Commissions scolaires : réforme alambiquée, résultats incertains


Édition du 12 Décembre 2015

Commissions scolaires : réforme alambiquée, résultats incertains


Édition du 12 Décembre 2015

Exception faite de l'abolition des élections scolaires et d'une nouvelle gouvernance, il est difficile de voir comment la réforme proposée par le ministre de l'Éducation, François Blais, accroîtra la réussite des élèves du primaire et du secondaire.

Les élections scolaires étaient impopulaires, Québec les abolit. La population avait des préjugés à l'égard des commissaires, Québec les élimine. Le gouvernement donne le pouvoir aux parents. Ils seront contents. Mais comme on a constaté que les fusions de commissions scolaires haussaient les coûts au lieu de les réduire et qu'on n'a pas trouvé par quoi les remplacer, on les maintient. Bien sûr, on continuera de prélever les taxes scolaires, qui financent environ 20 % du système d'éducation primaire et secondaire.

La réforme aurait donné des maux de tête au gouvernement, qui avait promis d'en faire une. Il a donc pondu un projet de loi compliqué de 57 pages, mais il s'est contenté de toucher aux structures. Les commissaires seront remplacés par un conseil scolaire de 16 membres, formé de six parents, de six personnes provenant de la communauté, qui pourront être désignées ou élues, de deux directeurs d'écoles, d'un enseignant et d'un professionnel non enseignant. À l'exception des représentants de la communauté, tous les autres membres auront été choisis par leurs pairs au cours d'élections.

La réforme donne le pouvoir aux parents (les conseils d'établissement en réuniraient déjà 18 000). Ceux-ci pourraient aussi influer sur le choix des six représentants de la communauté. En effet, ces derniers seront élus par la population seulement si 15 % des parents demandent un tel vote, ce qui est improbable. Par contre, la communauté anglophone, qui a toujours voté davantage que les électeurs francophones aux élections scolaires, pourrait choisir ce processus, géré par la commission scolaire et à ses frais.

La présence au conseil scolaire de 12 membres indépendants, parmi lesquels sera élu le président du conseil, est pertinente sur le plan de la saine gouvernance. Ce conseil devra se doter de deux comités, l'un, de gouvernance et d'éthique, et l'autre, des ressources humaines. C'est correct.

Par contre, la structure se complique avec la création, par le conseil scolaire, d'un comité de répartition des ressources, qui devra être formé du directeur général de la commission scolaire, des directeurs d'école et de centre de formation, choisis par leurs pairs, ainsi que du responsable des services éducatifs aux élèves en difficulté. Ce comité mènera annuellement des consultations auprès des parties prenantes des écoles pour recommander au conseil scolaire une répartition des services éducatifs de base et supplémentaires entre les écoles, de même que des surplus, s'il y a lieu.

Ce processus est susceptible de produire des tensions, puisque les directeurs d'école et de centre de formation se retrouveront en conflit d'intérêts entre, d'une part, la possibilité de favoriser leur propre école et, d'autre part, d'accorder une allocation optimale à l'ensemble du réseau.

Une autre difficulté pourrait se poser quand le conseil scolaire aura à suspendre ou à congédier un directeur d'école. Comment se comporteront les directeurs présents au conseil, étant donné que ces derniers auront été choisis par leurs pairs ?

Économies de bouts de chandelles

On évalue que cette réforme entraînera des économies annuelles de 14 millions de dollars, soit 10 M$ en salaires de commissaires et 4 M$ pour les élections scolaires. C'est plutôt insignifiant et peut-être même irréaliste.

En effet, le projet de loi prévoit qu'il pourrait y avoir des élections et que les membres des conseils scolaires auront «droit à une allocation de présence et à des remboursements de dépenses». Le montant de cette allocation n'a pas été déterminé, et on peut être sceptique quant à sa concrétisation. De plus, il se pourrait que le milieu scolaire y perde au change, puisqu'une rémunération insignifiante des nouveaux élus pourrait les démotiver par rapport aux 6 000 $ à 7 000 $ que recevaient les commissaires annuellement. Pourquoi eux ? Pourquoi pas nous ?

Le projet de loi accroît les pouvoirs du ministre, notamment pour émettre des directives aux commissions scolaires sur divers processus, surveiller leurs dépenses et intervenir lors du renouvellement du contrat de travail, de la suspension ou du congédiement d'un directeur d'école.

Malheureusement, on n'y trouve rien sur la vision de l'État en matière de performance des élèves, de formation professionnelle - délaissée par les jeunes -, et de financement des services éducatifs.

Il est très difficile de se convaincre que cette nouvelle gouvernance permettra de mieux gérer les écoles, d'accroître la qualité de l'enseignement et d'améliorer la réussite des élèves, qui devraient constituer l'objectif de toute réforme. D'où l'impression que ce brassage de structures est beaucoup plus cosmétique que fondateur d'un nouveau pacte éducatif.

J'aime

Tandis que la Ville de Montréal limitera en moyenne à 0,9 % la hausse des taxes non résidentielles en 2016, la Ville de Québec accroîtra en 2016 les taxes de son secteur non résidentiel au même taux que celui de l'impôt foncier résidentiel, soit 1,9 %. Le maire Labeaume avait toujours accru davantage la taxe non résidentielle. C'est dans l'intérêt des villes de protéger leur secteur commercial, qui subit plus intensément la concurrence du commerce électronique étranger.

Je n'aime pas

Le gouvernement du Québec vient de présenter une loi qui facilitera la divulgation d'actes répréhensibles au sein du gouvernement et des organismes publics. Cette loi aurait dû être étendue dès le départ au secteur municipal et à celui de la construction, deux domaines très vulnérables à la corruption et à la collusion, selon le récent rapport de la commission Charbonneau.

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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