«La qualité de notre adaptation aux changements dépend de notre capacité à nous entraider»


Édition du 27 Octobre 2018

«La qualité de notre adaptation aux changements dépend de notre capacité à nous entraider»


Édition du 27 Octobre 2018

Par Diane Bérard

Sanjay Khanna, futurologue, conférencier et directeur du Whitespace Legal Collab au cabinet Baker McKenzie

Le Whitespace Legal Collab étudie les angles morts pour faciliter la prise de décision à long terme chez les dirigeants. Sanjay Khanna a aussi fondé la Resilient People Initiative, qui s'intéresse aux conséquences sociales et psychologiques des changements climatiques. Il sera conférencier à Montréal, le 13 novembre, à CINARS, la rencontre internationale des arts de la scène.

Diane Bérard - Vous avez été, entre autres, futurologue en résidence à l'Orchestre symphonique de Toronto, conseiller principal en stratégie au Bureau d'assurance du Canada et fondateur de la Resilient People Initiative. Quel est le fil conducteur de votre carrière ?

Sanjay Khanna - Je m'intéresse à la façon dont les individus, les organisations et la société composent avec le changement. Les conséquences des collisions entre les différentes tendances m'ont toujours préoccupé.

D.B. - Comme traqueur de tendances, le contenu de vos présentations a-t-il changé au fil des ans ?

S.K. - La majorité des tendances que nous observons aujourd'hui étaient présentes il y a plusieurs années. Les changements climatiques sont le meilleur exemple ; j'en parle depuis longtemps. La différence est qu'aujourd'hui, mon message intéresse les gens. Ironiquement, cet intérêt survient alors qu'il nous reste peu de marge de manoeuvre pour agir.

D.B. - Votre façon de présenter votre message a-t-elle évolué ?

S.K. - Parler du futur consiste à parler des risques qui s'annoncent. C'est menaçant, ce l'est encore plus quand les auditeurs sont stressés et inquiets. Or, le niveau de stress des individus et des organisations est plus élevé qu'il y a 10 ou 20 ans. Je m'adresse à des auditoires fragiles, je dois en tenir compte. L'erreur de plusieurs conférenciers consiste à énoncer froidement des réalités dont il paraît détaché. Que je parle de changements climatiques ou technologiques ou encore d'enjeux de santé mentale, je me montre aussi concerné et vulnérable que mon auditoire. Je me présente avec un script et je m'adapte au pouls de la salle. Quand on parle de l'avenir, on tient les émotions des gens dans nos mains. C'est vrai pour les citoyens autant que pour les conseils d'administration. Ceux-ci, par exemple, jonglent avec les modèles d'affaires émergents, les nouveaux comportements des consommateurs, la cybersécurité et les changements climatiques. Ils n'ont aucune idée de l'attention qu'ils devraient porter à chacun. Alors, ils ont tendance à ignorer ce qui semble le plus loin d'eux, soit le risque climatique.

D.B. - On imagine qu'il faut simplifier son message pour qu'il soit compris. Vous avez découvert qu'il faut plutôt l'enrichir.

S.K. - Lorsque vous parlez de l'avenir, vous voulez éviter que votre auditoire réagisse passivement. Or, j'ai réalisé que plus j'isole une tendance, moins les participants se sentent interpellés. Par contre, si je l'inclus dans un univers plus vaste, lié à d'autres influences, le degré d'attention grimpe. Parler uniquement de changements climatiques n'a pas le même impact que les lier à d'autres risques politiques et sociaux.

D.B. - À quoi sert de connaître les tendances ? Voilà des décennies qu'on annonce la baisse de la démographie. Pourtant les entreprises sont prises au dépourvu par la pénurie de main-d'oeuvre...

S.K. - Cette réaction illustre le manque de sagesse des humains en général. On s'intéresse surtout aux tendances pour voir comment en tirer un profit, pour vendre davantage, par exemple.

D.B. - Peut-on contrer cette attitude ?

S.K. - Il faut repérer quels individus, quels conseils d'administration, quelles entreprises écoutent, comprennent et ont le pouvoir d'agir. Devant le changement, certains individus et certaines organisations jouent le rôle de protecteur envers le reste du groupe. Ils montrent la voie.

D.B. - Parfois, on ne regarde pas assez loin devant...

S.K. - Il y a de ces choses que l'on peut prédire avec relativement de certitude. Puis, celles que seul un petit groupe de gens peuvent imaginer parce qu'ils se permettent de penser plus loin. Il faut que les bonnes personnes travaillent au bon moment sur le bon problème. Prenons le transport : la plupart d'entre nous se concentrent sur le carburant, soit le remplacement des énergies fossiles. Certains se soucient plutôt des infrastructures et de leur robustesse aux températures extrêmes qui se préparent.

D.B. - Vous parlez des quatre 100 %. De quoi s'agit-il ?

S.K. - Ce sont quatre tendances dont on est certain à 100 % qu'elles se manifesteront. Il s'agit de la réorganisation de l'économie, de la pression sur la santé mentale, de l'accélération du changement technologique et des changements climatiques et températures extrêmes.

D.B. - Peut-on toujours nous adapter aux tendances ?

S.K. - On peut s'adapter à peu près à tout, mais cela ne signifie pas qu'on s'en sort indemne. Il y a des limites à l'adaptation saine. Ce n'est pas parce qu'on s'adapte que notre bien-être est préservé. En fait, la qualité de notre adaptation aux changements dépend de notre capacité à nous entraider les uns les autres. Faire reposer tout le fardeau de l'adaptation sur l'individu est trop lourd. Il faut mettre des ressources à son service.

D.B. - Par rapport aux bouleversements qu'entraînent les tendances, nous disposons d'amortisseurs. Quels sont-ils ?

S.K. - Ce sont les mécanismes formels et informels qui aident les individus et les organisations à affronter les émotions causées par les chocs systémiques. La nature et la culture sont des amortisseurs, tout comme les réseaux d'entraide et le sociofinancement. Les amortisseurs ramènent de la confiance dans le système. Cette confiance est essentielle pour nous permettre de croire que nous pourrons nous adapter aux changements qui s'imposent à nous.

D.B. - Les organisations peuvent-elles créer leurs propres amortisseurs ?

S.K. - Oui, c'est souhaitable. Mais il faut être cohérent. Le Financial Times avançait qu'au lieu d'implanter des programmes de méditation, de gestion du stress et de la santé mentale, certaines organisations devraient simplement vérifier si leurs employés ont trop de travail. Je ne dis pas que de tels programmes ne devraient pas exister, au contraire. Mais ils ne doivent pas servir à compenser une charge de travail démesurée. Ces programmes devraient accompagner les employés dans les macrochocs du monde du travail et non ceux induits par leur employeur.

D.B. - Lorsque votre fils était au début de l'adolescence, vous lui avez dit que vous préfériez qu'il ait un A en amitié et un C dans ses matières académiques. Pourquoi ?

S.K. - En développant tôt sa capacité à entretenir des relations saines avec les autres, mon fils a pu ensuite se concentrer sur ses matières académiques. L'intelligence sociale et émotionnelle nous permet de relever les autres défis. Elle développe notre esprit d'ouverture et notre sagesse.

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