COP21: les 5 pierres d'achoppement à surveiller

Publié le 28/11/2015 à 12:44

COP21: les 5 pierres d'achoppement à surveiller

Publié le 28/11/2015 à 12:44

Photo: Shutterstock

À Paris, les pays membres de la Conférence des parties (COP) s’entendent déjà sur bien des choses: les causes anthropiques des changements climatiques, la nécessité de limiter la hausse de la température globale, l’obligation morale de soutenir les pays les plus vulnérables, etc. Par contre, il existe des pierres d’achoppement importantes qui, si elles ne sont pas réglées, pourraient faire capoter l’accord. Pour les entreprises déjà engagées dans la lutte aux changements climatiques via le marché du carbone Québec-Californie, ce serait là une très mauvaise nouvelle.

1. Comment exprimer l’objectif global?
Plus personne ne conteste la nécessité de limiter la hausse de la température globale à 2 degrés Celsius, voire 1,5 degré si possible. Par contre, on ne s’entend pas encore sur la façon de traduire cet objectif général dans des chiffres, des dates, ni même des mots.

« Certains pays comme les États-Unis ou l’Inde veulent que ça demeure un objectif souhaitable mais peu contraignant », explique Hugo Séguin, chargé de cours à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. « D’autres, comme les pays les plus vulnérables ou l’Union européenne, souhaitent plutôt un objectif clair et contraignant, c’est-à-dire un objectif chiffré avec une année de base. »

Sur les 195 pays présents à Paris, 176 ont déjà fait connaitre leurs engagements en matière de réduction, mais tant les années de base que les années cibles varient au gré des intérêts de chacun. Par exemple, le Canada a choisi de réduire ses émissions de 30 % sous le niveau de 2005 plutôt que 1990 parce que ses émissions ont augmenté de 136 mégatonnes d’équivalent CO² à l’intérieur de cette fourchette, pour un total de 749 mégatonnes en 2005. Il s’est donc donné une marge de manœuvre de près de 100 mégatonnes –de quoi poursuivre la production d’hydrocarbures pendant un temps, selon M. Séguin.

La variété des engagements des pays cache ainsi, lorsque traduits en termes absolus, des efforts inégaux. « C’est pour ça qu’on parle de plus en plus de ʻbudget carboneʼ plutôt que de pourcentages », estime Annie Chaloux, professeure associée à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. « Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) nous dit : voici les émissions historiques de chaque pays et voici l’espace disponible qu’il reste dans l’atmosphère. »

Le GIEC estime que les émissions totales cumulées ne devront pas dépasser de 1000 à 1500 gigatonnes d’équivalent CO² d’ici 2100. Au Québec, l'Institut de recherche et d'information socio-économique a établi le budget carbone à 2,1 gigatonnes d’ici 2100. Si cette terminologie devait prévaloir dans le calcul des cibles, il faudrait que la province réduise ses émissions de 40 % sous le niveau de 1990 d’ici 2020 –une cible autrement plus ambitieuse qui rendrait encore plus urgente la transformation du secteur des transports. Comme quoi les termes de l'accord auront un impact direct sur les pays.

2. La clause de révision périodique, ou clause « cliquet »
Il est d’ores et déjà entendu que les engagements de réduction pris par les pays jusqu’à maintenant sont nettement insuffisants pour limiter la hausse de la température globale à 2 degrés. En effet, les objectifs de réduction des 176 pays qui se sont engagés parviennent tout au plus à limiter la hausse à 2,7 degrés. Il est donc crucial pour la planète que l’accord de Paris inclue une cause dite « cliquet », du nom de ce petit levier qui oblige une roue dentée à tourner dans un seul sens, sans retour possible.

La clause cliquet prévoit ainsi que les 195 pays reviennent tous les cinq ans à la table pour revoir à la hausse leurs cibles de réduction et ce, jusqu’à ce qu’on réussisse à limiter à 2 degrés ou moins la hausse de la température globale.


« «C’est un peu comme une facture de restaurant qu’il faudrait payer tous ensemble: on met de l’argent dans le pot jusqu’à temps qu’il y en ait assez», »

illustre M. Séguin. Sans cause cliquet, l’accord de Paris sera un échec, estime-t-il.

3. Le financement des pays en développement
À la Conférence de Copenhague de 2009 (COP15), les pays développés avaient promis de mobiliser ensemble 100 milliards de dollars par année à partir de 2020 pour aider les pays en développement à, d’une part, réduire leurs propres émissions de GES et, d’autre part, à faire face aux changements climatiques.

Il semble que cet objectif soit à portée de main à Paris. En 2014 déjà, les pays développés ont consacré à la cause 61,8 G$. À cela il faut maintenant ajouter environ 15G$ que les banques de développement ont promis de débloquer en octobre dernier, ainsi que 5 G$ de contributions supplémentaires annoncées par des pays européens.

Le Canada s'est engagé, le 27 novembre, à verser pour la cause 2,65G$ au cours des cinq prochaines années. Selon le Climate Action Network, la part du Canada devrait être de 4G$ par année, si l'on considère sa contribution historique aux émissions de GES et sa capacité de payer.

À l’échelle mondiale, il reste à établir quelles parts iront respectivement à la réduction des émissions de GES et à l’adaptation aux dérèglements climatiques –un sujet épineux. On ignore également dans quelle mesure ces 100G$ prendront la forme de prêts ou de dons.

4. La question des pertes et préjudices
Autre question cruciale pour l’accord de Paris: qui doit payer pour les dégâts que causent les dérèglements climatiques dans les pays les plus vulnérables? Pour l’Afrique seule, le Programme des Nations unies sur l’environnement estime à 100G$ par an le coût des dommages à partir de 2030. Le V20, qui regroupe 20 pays vulnérables tels le Bangladesh et les Maldives, estime que ses pertes et préjudices lui coûteront 45G$ par an d’ici 2020 et pas moins de 400G$ par an d’ici 2035.

Il faut dire que dans les pays du V20, les vagues de chaleur, fortes précipitations et autres dérèglements climatiques font déjà 50 000 morts par année depuis 2010 –un chiffre qui devrait croître de façon exponentielle d’ici 2030. Il faudra bientôt ajouter à cela le déplacement de 500 000 personnes en raison de l’augmentation du niveau des mers.

Si les pays développés reconnaissent le problème assez pour l’inscrire à l’agenda de Paris, ce n’est pas de sitôt qu’on les verra délier la bourse. «Un frisson leur parcourt l’échine quand ils voient à combien pourrait monter la facture s’ils devaient payer les pots cassés après chaque ouragan, typhon, feu de forêt ou sécheresse», dit M. Séguin.

Dans ce cas, que faut-il attendre de Paris? « L’accord de Paris ne règlera pas la question et personne ne s’y attend », dit-il. « Pourtant, il faut qu’il soit écrit que c’est un enjeu réel et qu’on va s’en occuper. Les pays en développement veulent pouvoir dire, dans cinq ou 10 ans : ʻIl y a une clause dans l’accord qui dit qu’on doit s’en occuperʼ. Ils ont besoin d’une poignée pour pouvoir revenir à table, sinon ils ne signeront pas. »

La question des pertes et préjudices ne doit pas être confondue avec celle des « mesures de riposte », que brandissent régulièrement l’Arabie saoudite, le Koweït et d’autres pays producteurs d’hydrocarbures qui souhaitent être compensés pour la perte des ventes découlant de l’abandon progressif des énergies fossiles.

5. Un accord contraignant ou volontaire?
Le 11 novembre, le secrétaire d’état américain John Kerry avait semé l’émoi en annonçant que l’accord de Paris ne serait pas « un traité juridiquement contraignant ». Le président français François Hollande l’avait immédiatement rabroué, affirmant que l’accord serait contraignant ou ne serait pas. Cette prise de bec à quelques jours de la conférence a révélé au grand jour de profondes dissensions sur la forme même que doit prendre l’accord.

Pourtant, même le président français l’a admis : l’exécutif américain est aux prises avec un Sénat dominé par les Républicains, qui ont maintes fois répété qu’ils ne ratifieraient pas un traité sur le climat.

Mais si ce n’est pas un traité contraignant, ce sera quoi? «Il pourrait s’agir d’une série de décisions de la COP, comme à Lima [en décembre 2014]», estime M. Séguin.

Il rappelle d’ailleurs que, de toute façon, les «contraintes» des traités internationaux restent somme toute théoriques. « Si Donald Trump arrive à la présidence en 2016 et décide de jeter aux poubelles le traité sur les mines anti-personnelles, la police ne va pas débarquer chez lui », illustre-t-il. « Je peux bien mettre dans mon traité tous les mots que je veux, si un pays ne veut plus jouer…» Le Canada lui-même n’a eu aucune peine à se retirer en 2011 du protocole de Kyoto, pourtant réputé «contraignant».

Mme Chaloux est d’avis qu’un traité contraignant pourrait même s’avérer moins productif que des cibles volontaires. «Plus un accord est contraignant, plus les pays vont se fixer des cibles faibles pour être sûrs de les atteindre», dit-elle. «Mais si l’accord est plus souple, on pourrait voir des cibles plus ambitieuses qui, même si elles ne sont pas atteintes, seront au final plus productives.»

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