La candidature de PKP accentue l'aspect référendaire de l'élection


Édition du 15 Mars 2014

La candidature de PKP accentue l'aspect référendaire de l'élection


Édition du 15 Mars 2014

Ceux qui doutaient que l'enjeu des prochaines élections n'était pas l'indépendance du Québec ont eu leur réponse.

C'est pour «faire du Québec un pays», a déclaré le nouveau candidat du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, afin d'expliquer sa décision. Il rejoint plusieurs autres candidats péquistes qui ont pris le même engagement. Cette candidature confirme que l'indépendance du Québec est le lien qui unit tous les péquistes, qu'ils soient des militants de gauche, des radicaux, des idéologues, des idéalistes, des gens de droite ou des personnes fortunées.

Les citoyens aimeraient entendre parler d'économie, de finances publiques, de fiscalité, d'entrepreneuriat, d'innovation, de productivité, de santé, d'éducation, etc., autant de domaines où il est urgent de trouver des solutions.

Or, à voir l'accueil favorable qu'a reçu le roi du lock-out (PKP en a compté 14, selon la FTQ) par des syndicalistes de gauche (Marc Laviolette, Claudette Carbonneau) et des ex-journalistes ayant eu à en découdre avec lui (Pierre Duchesne, Jean-François Lisée, Alexis Deschênes, Dominique Payette), il est clair que les convictions du passé ont pris le bord pour la mère de toutes les causes, l'indépendance du Québec.

Ce contexte amènera bien des électeurs à se poser la question suivante : «Suis-je disposé à voter pour un parti qui veut une majorité de sièges pour lancer le processus qui conduira à un référendum sur l'indépendance du Québec ?»

Bien entendu, Pauline Marois ne veut pas discuter de sa stratégie à ce sujet, si ce n'est pour dire qu'elle consultera les Québécois. Cette prudence et ce manque de transparence s'expliquent en partie par le fait que l'option indépendantiste ne recueille que 40 % d'appuis et qu'un troisième échec référendaire serait catastrophique pour ce projet. On peut toutefois être sûr qu'un gouvernement péquiste majoritaire prendra tous les moyens possibles pour faire monter la sauce : études, escarmouches avec le fédéral, référendums d'initiatives populaires, etc.

Une élection non justifiée

C'est en vertu de sondages d'opinion favorables à son parti que Pauline Marois a demandé la dissolution de l'Assemblée nationale, bien que son gouvernement ait fait voter le principe de la tenue d'élections à date fixe. Ce n'est pas parce qu'elle ne pouvait pas gouverner. Au contraire, son gouvernement n'a pas vraiment voulu faire de compromis avec la Coalition Avenir Québec (CAQ) sur le projet de loi 14 sur le renforcement de la Charte de la langue française, ni sur le projet de loi 60 sur la laïcité de l'État. Le projet de loi 14 a été mis de côté malgré une ouverture significative à des amendements de la part de la CAQ. Pour sa part, le ministre Bernard Drainville a statué dès le départ qu'il n'était pas question de diluer sa charte sur la laïcité. Il a ensuite concédé certains amendements, mais c'était pour la rendre plus contraignante pour les universités, les hôpitaux et les municipalités.

Quant au dernier budget du ministre des Finances, on n'en a même pas débattu. Le chef de la CAQ, François Legault, a avancé des pistes de solutions pour atténuer le déficit budgétaire, mais Nicolas Marceau a fait la sourde oreille.

Ces refus avaient pour but d'appuyer la stratégie du gouvernement : aller en élections sur la question identitaire et sa carte maîtresse, l'interdiction du port de vêtements et de signes religieux ostentatoires dans la fonction publique, les services municipaux, les universités, les cégeps, les écoles, les garderies, les établissements de santé et autres organismes, aux dépens de salariés sans pouvoir d'autorité et qui, dans certains cas, ne sont même pas des fonctionnaires.

Non seulement ce projet discriminatoire divise les Québécois, accroît l'intolérance, nuit à l'intégration sociale des personnes affichant un signe religieux et les privera même d'un emploi, mais voilà que la campagne risque aussi de polariser l'électorat sur la question nationale et de l'amener à choisir soit le camp fédéraliste, représenté par le Parti libéral, soit le camp indépendantiste, représenté surtout par le PQ.

Au-delà du rêve d'un nouveau pays, ce choix requiert une réflexion sur les risques de l'indépendance, en partant par exemple du fait que le Québec (le gouvernement, les personnes, les entreprises, les universités, etc.) a reçu du fédéral en subventions, péréquation, prestations diverses, etc. 16 milliards de plus en 2012 que tout ce que le fédéral a perçu au Québec (impôts, taxes, droits, etc.).

L'indépendance du Québec signifierait aussi que le nouvel État devrait assumer sa part de la dette fédérale, soit environ 125 G$. En ajoutant cette part à sa propre dette (198 G$), un Québec souverain se retrouverait avec un endettement qui équivaudrait à environ 90 % de son produit intérieur brut. Cela pourrait amener les investisseurs à exiger un taux d'intérêt plus élevé pour financer la dette québécoise.

Ajoutez à cela les négociations longues et pénibles par lesquelles il faudrait passer pour casser le Canada en deux, et vous avez la recette d'une longue période d'instabilité.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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