Échanger des carottes contre un salaire


Édition du 17 Septembre 2016

Échanger des carottes contre un salaire


Édition du 17 Septembre 2016

[Photo : 123RF/Aynur Shauerman]

L'agriculture urbaine gagne en popularité. Mais il ne s'agit plus seulement d'un loisir : certains fermiers citadins souhaitent désormais vivre de leur récolte. Coup d'oeil sur un secteur d'activité qui fait des pousses.

Une ferme aquaponique a fait son apparition en juin à la Place Shamrock, près du Marché Jean-Talon, à Montréal. L'entreprise Écosystèmes alimentaires urbains (ÉAU) y a installé un système où les déjections d'environ 500 tilapias élevés au rez-de-chaussée enrichissent en nutriments l'eau dont s'abreuvent près de 400 plantes à fruits et légumes installées au deuxième étage. Ces dernières purifient à leur tour l'eau des bassins de poissons. Cette installation constitue une vitrine pour sensibiliser la population, mais aussi les gouvernements et les investisseurs. ÉAU vise toutefois plus gros : la création d'une ferme aquaponique commerciale en plein Montréal. Émilie Nollet, cofondatrice, souhaite prouver que l'agriculture urbaine peut générer des salaires au-dessus du seuil de la pauvreté. Avec son collègue Olivier Demers-Dubé, elle peaufine depuis deux ans le modèle.

L'arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie était tout indiqué pour accueillir leur démarche. En 2015, il a revu sa réglementation pour ouvrir des secteurs industriels et commerciaux aux activités agricoles, maraîchères et horticoles, ainsi qu'à l'aquaculture. «L'objectif est de permettre le développement d'une industrie agricole sur l'île de Montréal», explique François Croteau, maire de Rosemont-La Petite-Patrie. Selon lui, une demande de dérogation pour un permis entraîne des délais qui réduisent les chances d'une entreprise d'obtenir du financement. Il estime que la mesure adoptée par son arrondissement permet d'abaisser de près de 10 000 $ le coût du démarrage. «On veut que les gens qui veulent lancer des fermes en ville puissent le faire plus facilement et que ce soit rentable.»

Un modèle qui émerge

«La majorité des fermes urbaines sont encore dans une phase d'innovation et de développement, sans compter le fait que la plupart ont des missions sociales et environnementales», nuance Éric Duchemin, professeur à l'UQAM et coordonnateur du Laboratoire sur l'agriculture urbaine. Il constate que les fermes urbaines qui réussissent misent sur la fraîcheur, des aliments de niche ou des créneaux complémentaires à ceux des régions.

Parmi les phénomènes émergents, on compte le small plot intensive farming, ou spin farming : des fermiers signent un contrat avec des propriétaires qui accordent une parcelle de leur terrain à une culture bio-intensive. En échange, ces derniers reçoivent une partie des légumes récoltés.

Vincent Proulx a investi 10 000 $ de sa poche et 5 000 $ d'un prêt alloué par Desjardins afin de démarrer cette année Sherbiculteurs, à Sherbrooke, une entreprise fondée sur ce modèle. Ses radis, laitues, roquettes et autres verdures sont plantés sur 5 000 pieds carrés d'un terrain en territoire périurbain et sur moins de 1 000 pi2 d'une arrière-cour d'un quartier résidentiel.

Une quarantaine de citadins lui ont proposé leur terrain pour l'année prochaine. Même s'il vend déjà ses produits à neuf cafés et restaurants, ainsi que dans deux marchés, il prévoit réaliser moins de revenus que les 28 000 $ projetés en début d'année. «Je suis parti avec l'objectif de maintenir une production constante, mais l'important, c'est de vraiment connaître son marché», tire-t-il comme leçon.

À Montréal, les quatre membres de la coopérative Cycle AlimenTerre récoltent des légumes dans neuf jardins de moins de 450 pi2, situés dans les arrière-cours de résidents du quartier Notre-Dame-de-Grâce, avant de les revendre à bas prix dans un secteur mal desservi en épiceries. «On ne compte pas sur les légumes pour faire de l'argent», reconnaît Antonious Petro, chargé du développement des affaires. La coopérative démarrera cet automne une production de pousses qui, selon les prévisions, générera environ les trois quarts de ses revenus.

L'agrotourisme à la rescousse

Jean-Philippe Vermette, du Laboratoire sur l'agriculture urbaine, souligne que les fermiers urbains comme ruraux affrontent une concurrence féroce et de petites marges bénéficiaires. «De là l'intérêt de diversifier son modèle d'entreprise.»

À son avis, les fermes urbaines auraient avantage à développer un créneau s'apparentant à l'agrotourisme, pour attirer des citadins en quête d'une sortie le week-end ou des entreprises souhaitant organiser un événement. Brooklyn Grange Farm, à New York, loue ainsi ses toits verts pour des mariages. Le projet VERTical, qui permet au Laboratoire et à La Ligne verte d'aménager des jardins verticaux sur une superficie de 6 000 pi2 du toit du Palais des congrès de Montréal, pourrait avoir une vocation similaire.

D'autres PME tablent sur des services comme Alvéole, créée en 2013. Environ 60 % de ses revenus sont tirés de la location et de l'entretien de ruches pour des entreprises, des établissements scolaires et des particuliers. L'entreprise a triplé son chiffre d'affaires chaque année depuis sa création. Elle compte 20 employés et 500 clients, dont près de 350 à Montréal. Elle a ouvert cette année des bureaux à Québec et à Toronto, qui comptent chacun deux employés.

[Photo : 123RF/Nattanit Pumpuang]

Coup de pouce aux municipalités

Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) a annoncé le 4 juillet une stratégie de soutien à l’agriculture urbaine assortie d’une enveloppe budgétaire de 2 millions de dollars sur trois ans. Parmi les mesures : aider les municipalités à planifier leur réglementation afin de diminuer les contraintes à l’activité agricole en zone urbaine.

Son plan d’action prévoit aussi des mesures concernant les citoyens et les entreprises.

Comment seront réparties les sommes ? Pour les entreprises, le MAPAQ prévoit élaborer une offre de service-conseil, encourager la recherche appliquée et donner un meilleur accès à ses programmes de financement déjà existants.

Quelque 42 % des Montréalais pratiquaient l’agriculture urbaine de diverses façons en 2013 : 63 % d’entre eux dans leur arrière-cour, 34 % sur leur balcon et 8 % dans un espace communautaire, selon la Ville de Montréal.

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