La Caisse de dépôt influera sur la gouvernance de Bombardier


Édition du 28 Novembre 2015

La Caisse de dépôt influera sur la gouvernance de Bombardier


Édition du 28 Novembre 2015

L'investissement de deux milliards de dollars qu'elle fera dans Bombardier Transport (BT) et les conditions qui y sont liées permettront à la Caisse de dépôt et placement du Québec d'influer sur la gouvernance et l'avenir de la société contrôlée par les familles Bombardier et Beaudoin.

La Caisse détient près de 50 millions d'actions de Bombardier, mais elle ne s'est jamais mêlée de sa gouvernance. Il est clair toutefois qu'elle est mécontente du rendement obtenu sur son placement. Sans remettre en cause la structure du capital de Bombardier, la Caisse a su utiliser le levier fourni par cette occasion d'investir dans BT pour exiger une meilleure performance financière de l'entreprise familiale.

Grâce aux 85 % des actions à six droits de vote qu'elles possèdent, les familles Bombardier et Beaudoin exercent 53,5 % des droits de vote de la société tout en ne possédant que 13,7 % de son capital-actions. Si le gouvernement du Québec exerce les 200 millions de bons de souscription acquis lors de son investissement de 1,3 G$ dans le programme CSeries et si la Caisse exerce les 105,85 millions de bons de souscription qu'elle recevra à la suite de son investissement dans BT, les familles Bombardier et Beaudoin auront 12 % des actions participantes de leur société et 50,5 % des droits de vote qui leur sont rattachés. Les familles garderont leur contrôle, mais celui-ci deviendra plus ténu à chaque transaction.

Le gros bout du bâton pour la Caisse

Lors de l'annonce de l'obtention par Bombardier de 1,3 G$ en contrepartie de la vente à Québec de 49 % du programme CSeries, on savait que la société avait encore besoin de 2 G$ pour mener à bien le développement de ce programme et celui des avions d'affaires Global 7000 et 8000. C'est fait avec l'investissement de la Caisse. Au terme de ces deux transactions, Bombardier disposera de 8,5 G$ de liquidités. C'est rassurant.

Autre avantage, elle n'a pas eu à faire un appel public à l'épargne pour BT. Elle a pu aussi éviter une transaction avec des concurrents, notamment la Chine, ce qui aurait changé complètement ses perspectives de croissance.

Contrainte pour contrainte, Bombardier a préféré avec raison l'offre de la Caisse. Cette dernière acquerra 30 % des actions privilégiées convertibles d'une nouvelle société, BT Holdco (BTH), qui détiendra tous les actifs de BT. Elle obtiendra trois des sept sièges du conseil de BTH et sera consultée sur le successeur d'Alain Bellemare à la présidence du conseil de celle-ci, de même que sur la nomination des prochains administrateurs indépendants de Bombardier inc., dont le conseil sera renouvelé prochainement. La Caisse aura aussi son mot à dire sur le budget de BTH, son plan stratégique, la rémunération de son chef de la direction, les régimes d'intéressement, les dividendes, les achats d'actions, la vente d'actifs, les émissions de titres d'emprunt et d'actions et certaines autres décisions. C'est un pouvoir d'intervention majeur.

Les actions privilégiées de BTH acquises par la Caisse seront convertibles en 30 % d'actions ordinaires de celle-ci. Le rendement minimum visé sur ces actions privilégiées sera de 9,5 % composé sur trois ans, mais celui-ci sera versé en actions de BTH lors de la conversion, ce qui permettra à l'entreprise de conserver ses liquidités.

La transaction prévoit des objectifs de performance pour BTH, ce qui est très judicieux compte tenu du faible taux de rentabilité de BT. Si BTH dépasse les objectifs qui lui seront fixés, la participation de la Caisse au moment de la conversion et son rendement annuel pourront baisser jusqu'à un seuil de 25 % et de 7,5 %, respectivement. Si, au contraire, BTH n'atteint pas ses cibles de performance, la participation de la Caisse et son rendement annuel pourront s'accroître jusqu'à des maximums de 42,5 % et de 12 % après cinq ans.

Autre garantie obtenue par la Caisse : si Bombardier inc. n'arrive pas à maintenir un seuil de liquidités de 1,6 G$, son conseil d'administration devra créer un comité des initiatives spéciales formé de trois administrateurs indépendants, dont le choix devra avoir obtenu l'aval de la Caisse. Ce comité aura comme mandat d'élaborer un plan pour rétablir les liquidités et de surveiller la réalisation de celui-ci.

Cet investissement confirme la stratégie de la Caisse d'accompagner de façon importante le développement de sociétés québécoises qui se déploient à l'étranger, comme elle l'a fait avec CGI et WSP.

Certes, cette transaction innovante apporte à Bombardier les liquidités dont elle avait besoin, mais elle est également restructurante pour BT. Grâce au réservoir de capital de la Caisse, BT pourra plus facilement participer à la consolidation de son industrie, laquelle sert un marché en très forte expansion. De plus, BTH sera en meilleure position pour profiter du boom des investissements dans les infrastructures de transport, domaine auquel s'intéresse la Caisse.

J'aime

Taxelco, la société créée par l'entrepreneur Alexandre Taillefer pour développer l'industrie du taxi électrique à Montréal, vient de lancer 50 taxis électriques dans les rues de Montréal. L'objectif est d'avoir 1 000 véhicules de ce type en 2017 et 2 000 en 2020. Taxelco innove aussi avec un modèle d'entreprise utilisant des technologies de télécommunications mobiles sophistiquées et des tarifs variables. Il sera intéressant de voir si ce modèle pourra résister à l'assaut d'Uber qui, elle aussi, arrive avec un nouveau modèle.

Je n'aime pas

On n'arrête pas de s'étonner des erreurs de gouvernance, même dans des organisations liées à de grandes institutions. Le quotidien The Gazette vient de nous apprendre que le Centre universitaire de santé McGill a englouti 5,3 M $ pour couvrir le déficit d'un immeuble qu'avait acquis la Fondation de l'Hôpital Royal Victoria. Une autre aventure qui a mal tourné à l'époque de l'ineffable Dr Arthur Porter.

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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