique et qu'il rouvrira les mines de charbon. Mais comme Donald Trump a promis d'accroître la production de pétrole et de gaz de schiste (ce dernier a remplacé le charbon pour produire de l'électricité), il est improbable que ces mines puissent rouvrir.

Les baisses d'impôt proposées par Donald Trump sont démesurées. S'il a le feu vert du Congrès et si ces baisses ne sont pas accompagnées de réductions de dépenses, les revenus du gouvernement seront réduits de 6,2 billions de dollars américains (8 370 G$ CA) sur 10 ans, selon le Tax Policy Center (TPC) de la très réputée Wharton School de l'Université de Pennsylvanie.

Naturellement, Donald Trump prétend le contraire, estimant que les rentrées fiscales résultant de son programme combleront le manque à gagner du gouvernement fédéral. Ces revenus proviendraient de l'imposition de nouveaux droits de douane sur les importations, de la relance de l'industrie de l'énergie et de l'intensification de l'activité économique qui résultera des baisses d'impôt, comme si les riches, qui en seront les principaux bénéficiaires, consommeront davantage.

Selon le TPC, près de la moitié des réductions d'impôt iront aux personnes qui gagnent un revenu annuel de 700 000 $ et plus (1 % des contribuables), alors que celles qui gagnent 3,7 M$ et plus (0,1 % des contribuables) seront gratifiées d'une baisse d'impôt moyenne de 1 M$ (14 % de leur revenu après impôt). Ces gains s'expliquent par la baisse de 39,6 % à 33 % du taux marginal maximum sur le revenu imposable des particuliers. Pire, des contribuables de la classe moyenne paieraient plus d'impôt en raison de l'élimination des exemptions personnelles concernant le chef de famille et les enfants.

Trump propose aussi de diminuer de 35 % à 15 % le taux d'impôt sur les bénéfices, sans égard à la taille des entreprises, au lieu du taux de 20 % envisagé par la Chambre des représentants.

Il est toutefois fort possible que ces baisses d'impôt ne soient pas mises en vigueur totalement, puisque la Chambre ne veut pas d'une aggravation du déficit du gouvernement. C'est d'ailleurs dans ce but que celle-ci propose de privatiser la sécurité sociale et Medicare, des programmes que Donald Trump veut conserver.

Autre source de divergences, le programme d'infrastructures d'un billion de dollars américains (1 350 G$ CA) sur 10 ans proposé par le président désigné, auquel il faut ajouter le coût du mur avec le Mexique et le budget de la défense nationale que Trump veut maintenir. Tout cela amplifierait également le déficit et la dette, ce qui déplaît à plusieurs élus républicains.

Selon David Rosenberg, économiste en chef de Gluskin Sheff, les programmes de réduction des impôts et d'investissements dans les infrastructures de Donald Trump feraient passer le ratio de la dette fédérale par rapport au PIB de 77 %, actuellement, à 105 %, en 2026. Pire encore, le coût du service de la dette, qui représente 7 % de chaque dollar de revenu du gouvernement fédéral, passerait à 25 % en 2020, ce qu'il qualifie de «ruines fiscales».

Il pourrait en résulter une chute du dollar américain, une hausse des taux d'intérêt et une récession, qui feraient exploser le déficit du gouvernement, provoquant même une crise. Cela, sans compter que Donald Trump veut déréglementer de nouveau le système financier, ce qui amènerait les banques à multiplier les risques qu'elles prennent. Le président désigné n'a rien appris de la crise financière de 2008, alors que les banques ont été secourues par l'État.

Autres promesses irresponsables, les mesures protectionnistes feraient monter les coûts dans toute la chaîne de production manufacturière et seraient refilées aux consommateurs, ce qui créerait une inflation généralisée et rendrait l'économie américaine moins concurrentielle.

Au lieu de produire les bénéfices qui ont été vendus à la population, le virage protectionniste de Trump créerait l'effet contraire, ce qui alimenterait la déception et le cynisme.

À cause de l'argent qu'il injecterait dans l'économie, le programme de Donald Trump aurait un effet positif à court terme. Mais il serait désastreux à long terme, car il mènerait à la disparition de millions d'emplois et affaiblirait l'économie. Heureusement, le Congrès a le pouvoir ramener le futur président à la raison.

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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