Bombardier : lâchons prise à propos de la structure de capital


Édition du 14 Mai 2016

Bombardier : lâchons prise à propos de la structure de capital


Édition du 14 Mai 2016

[Photo : Bloomberg]

Selon certaines sources, Ottawa tarderait à apporter son aide financière à Bombardier parce qu'il voudrait faire changer la structure de capital de la société contrôlée par les familles Bombardier et Beaudoin.

Cette information n'a jamais été confirmée, mais il est clair que le gouvernement fédéral est l'objet de pressions de milieux opposés à une telle aide et à la structure de capital de la société. Ces opposants seraient issus (ou proches) des milieux financiers de Toronto, où le gouvernement Trudeau a obtenu des appuis importants lors des élections qui l'ont porté au pouvoir l'automne dernier. La région de Toronto est représentée au cabinet par des ministres influents, tels Bill Morneau aux Finances et Navdeep Bains à l'Industrie.

On peut aussi comprendre que des gestionnaires de fonds puissent être mécontents du rendement de leurs actions de Bombardier, et qu'une offre publique d'achat (OPA) de ces actions mettrait un peu de baume sur leur placement dans la société québécoise.

Pour certains, Bombardier est une société qui vit aux dépens des contribuables, puisqu'elle a reçu au fil des ans des millions de dollars de subventions et de crédits d'impôt à la recherche et développement (R-D). Ils oublient que Bombardier est la société qui investit le plus en R-D au pays, qu'elle est le navire amiral de l'industrie aérospatiale canadienne, qui compte 950 fournisseurs, 180 000 emplois et une activité économique évaluée à 29 milliards de dollars. Ils feignent d'ignorer que tous ses concurrents sont tributaires d'une aide massive de leur État.

Puisqu'elles possèdent plus de 90 % des actions à 10 droits de vote de leur société, les familles Bombardier et Beaudoin contrôlent quelque 53 % de tous les droits de vote, tout en ne possédant qu'environ 12,5 % des actions. Ce sont principalement les actions à un droit de vote qui s'échangent le plus en Bourse. Elles sont surtout détenues par des institutions et des particuliers.

Les opposants à cette structure de capital font valoir que celle-ci est discriminatoire et qu'elle empêche une OPA, qui inclurait une prime pour les actions et permettrait un gain en capital.

Les avantages des actions à droits de vote multiples

Yvan Allaire, président exécutif de l'Institut pour la gouvernance des organisations privées et publiques (IGOPP), vient à nouveau de démontrer la supériorité des rendements obtenus par les titres de sociétés ayant des actions à droits de vote multiples dans un récent document synthèse de cinq études.

Une étude de Bloomberg a de même montré que, sur 10 ans, les actions de sociétés qui possèdent des actions à droits de vote multiples ont procuré un rendement moyen de 12 %, en regard de 7,1 % pour les sociétés qui n'en ont pas. Une étude de la Banque Nationale a révélé des rendements moyens sur 10 ans de 11,3 % et de 5,6 % respectivement pour les sociétés qui ont des actions à droits de vote multiples et d'autres qui n'en ont pas, ainsi que des rendements sur cinq ans de 13,5, % et 6,1 % respectivement, toujours en faveur des sociétés offrant deux catégories d'actions.

Pour sa part, une étude de 5i Research a montré des rendements sur 10 ans de 3,7 % et de 1,1 % respectivement, et de 4,2 et de - 0,9 % sur cinq ans, toujours en faveur des actions à droits de vote multiples. De son côté, Clarkson Centre for Board Effectiveness a démontré que, sur 15 ans, le rendement moyen de sociétés qui ont des actions à droits de vote multiples a été de 8,8 %, comparativement à 6,6 % pour les sociétés qui possèdent une seule catégorie d'actions. Enfin, Yvan Allaire et François Dauphin, de l'IGOPP, ont obtenu des rendements sur cinq ans de 8,7 % et de 3,8 % respectivement.

Ces études devraient clouer le bec à tous ceux qui croient encore à la supériorité des sociétés qui n'ont qu'une catégorie d'actions. Le rendement supérieur des titres des sociétés qui ont des actions à droits de vote multiples s'explique surtout par le fait que ces entreprises sont contrôlées des familles qui gèrent leur propre patrimoine en même temps que celui des autres actionnaires, et qu'elles le font dans une perspective à plus long terme.

On constate aussi que ces sociétés investissent plus en R-D, qu'il leur en coûte moins cher pour emprunter (les actionnaires de contrôle sont plus prudents face à l'endettement excessif) et qu'elles sont mieux protégées des pressions des actionnaires touristes et des prédateurs.

Sans sa structure de capital, Bombardier aurait fait l'objet d'une OPA hostile depuis longtemps. Elle aurait probablement été démembrée, et plusieurs projets auraient été abandonnés.

Ottawa doit oublier la structure de capital de Bombardier dans son évaluation de cette société et se préoccuper plutôt de ses engagements sur le plan de la R-D et des emplois. Ces enjeux ne doivent toutefois pas étouffer la marge de manoeuvre dont a besoin Bombardier pour reprendre son envol et devenir une grande société industrielle, capable de procurer des rendements décents à ses actionnaires et de montrer au monde le savoir-faire canadien dans ses deux grands secteurs d'activité (l'aéronautique et le transport terrestre).

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Le juge Ronald Leblanc de la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick a statué sur le fait qu'un citoyen peut acheter des boissons alcoolisées dans une autre province pour sa consommation personnelle, selon la section 121 de la Constitution. Comme d'autres provinces, le Nouveau-Brunswick interdit l'achat de boissons alcoolisées dans une autre province. À quand un véritable libre-échange interprovincial au Canada ?

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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