Comment innover par les TI : un mystère encore difficile à percer

Publié le 03/10/2011 à 16:01, mis à jour le 10/09/2012 à 13:57

Comment innover par les TI : un mystère encore difficile à percer

Publié le 03/10/2011 à 16:01, mis à jour le 10/09/2012 à 13:57

Par Les Affaires

Fait indéniable : les technologies de l’information (TI) jouent un rôle de plus en plus important dans le monde des affaires. Toutefois, malgré cette adoption massive, la contribution réelle des TI à l’innovation demeure difficile à mesurer et à évaluer. Ce lien constitue d’ailleurs le chaînon manquant pour plusieurs universitaires et décideurs d’affaires. En collaboration avec un groupe de chercheurs québécois, Benoit Aubert, professeur spécialisé en gouvernance et TI à HEC Montréal tente de relever le défi.

Par Liette D'Amours

L. D’Amours : En quoi consiste exactement cette recherche?

B. Aubert : Bien que les TI soient souvent perçues comme un acteur majeur du processus d’innovation, aucun indice ne permet de mesurer leur apport réel dans les organisations innovantes. Les mécanismes par lesquels les technologies contribuent à l’innovation nous sont également inconnus. Dans une première phase, ce projet de recherche vise à répondre à ces interrogations pour arriver par la suite à élaborer un indice d’innovation par les TI qui nous permettra de dresser un portrait des organisations québécoises provenant tant des secteurs privé que public. À ce chapitre, précisons qu’il est aussi essentiel d’innover dans l’administration publique que dans le secteur privé. Les citoyens et les entreprises exercent une pression de plus en plus grande pour recevoir des services performants du secteur public. Ils ont de moins en moins de tolérance pour les retards dans la livraison de services en ligne par exemple. Il faut aussi que le secteur public devienne plus efficace pour réduire le poids imposé au secteur privé et aux ménages. Il en va de la compétitivité du Québec par rapport aux autres juridictions.

L. D’Amours : Et comment procédez-vous pour établir cet indice?

B. Aubert : En collaboration avec mes collègues Patrick Cohendet de HEC Montréal et Benoit Montreuil de l’Université Laval, nous analysons plusieurs cas d’entreprises exemplaires en matière d’innovation. Nous tentons de comprendre comment elles ont utilisé les TI pour susciter tous types d’innovation : commerciale, organisationnelle, technologique, de produits, de procédés et de modèles de marché, etc. En documentant les meilleures pratiques en matière d’innovation, et en analysant le rôle des technologies de l’information dans leur processus d’innovation, nous cherchons à identifier les conditions essentielles pour susciter l’innovation au sein des entreprises et en faire bénéficier par la suite les autres organisations.

L. D’Amours : D’où proviennent les entreprises que vous étudiez?

B. Aubert : Les entreprises qui se sont démarquées par les TI proviennent souvent de l’étranger, nous pensons spontanément à Apple qui a métamorphosé notre façon d’écouter de la musique ou encore à Amazon qui s’est démarqué à l’époque par la vente de livres en ligne puis par la vente de livres numériques. Pour cette recherche, nous analysons des exemples canadiens et étrangers afin que les décideurs d’ici puissent s’en inspirer. Nous savons que l’innovation est directement liée au niveau de productivité des entreprises. Voilà pourquoi il est extrêmement important pour une société d’innover.

L. D’Amours : Quel rôle jouent les TI dans l’innovation?

B. Aubert : Les TI peuvent intervenir à deux niveaux. Certaines innovations voient le jour grâce à l’utilisation de nouvelles technologies. Par exemple, quand I Tunes s’est servi d’Internet pour vendre de la musique. D’autres innovations n’ont rien de technologique mais elles ont été pensées et développées à l’aide des TI. C’est le cas des innovations dites ouvertes dont on entend de plus en plus parler. Par ailleurs, l’un des impacts majeurs des TI sur les stratégies d’innovation a été de favoriser le passage d’un modèle d’innovation fermé vers un modèle ouvert.

L. D’Amours : Quelle est la distinction entre ces deux modèles?

B. Aubert : Le modèle fermé permet à l’entreprise de contrôler le processus d’innovation. Celui-ci reste à l’intérieur de l’organisation, de l’émergence de l’idée jusqu’à la mise en marché. À l’inverse, le modèle d’innovation ouvert est basé sur une mutualisation du processus d’innovation. Les partenaires extérieurs sont impliqués dans le processus, ce qui permet une plus grande efficacité. La question de l’ouverture ou non de ce processus tient souvent à la nature de l’innovation souhaitée et de l’organisation. Chose certaine : l’innovation ouverte ne pourrait exister sans les TI car les entreprises peuvent désormais rendre l’information disponible et permettre les interactions.

L. D’Amours : Avez-vous de premiers résultats que vous pourriez nous livrer?

B. Aubert : C’est difficile de se prononcer car nous en sommes encore à l’étape d’analyse des cas. Toutefois, ce qui nous apparaît très clair : c’est qu’il ne suffit pas d’investir en TI pour susciter une innovation. Plusieurs autres facteurs doivent être pris en considération pour générer des bénéfices : le capital humain, le changement organisationnel, etc. C’est d’ailleurs ici que la nature des liens entre TI et innovation s’avère complexe à quantifier. C’est pourquoi nous misons sur les études de cas pour examiner de près ces dimensions, entre autres en portant un regard sur les types de TI versus les types d’innovation. Ainsi, nous supposons que les conditions à réunir pour innover en matière de produits ne seront pas les mêmes que pour innover avec les procédés.

L. D’Amours : Selon vous, une entreprise doit-elle innover pour survivre aujourd’hui?

B. Aubert : Une entreprise qui veut prendre de l’expansion n’a pas le choix d’innover. De toute manière si elle ne le fait pas, ce sont ses clients ou ses fournisseurs qui l’y contraindront, sinon elle va les perdre. Et il n’y a pas vraiment de secteurs d’activités à l’abri. Si une entreprise demeure passive, ce sont ses voisines qui vont trouver comment tirer profit des TI. D’autant plus qu’on ne peut même plus prévoir d’où viendra la concurrence aujourd’hui. La souplesse et la rapidité d’exécution des entreprises représentent donc un atout indéniable. Par exemple, quand le fournisseur de téléphonie mobile en Nouvelle-Zélande a décidé d’offrir le paiement par cellulaire, Visa aurait pu se contenter d’observer la situation en espérant qu’il échoue, mais elle a préféré créer une alliance.

L. D’Amours : Que change au juste les technologies?

B. Aubert : Les technologies changent les frontières entre les marchés, changent même la ligne entre ce qu’est un produit et un service. En fait, toutes ces frontières qu’on a créées pour délimiter les fonctionnements d’un marché ne tiennent plus nécessairement la route aujourd’hui. Et ce «sans limite» actuel est non seulement difficile à concevoir pour les entreprises mais aussi très difficile à gérer parce que la concurrence peut aujourd’hui venir de partout et les occasions d’affaire aussi.

L. D’Amours : Dans un tel contexte, quelle est la meilleure attitude à adopter?

B. Aubert : Selon moi, les décideurs doivent faire preuve d’ouverture et se demander ce qu’ils pourraient faire avec ces nouvelles possibilités. Ils ne doivent pas limiter leur imagination et se permettent d’explorer toutes les avenues possibles même les plus farfelues. Après cet exercice de projection à long terme, certaines portes peuvent se révéler.

Ce projet est mené en collaboration par le Centre sur la productivité et la prospérité (HEC Montréal) et le CEFRIO. Pour en savoir plus, consultez L'innovation et les technologies de l'information et des communications.

Benoit A. Aubert est professeur titulaire à HEC Montréal où il détient le professorship gouvernance et technologies de l’information. Il est également professeur invité à l’Université Victoria de Wellington (Nouvelle Zélande). Benoit Aubert est Fellow au CIRANO et chercheur associé au CEFRIO. À HEC Montréal, il est membre du Groupe de recherche en systèmes d’information et du Centre sur la productivité et la prospérité.

La diffusion de ces résultats de recherche est rendue possible par une subvention octroyée par le Fonds de recherche sur la société et la culture (FQRSC) à Benoit Aubert (HEC Montréal), Bouchaib Bahli (Université de Rennes), François Bergeron (Télé-Université), Anne-Marie Croteau (Université Concordia) et Suzanne Rivard (HEC Montréal) dans le cadre d'un programme de recherche sur la Gestion stratégique des technologies de l'information.

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