Conciliation travail-famille : la priorité oubliée


Édition du 04 Juin 2016

Conciliation travail-famille : la priorité oubliée


Édition du 04 Juin 2016

[Photo : Shutterstock]

Depuis quelques années, un nombre croissant de jeunes femmes occupent un poste de haute direction ou choisissent de démarrer leur propre entreprise. Si elles étudient généralement plus longtemps et entrent sur le marché du travail plus tard que les générations précédentes, plusieurs souhaitent tout de même fonder une famille.

C'est une excellente nouvelle. Je me désole toutefois de constater à quel point les ressources disponibles ne sont pas encore adaptées à cette réalité.

Quand on assume des responsabilités stratégiques, quand on est une entrepreneure, une avocate, une politicienne, une architecte ou une travailleuse autonome, les conséquences d'une absence prolongée sont grandes. Comment gère-t-on les dossiers non transférables ? Peut-on vraiment se retirer sans perdre ce qui a été construit à la sueur de son front ? Ne nous mentons pas : si une entrepreneure disparaît du marché pendant neuf mois, même ses clients les plus loyaux ne l'attendront pas. Elle devra recommencer à la case départ.

Les joies (imprévisibles) de la maternité

Que la grossesse soit planifiée ou pas, elle implique généralement une révision du plan d'affaires chez les jeunes entrepreneures. La tâche est colossale, d'autant que l'équation comporte son lot de variables inconnues. Oui, on met tout en oeuvre pour que la grossesse se déroule bien. Oui, il sera possible d'amener le bébé sur le lieu de travail, pour se permettre de garder la mainmise sur les affaires prioritaires. Pour ma part, en tant que maman, grand-maman et dirigeante d'une équipe regroupant plusieurs jeunes femmes, la vie m'a souvent rappelé que rien ne peut être planifié dans le moindre détail, surtout quand il est question de maternité et de jeunes enfants.

La solution ne se trouve pas dans le contrôle, mais plutôt dans la flexibilité et l'accessibilité. Il faut des outils, des options, du soutien. Il faut de l'ouverture d'esprit, de l'écoute et de la compréhension. Ce sont les maîtres mots du débat sur la conciliation travail-famille.

Certains adopteront peut-être une attitude attentiste et espéreront que le gouvernement améliore la situation en corrigeant les lacunes du réseau de garderies et des centres de la petite enfance. Je crois toutefois que, comme parent et travailleur, nous devons endosser notre part de responsabilité. Les entreprises peuvent aussi mettre l'épaule à la roue.

Nous pouvons nous rassembler pour faire pression auprès de nos dirigeants afin d'obtenir une plus grande accessibilité. Comment peut-on laisser des familles sur des listes d'attente pendant des années ? Nous devons également exiger une plus grande imputabilité des services de garde. Combien de fois avons-nous entendu des histoires d'horreur, des milieux de garde faisant l'objet d'une enquête qui continuent d'opérer alors qu'ils ne devraient même plus être en contact avec des enfants, alors que les parents ne sont au courant de rien ? Les services de garde sont capables du meilleur comme du pire. Il importe de resserrer les règles pour assurer une meilleure uniformité dans la qualité des services rendus.

Les besoins sont non seulement criants, mais leurs répercussions touchent toutes les ramifications de notre économie. Avons-nous les moyens d'attendre les bras croisés ? Nous souhaitons le meilleur pour nos enfants, pour nos entreprises, pour notre société. Nous rendons-nous compte que les trois sont étroitement reliés ? L'équilibre travail-famille concerne non seulement les travailleurs et leur entourage, mais aussi les entreprises et la société dans son ensemble.

Alors que le marché mondial requiert des horaires atypiques et des solutions polyvalentes, on bombarde les parents avec une augmentation des tarifs, des heures strictes et des pénalités aux moindres impondérables. Comment se fait-il qu'un dossier aussi porteur traîne la patte depuis si longtemps ? Peut-on se permettre de sacrifier de jeunes talents en raison d'une mauvaise organisation ?

Petites entreprises, grands gestes

Certains employeurs mettent les bouchées doubles pour faciliter la vie des jeunes parents, en offrant par exemple les services d'une garderie sur les lieux de travail. Malheureusement, cette réalité n'est pas possible dans toutes les entreprises. Outre l'espace disponible, il faut aussi prendre en considération les permis et le zonage. Ce n'est pas uniquement une question de volonté.

On peut toutefois faire un pas en avant en tenant compte des moyens du bord. Même une petite entreprise en région peut prendre le problème à bras-le-corps. Consciente de la réalité familiale des membres de son personnel, Assurances Pouliot & Associés, située dans le village de Sainte-Justine, de Chaudière-Appalaches, a entrepris la mise en place de mesures de conciliation travail-famille. Notre plus grand fait un spectacle à l'école ? Aucun souci, les employés disposent de six jours de congé fractionnables pour les événements familiaux. Notre cocotte fait de la fièvre ? Pas de stress, un horaire de travail flexible permet aux employés de partir plus tôt selon un principe d'alternance, sans compter le fractionnement possible des jours de vacances. Le résultat ? Une jeune équipe plus mobile, plus efficace... et plus loyale !

Chez Absolunet, une agence de marketing numérique de la couronne nord, les employés ont également des congés spécifiques pour soigner la marmaille lorsqu'elle tombe malade. Ils peuvent modifier leur horaire pour éviter les bouchons de circulation ou encore aller chez le dentiste avec le petit dernier. Pour souligner ses efforts exceptionnels, l'entreprise a obtenu la certification du Bureau de normalisation du Québec (BNQ) en conciliation travail-famille. Mais la plus belle récompense reste la qualité de son équipe, surtout dans un domaine où le succès de l'entreprise dépend directement des acteurs qui la composent.

Où est ta maman ?

On parle beaucoup des familles monoparentales ou des jeunes pères qui souhaitent s'investir davantage dans le quotidien de leurs enfants. A priori, ce désir est accueilli avec enthousiasme par les dirigeants. Mais quelles sont les réactions quand un homme annonce qu'il doit aller chercher son petit malade en urgence ou qu'il doit quitter à 16 h 30 tapant parce que la garderie ferme dans les prochaines minutes ?

Sous le couvert de l'humour, j'entends parfois des commentaires désobligeants, des personnes qui demandent par exemple où est passée la mère. Ce genre de réflexes n'est plus adapté à la réalité d'aujourd'hui, et encore moins à celle de demain. Ajustons-nous et reconnaissons enfin que la conciliation travail-famille concerne tous les parents équitablement, et que toutes les sphères de notre société s'en porteront mieux.

Pour une économie saine et solide, il faudra nous adapter, et il faudra le faire vite. Je me permets donc de reposer la question : avons-nous les moyens d'attendre les bras croisés ?

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