Si l'électricité coûtait plus cher durant le jour qu'en fin de soirée, les gens changeraient-ils leurs habitudes ? Il semble que oui, si l'on se fie à aux résultats d'une étude ontarienne qui pourrait avoir des répercussions jusqu'au Québec. Certains chiffres sont éloquents : la moyenne de réduction de la consommation d'électricité a été de 6 %, mais cette baisse de la demande lors des périodes de pointe a dépassé 20 % pour deux tiers des participants. Cette deuxième donnée est centrale à l'utilité de la modulation horaire, puisque le coût marginal de l'électricité est beaucoup plus important lors des périodes de pointe que durant la nuit, par exemple. Ainsi, s'il est intéressant de pouvoir réduire la consommation totale d'électricité, la réduction lors des périodes de très forte demande permet des économies très importantes. Dans le même sens, une meilleure gestion de la demande peut permettre d'éviter la construction de centrales électriques supplémentaires. Eric Pelletier, porte-parole de la Commission de l'énergie de l'Ontario, propose l'analogie suivante pour illustrer les deux avantages de cette approche : "Les gens peuvent déplacer leur consommation, en faisant fonctionner leur lave-vaisselle la nuit, par exemple. Les gens peuvent également réduire leur consommation en attendant que leur lave-vaisselle soit vraiment plein avant de le faire fonctionner", précise-t-il. Trois groupes et un aimant 375 clients résidentiels de la région d'Ottawa ont participé au projet pilote, qui a duré un an (de juin 2006 à juin 2007). Les anciens compteurs ont été remplacés par des compteurs dits intelligents, qui permettent au fournisseur de suivre beaucoup plus précisément et en direct la consommation des consommateurs individuels. Toutes les résidences ontariennes Trois groupes de 125 personnes ont été formés : le premier était soumis aux tarifs intelligents de base, l'autre était récompensé pour la baisse de sa demande lors des pointes par des rabais sur sa facture énergétique et le troisième était puni pour sa consommation lors des mêmes périodes. Plutôt que d'utiliser des panneaux électroniques permettant aux gens de visualiser en temps réel leur consommation et le prix de l'électricité, un aimant sur le réfrigérateur leur rappelait les tarifs selon les horaires. Les participants ont précisé avoir abondamment utilisé et apprécié cet outil. Un rapport détaillé de leur utilisation d'électricité selon les périodes était également envoyé aux clients une fois tous les deux mois. Les participants ont indiqué que cette fréquence était insuffisante et devrait être mensuelle. Des résultats positifs Les tarifs intelligents de base allaient de 3,5 ¢/kWh lors des périodes de faible demande (nuit et fin de semaine), jusqu'à 10,5 ¢/kWh lors des pointes (11h00 à 17h00 durant la semaine). Un tarif intermédiaire de 7,5 ¢/kWh s'appliquait le matin et le soir durant la semaine. Il est important de noter que l'Ontario est la seule province canadienne dont les pointes de demande en électricité les plus fortes sont l'été et non l'hiver. C'est ce qui explique pourquoi les pointes sont le jour, où la climatisation est la plus intense, et pourquoi des tarifs similaires mais un peu plus faible avaient cours en hiver durant le projet pilote. Le groupe profitant du rabais pouvait se voir rembourser jusqu'à 30 ¢/kWh durant les périodes de très forte demande, tandis que des pénalités équivalentes s'appliquaient au groupe exposé aux"sanctions". Il est intéressant de noter que le bâton a mieux fonctionné que la carotte afin de faire baisser la demande de pointe. Au cours de l'année, la réduction moyenne durant les périodes de pointe était de 5,7 % pour le groupe profitant du tarif intelligent de base, de 25,4 % pour le groupe subissant les pénalités et de 17,5 % dans le cas des clients qui se voyaient récompensés par des rabais. C'est par contre ce dernier groupe, qui profitait de renforcement positif, qui a le plus réduit sa consommation totale durant l'année, avec une baisse de 7,4 %. Le groupe des pénalités ne l'a réduit que de 4,7 %, ce qui est inférieur à la moyenne de 6 % obtenu par le groupe des tarifs de base. Au total, les participants ont vu leur facture d'électricité baisser de 3 % par rapport à ce qu'ils auraient payé selon les tarifs actuellement en vigueur. Signe d'appréciation des participants, ils seraient quatre sur cinq (78 %) à recommander à leurs amis de passer aux tarifs modulés selon l'horaire et la saison. Et au Québec ? Hydro-Québec a déjà mené un projet pilote relativement semblable en 1993, dans la région de Saint-Jérôme. Les résultats ont été jugés décevants par la société d'État, qui stipule dans des documents remis à la Régie de l'énergie"qu'un tarif de type horo-hebdo-saisonnier ne permet pas un effacement suffisant de la charge durant les heures critiques du réseau". Josée Morin, porte-parole d'Hydro-Québec, précise toutefois que l'initiative ontarienne est beaucoup plus sophistiquée :"On ne peut pas comparer directement les deux", précise-t-elle. Mme Morin ajoute cependant qu'Hydro-Québec abordera cette question dans le cadre de sa prochaine demande tarifaire, qui sera déposée devant la Régie au cours des prochaines semaines. Pour aller plus loin : http://www.oeb.gov.on.ca/documents/communications/pressreleases/2007/press_release_smartpricepilot_20070726_fr.pdf Communiqué en français http://www.oeb.gov.on.ca/documents/cases/EB-2004-0205/smartpricepilot/OSPP%20Final%20Report%20-%20Final070726.pdf Rapport détaillé http://www.oeb.gov.on.ca/html/en/industryrelations/ongoingprojects_regulatedpriceplan_smartpricepilot.htm#20070726 Site du projet