Innovation : la balle est dans le camp des manufacturiers


Édition du 23 Avril 2016

Innovation : la balle est dans le camp des manufacturiers


Édition du 23 Avril 2016

[Photo : Shutterstock]

Le chiffre impressionne : 500 millions de dollars en trois ans. Voilà la somme qu'Investissement Québec (IQ) et son Fonds de développement économique consacreront pour propulser l'innovation au sein du secteur manufacturier québécois.

Cet engagement a été annoncé en même temps qu'ont été publiés les plans stratégiques du ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation (MESI) et d'Investissement Québec, de même que le plan de développement du Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ). Ces plans couvrent la période de 2016 à 2019. Ils ne prévoient pas de fonds supplémentaires pour le ministère ni pour le CRIQ, dont le budget annuel continuera d'avoisiner les 32 M$. De ce montant, environ 14 M$ viennent du gouvernement.

Ces plans visent à renforcer le secteur manufacturier québécois, qui comptait pour 14,6 % du produit intérieur brut du Québec en 2014, comparativement à 21 % en 2000, et de le rendre plus productif et plus concurrentiel face aux entreprises étrangères. Certaines grandes sociétés établies au Québec, telles Bombardier, CAE et Pratt & Whitney, investissent déjà beaucoup en recherche et développement. Par contre, de nombreuses PME manufacturières n'ont pas le même appétit pour le risque et dépensent peu en innovation, en nouveaux équipements et en nouveaux procédés. Elles freinent ainsi la croissance de leurs revenus, surtout à l'exportation, et deviennent plus vulnérables.

Selon son plan stratégique, l'IQ prévoit consacrer annuellement au moins 275 M$ d'ici 2019 pour appuyer financièrement des projets issus du secteur manufacturier. Les entreprises oeuvrant dans les nouvelles technologies (sciences de la vie, aérospatiale, environnement, etc.) seront surtout visées, mais on compte aussi appuyer davantage les PME en région. IQ promet aussi de faire davantage de démarchage, d'être plus flexible et mieux disposée face au risque.

Cette démarche est partagée par le CRIQ, qui veut promouvoir davantage ses services en matière d'automatisation, de robotique, d'intelligence technologique, de bioénergies, de biomatériaux, de bioproduits et de technologies 3D. Ce sont autant de domaines susceptibles d'accroître la productivité des entreprises et de fournir de nouvelles occasions d'affaires au pays et dans les marchés étrangers.

Les plans d'action déployés par le MESI, IQ et le CRIQ devraient contribuer à diversifier les économies régionales, à rehausser les compétences des gestionnaires et des travailleurs, et à développer l'entrepreneuriat qui a toujours besoin d'être stimulé. Ces objectifs complètent les autres stratégies du gouvernement : le Plan Nord, la stratégie maritime et le développement des coopératives - un secteur prometteur, notamment pour faciliter les transferts de propriété au sein des PME.

D'autres mesures découleront peut-être des plans annoncés, qui semblent négliger le soutien à la commercialisation ici et à l'étranger. Il s'agit d'un important vecteur de croissance des PME, qui manquent souvent de liquidités à cette fin.

En attente d'une stratégie numérique

Ces plans n'incluent pas non plus la stratégie numérique promise par le premier ministre Couillard lors la nomination de Dominique Anglade à la tête du MESI. Ingénieure industrielle, MBA, ancienne consultante au sein de McKinsey et ancienne présidente de Montréal International, Mme Anglade paraît tout à fait qualifiée pour amener le gouvernement à réfléchir sur les enjeux de société liés à l'économie numérique et à définir sa vision face à l'explosion de ces technologies. Du coup, elle aidera le gouvernement à établir des politiques qui nous permettront à la fois de profiter de l'essor des technologies et de nous protéger contre leur envahissement parfois dérangeant.

Le contexte nécessite une façon de faire dynamique, mais prudente. La situation appelle aussi une certaine urgence d'agir, comme on peut le constater par les échecs répétés subis dans le développement du dossier informatisé des patients, le bordel qui s'est installé dans les industries du taxi et de l'hébergement depuis qu'Uber et Airbnb y ont lancé des entreprises fonctionnant au noir (pas de permis, pas d'assurance, pas de perception de taxes) ainsi que la croissance du commerce électronique hors frontières, qui échappe lui aussi au fisc.

Non seulement les technologies numériques seront de plus en plus présentes dans de nombreuses industries, mais elles continueront aussi d'imposer de nouveaux modèles d'entreprises et d'échanges, et de modifier nos façons de produire, de travailler et de communiquer.

Au-delà de son impact économique et commercial, l'économie numérique amène aussi des enjeux importants sur les plans de la protection de la vie privée et de la sécurité publique.

Au lieu d'en être des victimes, comme l'indiquent la passivité et l'indécision de l'État face à l'implantation d'Uber, nous devons maîtriser ces nouvelles technologies et voir à ce qu'elles servent nos besoins.

Voilà un défi qui demande une réflexion approfondie, qui exigera un plan d'action décisif et qui requerra de la clairvoyance et de la détermination.

J'aime

Un groupe dont fait partie Pierre Delagrave, cofondateur de l'agence Cossette, a lancé une campagne de sociofinancement sur la plateforme La Ruche pour tenter de sauver la clinique SABSA, de Québec, que le ministre Gaétan Barrette refuse de subventionner. Cette petite clinique sans médecin sert 1 500 clients souvent marginaux. Dirigée par une superinfirmière, la clinique ne correspond pas aux modèles (CLSC, groupes de médecine de famille) reconnus par le ministre.

Je n'aime pas

Revenu Québec a réduit les délais de traitement des demandes de crédits d'impôt à la R-D des entreprises, mais il continue de verser ces montants attendus beaucoup plus lentement que l'Agence du revenu du Canada. La situation est particulièrement critique pour les PME qui versent des taux de 8 % et plus sur leur marge de crédit pour payer leurs employés.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

Blogues similaires

Apprendre à tourner la page

Édition du 20 Janvier 2021 | Olivier Schmouker

CHRONIQUE. J’ ai une grande nouvelle que j’ai annoncée déjà il y a quelques jours sur notre site web.