Le dilemme indien d'Alcan

Publié le 14/04/2007 à 13:53

Le dilemme indien d'Alcan

Publié le 14/04/2007 à 13:53

Par lesaffaires.com

Rayagada (Orissa), Inde - Laba Nayak ne connaît pas Alcan. Il ne sait pas que le magazine Fortune la place en tête des sociétés les plus admirées de l'industrie des métaux, et que le Forum de Davos l'a classée parmi les 100 championnes du développement durable.

M. Nayak ignore aussi qu'Alcan est actionnaire à 45 % d'Utkal Alumina International Limited (UAIL).

Ce qu'il sait, par contre, c'est qu'UAIL a pris sa terre et rasé au bulldozer son village pour répondre aux besoins d'une société de consommation à laquelle il ne participera vraisemblablement jamais.

"Quand l'usine sera construite, la poussière va nous envahir, raconte-t-il dans sa langue maternelle, l'oriya. J'ai peur que l'air ne soit plus respirable".

Car c'est avec du charbon qu'UAIL compte alimenter la puissante raffinerie, qui doit transformer entre 3 et 8,5 millions de tonnes de bauxite en 1 à 3 millions de tonnes d'alumine par année. Au départ, le projet, évalué à 1 G $, un million de tonnes de bauxite par année mais les AFFAIRES a appris qu'UAIL demande maintenant l'autorisation de tripler sa capacité.

L'exploitation de cette mine serait hyper rentable pour UAIL. Dans son numéro du 15 avril 2005, le magazine scientifique Down To Earth calcule un rendement de l'investissement de 6 000 % (sur 23 ans et sur la base du prix de 85 $ US la tonne d'alumine).

Alcan affirme que ce projet a reçu l'appui de la majorité des résidents locaux, dont celui de M. Nayak, qui habitait Kendukhunti, l'un des trois villages devant être déplacés pour le projet. Il a reçu, en échange de son consentement, une maison et de l'argent.

"Je n'étais pas d'accord, affirme-t-il. Mais la police est venue, le percepteur était là, et il a fallu que je quitte ma maison."

Depuis un an, l'homme de 35 ans, père de cinq enfants, vit avec d'autres membres de la tribu Adivasi et de la caste des Dalits - des intouchables - dans une petite banlieue nommée Colonie RR, à moins de deux kilomètres du site minier. Elle comprend une centaine de petites maisons carrées, toutes peinturées jaune et roux, probablement plus solides que celles qu'elles remplacent.

"Ils nous ont promis une école, un centre communautaire, un hôpital et un parc. Mais nous n'avons rien eu encore", dit M. Nayak.

Erreur : il y a bien une école, mais pas d'enseignant pour la faire fonctionner. La terre ou la mine ? Laba Nayak a cédé sa terre de deux acres, sur laquelle il cultivait des céréales et élevait des vaches et des chèvres. Cette terre lui permettait de nourrir sa famille et de gagner, bon an mal an, dit-il, 15 000 roupies (400 $). En échange, on lui a promis 240 000 roupies (environ 6 500 $), une maison et un travail de journalier à six jours semaine qui lui donnera 18 000 roupies par an, pas beaucoup plus que ce qu'il gagnait nourri logé.

"Et bientôt, UAIL va me facturer l'électricité." Laba Nayak est inquiet.

Il ne sait pas combien de temps l'entreprise aura besoin de lui. Que lui arrivera-t-il après les trois ou quatre ans de construction ? Va-t-il s'ajouter à la longue liste des mendiants dans les bidonvilles de l'Inde ? Son neveu, lui, est plus chanceux. Jeune et doué, il a été sélectionné pour recevoir une formation technique. Le voisin de M. Nayak me prend à l'écart et raconte qu'il n'a même pas reçu de documents écrits pour prouver que la maison qu'il habite maintenant avec sa femme et leur bébé lui appartient. Et la rumeur veut que ces maisons serviront plutôt à héberger les travailleurs du chemin de fer. Le consentement et le dédommagement des populations touchées représente, avec l'impact environnemental, l'un des deux problèmes les plus importants dans ce genre de projet. Dans les deux cas, on ne s'entend pas sur le nombre de personnes touchées.

Et même pour ceux qui y deviennent admissibles, les dédommagements tardent. Il faut savoir que le dossier de l'Inde en matière d'expropriation et de réinstallation des populations est désastreux. Sur 30 millions d'habitant déplacés par les industries depuis l'indépendance du pays, les trois quarts attendraient encore d'être payés. Une mine de mécontents Le projet s'est heurté depuis le début à beaucoup de résistance. En décembre 2000, la police a abattu trois personnes et blessé plusieurs autres lors d'affrontements à Maikanch, un village situé non loin du site. Le projet a ensuite été mis sur la glace, et les travaux ont repris en 2005, après le consentement obtenu auprès des trois villages déplacés. Et encore, un autre village devait être déplacé, mais UAIL a refait ses plans devant l'impossibilité d'obtenir le consentement des habitants. Depuis, les rapports se multiplient pour condamner la façon dont la coentreprise, la police et les politiciens s'y sont pris dans ce projet.

L'un, publié en octobre 2006 par le tribunal indépendant Indian People Tribunal on Environment and Human Rights (IPT), affirme qu'une cinquantaine d'opposants auraient été arrêtés, blessés et emprisonnés depuis 2004. Pour faire taire les opposants ou obtenir le consentement des populations, on aurait eu recours à des raids policiers ainsi qu'à de l'intimidation, du harcèlement, des menaces et même des mises en état d'ébriété ! Les autorités locales auraient saoûlé des villageois pour obtenir leur signature. À Kucheipadar, le village qui a résisté, le militant Deba Ranjan, membre du PSSP, un groupe local voué à la protection des ressources naturelles, explique qu'il ne peut plus quitter son village pour assister à des assemblées publiques car la police a un mandat d'arrêt contre lui.

"Nous sommes 700 dans cette situation, dit-il aux AFFAIRES. Les accusations sont variées : incendie criminel, vol, tentative de meurtre, c'est leur tactique pour nous neutraliser."

Les rapports soulèvent aussi la question du bail minier. Un document qui serait inconstitutionnel puisque le site est situé sur des terres tribales protégées. Tant le rapport de l'IPT que celui de l'Assemblée législative de l'Orissa dénoncent le fait que l'étude d'impact environnemental du projet réalisée en 1995 n'ait jamais été rendue publique. Qui plus est, les autorisations gouvernementales obtenues sur la base de ce rapport n'étaient valides que pour cinq ans, si bien que UAIL serait en situation d'illégalité en ayant débuté les travaux de construction en 2005.

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