Infrastructures : attention, la hâte est mauvaise conseillère


Édition du 30 Janvier 2016

Infrastructures : attention, la hâte est mauvaise conseillère


Édition du 30 Janvier 2016

De nombreux Canadiens semblent en proie à un sentiment de panique. La Bourse va mal, le prix du pétrole est en chute, l'Alberta et la Saskatchewan s'impatientent devant l'opposition aux projets d'oléoducs qui leur permettraient d'exporter leur pétrole.

Plusieurs Canadiens ne comprennent pas la volonté du Parti libéral du Canada et du gouvernement Trudeau de retirer les CF-18 dans la guerre contre l'État islamique en Syrie et en Iraq. La tragédie survenue au Burkina Faso a fait monter l'émotion d'un cran. Le fait que le mari d'une victime a raccroché le téléphone au nez de Justin Trudeau (un geste théâtral excessif) a fait les manchettes dans tout le pays.

Certains ont vu du mépris dans la déclaration du premier ministre, à Davos, lorsqu'il a affirmé en substance que le Canada n'était pas seulement un pays de ressources et que sa croissance et sa prospérité reposaient aussi sur sa matière grise. N'est-ce pas ce que nous sommes et surtout ce que nous voulons être, soit un pays qui compte sur l'économie du savoir, la science et les nouvelles technologies pour assurer sa prospérité ? Ridiculiser une telle déclaration, c'est à la fois manquer de vision et paniquer devant la perte d'importance des matières premières.

Après l'euphorie de la victoire électorale, le vent de fraîcheur qui a soufflé sur le pays et la lune de miel qui a suivi, le gouvernement Trudeau est maintenant plongé dans la realpolitik. Il y a des enjeux complexes à clarifier (le rôle du Canada dans la lutte au terrorisme, le projet d'oléoduc Énergie Est, la demande d'aide de 1,3 milliard de dollars de Bombardier, l'amélioration de l'assurance emploi, la réforme du mode de scrutin, la loi à venir sur l'aide médicale à mourir), des engagements électoraux à oublier et des déceptions à gérer pour des clientèles qui ont cru aux promesses irréalistes faites pendant la campagne électorale.

Certes, le Parti libéral a été élu en bonne partie en raison de sa plateforme, mais les Canadiens voulaient surtout se débarrasser du gouvernement Harper. Ils ont choisi le parti et le chef qui représentaient le mieux le changement. Ils doivent maintenant assumer leur choix et accepter que le gouvernement renonce à certains engagements. À la défense de celui-ci, reconnaissons que le contexte a beaucoup changé depuis l'élection : intensification du terrorisme, impact majeur de l'effondrement du prix du pétrole sur les finances publiques, déconfiture du dollar canadien et volatilité des marchés financiers.

Ne paniquons pas

La panique qui a gagné l'Alberta et la Saskatchewan a amené certains de leurs leaders politiques à réclamer d'urgence que des investissements de 1 G$ en infrastructures soient rapidement autorisés dans leurs provinces, ce à quoi le gouvernement Trudeau aurait rapidement acquiescé.

Pourtant, rien ne justifie cette précipitation. La Saskatchewan et l'Alberta ont perdu des emplois, mais leur taux de chômage était de 5,5 % et de 7 % respectivement en décembre dernier, comparativement à 7,1 % dans l'ensemble du pays (7,8 % au Québec). ll est vrai que les investissements sont en forte baisse dans les provinces productrices de pétrole, mais ils le sont tout autant dans l'industrie minière au Québec.

Prudence dans les infrastructures

Le Parti libéral a promis d'ajouter 60 G$ aux 65 G$ d'investissements dans les infrastructures que le gouvernement Harper avait promis pour les 10 prochaines années.

Plusieurs faits militent en faveur de cet effort : le taux de croissance économique est faible (+ 1,4 % en termes réels en 2016 et +2,4 % en 2017, selon la Banque du Canada) ; le loyer de l'argent est très bas ; nos infrastructures sont vieilles ; ces investissements produisent des retombées à court terme (1 $ d'investissement équivaut à 1 $ de croissance du PIB) à cause des salaires et des intrants qui profitent en grande partie à l'économie locale.

Le gouvernement pourrait aussi se permettre des déficits de 10, 15 ou même 20 G$ pendant quelques années sans modifier vraiment le ratio de la dette fédérale sur le PIB (31 % actuellement). Il devra toutefois se monter très prudent, puisque Ottawa subira l'impact de la baisse des profits des sociétés exploitant des ressources.

Par contre, il n'y a pas lieu de se précipiter. Il y a toujours de la croissance économique au Canada. Les États-Unis, notre principal partenaire commercial, sont aussi en croissance. Le dollar canadien, qui est à 0,70 $ US, favorisera les exportations et le tourisme en provenance de l'étranger, mais il découragera les voyages des Canadiens à l'extérieur, ce qui aidera notre économie.

Oui aux dépenses d'infrastructures, mais lesquelles ? Par exemple, des investissements qui accéléreraient le transport des personnes et des marchandises, et qui ainsi accroîtraient la productivité, auraient un impact à moyen et à long terme sur l'économie. Construire un amphithéâtre pour une équipe de hockey n'aurait pas les mêmes retombées.

Ottawa devra évaluer très sérieusement les coûts et les bénéfices des projets d'infrastructures que lui présenteront les provinces, sélectionner les projets les plus structurants pour l'économie. Il devra notamment résister aux lobbies plus ou moins partisans qui s'abattront sur ses ministres comme des oiseaux rapaces sur des proies sans défense.

J'aime

PSA Peugeot Citroën, Exagon Motors, Investissement Québec et Hydro-Québec partageront leur expertise dans le domaine des véhicules électriques. Le groupe réalisera une étude de préfaisabilité de 30,8 M$, qui pourrait mener au développement de composants pour véhicules électriques de haute performance. PSA Peugeot Citroën a aussi indiqué que, si elle décidait de s'engager dans la construction d'une voiture électrique, celle-ci pourrait être assemblée au Québec.

Je n'aime pas

Dur coup pour la presse quotidienne. Postmedia, qui a acheté l'an dernier les journaux de Sun Media, vient de fusionner les salles de rédaction de ses deux quotidiens des quatre villes suivantes : Ottawa, Vancouver, Edmonton et Calgary. Du même coup, 90 journalistes ont été mis à pied. À quand les fusions de ces quotidiens dans chacune de ces villes ?

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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