Financement des universités : innovant, mais insuffisant


Édition du 02 Juin 2018

Financement des universités : innovant, mais insuffisant


Édition du 02 Juin 2018

En 2022‑2023, les universités recevront 367 M$ de plus qu’en 2016‑2017. [Photo : 123RF]

La nouvelle politique québécoise de financement des universités fait preuve d'une certaine innovation, mais celles-ci continueront de tirer de l'arrière sur ce plan comparativement à leurs vis-à-vis des autres provinces, qui disposent de plus grandes ressources financières.

L'ensemble des 19 établissements universitaires bénéficieront d'un réinvestissement cumulatif de 1,5 milliard de dollars en six ans, soit d'un apport moyen de 11,3 % de 2016-2017 à 2022-2023. Pour les entités membres du réseau de l'Université du Québec (UQ), la hausse moyenne sera de 11,8 %. Cet écart s'explique par le fait que les cinq universités régionales du réseau de l'UQ et de Bishop's se partageront une enveloppe additionnelle de 38 M$ en raison de leur mission régionale. Compte tenu de leur impact dans leur milieu, c'est vraiment un minimum. Pour leur part, neuf grandes universités recevront une somme de 63 M$ en raison de leur mission particulière.

À terme, soit en 2022-2023, les universités recevront ainsi 367 M$ de plus qu'en 2016-2017. C'est 163 M$ de moins que le plan qu'avait annoncé le ministre Raymond Bachand dans son budget de 2011-2012 selon l'économiste Robert Lacroix, ex-recteur de l'Université de Montréal.

Le plan Bachand s'appuyait sur des études qui avaient démontré un sous-financement de 600 M$ à 800 M$ des universités québécoises par rapport aux ressources des autres universités canadiennes. Cette politique prévoyait un financement additionnel de 530 M$ et une aide aux étudiants de 116 M$. Mais, ô malheur ! ce plan demandait aussi un effort des étudiants dont les droits de scolarité devaient croître de 325 $ par année pendant cinq ans. Malheureusement, la colère des carrés rouges en a eu raison.

S'ensuivirent quatre années de compression et, bien entendu, le report aux calendes grecques de toute velléité d'en demander plus à nos chers étudiants, dont les droits sont, avec ceux de Terre-Neuve-et-Labrador, et de très loin, les plus bas du Canada. Nous voilà donc avec une nouvelle politique qui reconfirme que nos universités resteront parmi les moins bien financées du pays.

Le principe du financement en fonction du nombre d'étudiants, des disciplines offertes et des cycles d'études demeure, mais les universités pourront faire des arbitrages pour réallouer les ressources en fonction de leurs besoins et de leurs priorités. C'est une bonne démarche. On continue de reconnaître le bien-fondé des allocations pour des besoins spécifiques, mais on fait passer ces enveloppes de 31 à 17. C'est une simplification opportune.

Mandats stratégiques

La nouvelle politique propose des « mandats stratégiques », en vertu desquels les universités seront appelées à se donner des défis propres à leur mission, à établir des moyens de rencontrer les cibles fixées, à en rendre compte et à attester de la saine gestion des fonds qu'elles reçoivent.

On indique que ces mandats stratégiques « pourraient ouvrir la voie à un financement basé, du moins en partie, sur l'atteinte de cibles convenues entre le gouvernement et les universités ». C'est vraiment pertinent. La somme en jeu sera sans doute minime et il sera intéressant d'évaluer le courage du gouvernement quant à la mise en oeuvre de cette reddition de comptes.

Comme prévu, une fédération qui regroupe des professeurs d'université a dénoncé cet incitatif à la productivité, mais des dirigeants d'université l'ont accueilli favorablement. Ces mandats rappellent les défunts « contrats de performance » qu'avait tenté en vain d'introduire le gouvernement de Lucien Bouchard en 2001.

Étudiants étrangers

La nouvelle politique accorde beaucoup d'importance aux étudiants internationaux, un marché de 4,5 millions de personnes, dont les universités francophones ne profitent pas assez. Pour en attirer 2 500 de plus par année, on offrira aux universités une prime de 9 000 $ par étudiant pour attirer et retenir cette clientèle, qui retourne dans son pays d'origine dans une proportion de 75 %. Le Québec compte un peu plus de 30 000 étudiants internationaux et un peu plus de 14 000 provenant des autres provinces. En raison des droits de scolarité peu élevés qui leur sont imposés, cette clientèle représente un coût net de 394 M$ pour l'État même si ces droits sont déjà déréglementés pour les étudiants internationaux dans six disciplines (génie, informatique, mathématiques, sciences pures, droit, administration).

Pour bénéficier davantage de cette clientèle, Québec étendra cette déréglementation à toutes les disciplines. En revanche, les étudiants provenant des autres provinces, de la France et de la Belgique continueront de bénéficier de droits avantageux.

Par ailleurs, Québec a interdit certaines primes et autres avantages périphériques que reçoivent les hauts dirigeants des universités. Compte tenu de certains excès, cet encadrement était devenu nécessaire. Bravo !

 

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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