Le libre-échange avec l’Europe vu par Jean Charest

Publié le 18/10/2013 à 15:25, mis à jour le 18/10/2013 à 15:52

Le libre-échange avec l’Europe vu par Jean Charest

Publié le 18/10/2013 à 15:25, mis à jour le 18/10/2013 à 15:52

Par Suzanne Dansereau

L’ex-premier ministre du Québec a été à l’origine de l’entente de libre-échange que le Canada vient de signer avec l’Union européenne. C’est lui qui a parti le bal en 2007, à Davos. En entrevue aux AFFAIRES.COM, Jean Charest raconte la petite histoire de ce traité et en analyse les impacts pour le Québec et le reste du Canada.

 

Quel rôle avez-vous joué dans la gestation de cette entente?

Cela remonte à décembre 2006. Le Canada et l’Europe essayaient de négocier une entente sur l’investissement mais cela n’allait nulle part. A l’occasion d’une rencontre avec Perrin Beatty (pdg de la Chambre de commerce du Canada) Dan Gagné (vice-président de Alcan) et d’un patron de Bombardier, on a discuté de cette question que j’ai ensuite soulevée au Forum de Davos auprès du commissaire au commerce de la commission européenne, le britannique Peter Mandelson. Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce genre de dossier doit être porté par un leadership politique. Sinon, cela ne lève pas. C’est comme l’entente France-Québec: c’est parce que (le président Nicolas)Sarkozy prenait mes appels et réglait les choses dans l’heure que cela a fonctionné. Et vous voyez maintenant que c’est parce que Stephen Harper l’a pris en main que l’entente de libre-échange aboutit. Un autre facteur important qui a joué, c’est l’implication des provinces. Peter Mandelson connaissait bien le fédéralisme canadien, et il m’a dit: OK, à condition d’avoir les provinces à la table. Je m’en suis chargé. C’est la première fois que les provinces ont été impliquées et de cela, je suis particulièrement fier. Car c’est une avancée politique majeure.

 

Quel était l’intérêt des Européens?

Ils voulaient négocier des ententes «nouvelle génération» avec des pays émergents. J’ai fait valoir à Peter Mandelson qu’une entente avec le Canada serait plus facile, à cause de nos valeurs communes. Et que cela leur permettrait de se pratiquer en vue d’une entente avec les États-Unis, qui à l’époque n’était pas à l’ordre du jour mais qui est arrivée plus vite que je ne le pensais.

 

Vous avez déjà dit d’ailleurs qu’il fallait se dépêcher pour signer une entente avant que ne commencent les négociations avec les États-Unis. Pourquoi?

Parce qu’il fallait éviter d’être mis de côté et inclus dans une entente à trois, où on aurait perdu de l’influence. Déjà, l’éventualité d’un traité avec les États-Unis a contaminé nos pourparlers dans le dossier agricole: les Européens avaient peur de nous ouvrir leur marché parce qu’ils ne voulaient pas donner ce traitement aux Américains. Mais on s’en est bien tirés finalement et le «shutdown» aux États-Unis nous a aidés. Le gouvernement étant devenu inopérant, cela a ralenti le dossier du libre-échange Etats-Unis-Europe.

 

L’entente n’est pas encore finalisée en ce qui concerne la propriété intellectuelle, qui est un gros morceau. On parle d’étendre la portée des brevets de quelques années, ce qui va se traduire par des prix plus chers pour nos médicaments.Quel est votre point de vue sur ce sujet?

Sur cette question, les intérêts canadiens se partagent. Mais c’est bon pour le Québec car c’est ici que l’industrie des médicaments brevetés se trouve. Le prolongement des brevets va encourager la création de médicaments et cela pourrait se traduire par plus de R&D. En Ontario, c’est moins bon parce que c’est là qu’est l’industrie du générique.

Mais de toutes façons, l’Europe n’est pas la seule à faire pression sur nous pour étendre la protection de la propriété intellectuelle. Les États-Unis aussi nous le demandaient.

 

Quels autres secteurs forts au Québec l’entente va-t-elle aider?

Le manufacturier, qui est important dans notre PIB. L’aluminium en production primaire. L’industrie du porc. Les firmes d’ingénierie et autres, grâce à l’ouverture des marchés publics. Mais de façon plus générale, l’entente va permettre au Québec de consolider sa position de porte d’entrée au Canada, dont l’attractivité va augmenter comme lieu d’investissement. On ne représente que 3% du PIB mondial, et on a entre les mains une entente de libre-échange avec l’Europe et une avec l’Amérique. Les États-Unis et l’Europe comptent pour 45% du PIB mondial. Il y a ici un enjeu géopolitique important et c’est enjeu c’est: qui va déterminer les règles du jeu du commerce mondial. Cela n’a pas échappé aux Européens.

 

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