Frais accessoires : le fédéral rappelle enfin le Québec à l'ordre


Édition du 24 Septembre 2016

Frais accessoires : le fédéral rappelle enfin le Québec à l'ordre


Édition du 24 Septembre 2016

[Photo : Shutterstock]

On sait maintenant que ce n'est pas par grandeur d'âme que le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Gaétan Barrette, a annoncé l'abolition des frais accessoires relativement à des services rendus en cabinet par des omnipraticiens et des spécialistes.

En réalité, le Québec a été forcé par le gouvernement canadien d'abolir ces frais facturés aux patients pour divers éléments tels que des médicaments et agents anesthésiants, certains pansements, etc. C'est ce qu'indique une lettre de la ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, révélée par La Presse, qui enjoint à son homologue québécois de les abolir, à défaut de quoi les transferts fédéraux en santé seront réduits d'autant. De son côté, la ministre fédérale se devait de réagir face à la requête en mandamus que l'avocat Jean-Pierre Ménard lui avait adressée en mai au nom de 19 organismes du Québec.

Présentée à la Cour fédérale, cette requête visait à obtenir une ordonnance qui obligerait la ministre fédérale de la Santé à empêcher la surfacturation des frais accessoires exigés par les médecins du Québec en réduisant du même montant les transferts fédéraux au système de santé du Québec. Selon M. Ménard, ces frais accessoires sont illégaux en vertu de la Loi canadienne sur la santé, parce qu'ils sont exigés à l'égard de services assurés par le système public.

Ces frais, qui existent depuis plus de 10 ans et qui ne cessent de croître, ont aussi été dénoncés par la protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, et la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc. Chaque fois, le ministre Gaétan Barrette a expliqué qu'il allait non pas les abolir, mais les encadrer. Il a même déclaré dans une entrevue au quotidien Le Devoir qu'on devait cesser d'être hypocrite, puisque ce phénomène était accepté par la population.

On ne connaît pas le total de ces frais. Le ministre a déjà indiqué 50 millions de dollars par année, tandis que Jean-Pierre Ménard a mentionné le chiffre de 70 M$. Le 15 septembre, Gaétan Barrette a avancé le chiffre de 83 M$, soit 65 M$ exigés par les spécialistes et 18 M$ par les omnipraticiens. Il y a quelques jours, il a dit qu'il n'avait pas de données à transmettre au fédéral, tel que lui a demandé la ministre Philpott de le faire, d'ici au 31 décembre 2016. Le fait que celle-ci ait fixé ce délai indique que sa demande est très sérieuse, d'où l'annonce du ministre Barrette neuf jours seulement après la réception de la lettre de son homologue.

Québec devra obtempérer

Gaétan Barrette réplique qu'il ne s'en laissera pas imposer, mais il est clair qu'il devra obtempérer. La population québécoise en a assez de ces frais qui pourraient se révéler excessifs si, comme le dit le ministre, les coûts réels des médecins étaient plutôt «de 10 à 13 M$ au maximum». Les gens en ont aussi contre la rémunération des médecins, et surtout celle des spécialistes, qui a connu une forte hausse ces dernières années, à un moment où les gouvernements réduisent les services rendus à la population. Cela, sans compter le fait que les médecins pourraient bénéficier d'une hausse de leur rémunération de 5,25 %, comme le prévoit une clause de leur entente. Celle-ci leur permettrait de bénéficier de la hausse de rémunération accordée aux employés du secteur public. Il y a toutefois une divergence de vues au sein du gouvernement Couillard quant à l'opportunité d'accorder cette hausse.

Il est assuré que certains frais accessoires se retrouveront éventuellement dans la rémunération des médecins et des spécialistes. Il appert en effet que certains actes seraient insuffisamment rémunérés, surtout s'ils requièrent des équipements coûteux pour les cabinets offrant des services spécialisés. Diane Francoeur, présidente de la Fédération des médecins spécialistes, a donné l'exemple d'une clinique qui a investi 1 M$ dans des équipements, mais qui n'obtient que 91 $ de la RAMQ pour un examen fait avec ces appareils, d'où l'exigence de frais accessoires de 237 $, ce qui semble légitime.

De l'agitation à prévoir

Trois négociations sont à la veille de s'amorcer dans le secteur de la santé :

1. Les fédérations de médecins veulent renouveler l'entente relative à leur rémunération. La question des frais accessoires vient de s'ajouter à la clause de parité («remorque») de 5,25 %.

2. Puisque les frais accessoires dépendent en partie des montants payés pour les actes médicaux et que les fédérations reçoivent des enveloppes qu'elles doivent allouer selon les disciplines et les actes posés, il s'ensuivra des négociations entre leurs membres.

3. Il y a aussi le renouvellement par Ottawa et les provinces de l'entente sur les transferts fédéraux. Ottawa voudrait limiter leur croissance future à 3 % par année, au lieu des 6 % en vigueur depuis 2004. Cette hausse semble d'autant plus insuffisante que les coûts de santé augmentent en raison du vieillissement de la population, un phénomène qui touche particulièrement le Québec.

Les provinces disposent de plusieurs arguments en leur faveur, mais Ottawa fait valoir que le système de distribution des soins, qui est géré par les provinces, est inefficace, un avis partagé par de nombreux experts, y compris des médecins.

J'aime

Le projet-pilote d'un an convenu entre le gouvernement du Québec et Uber est innovateur et contraignant. Uber devra percevoir la TPS et la TVQ et payer une redevance de 0,90 $ à 1,10 $ sur chaque course. Ses chauffeurs devront obtenir un permis 4C, détenir une assurance responsabilité et faire inspecter leur voiture.

Je n'aime pas

Selon Le Devoir, les programmes de formation des infirmières praticiennes spécialisées (IPS) sont prêts, mais les universités n'ont pas l'argent pour les dispenser. De plus, on refuse aux IPS de «prescrire pour la première fois» un traitement contre une maladie chronique (diabète, hypertension, etc.). Bref, le Québec est très en retard sur l'intégration des IPS dans son système de santé, ce qui permettrait pourtant de réduire ses coûts.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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