Le retour du nucléaire

Publié le 28/12/2009 à 10:04

Le retour du nucléaire

Publié le 28/12/2009 à 10:04

Longtemps perçu comme une menace, le nucléaire est maintenant considéré comme une solution pour sauver la planète. Commerce s'est rendu en Europe de l'Est pour observer la forme que prend ce revirement.

C'est un vendredi soir animé à Bucarest. Les jeunes Roumains traînent dans les rues de la capitale. Dans les grandes artères, tous les commerces, les restaurants et les théâtres sont éclairés. Après 20 ans de lutte pour sortir du marasme économique causé par le régime communiste de Nicolae Ceaucescu, la ville brille. John Saroudis, vice-président régional d'Énergie atomique Canada (EAC), raconte à quel point le pays s'est transformé depuis son arrivée, en 1998. Mais il ne faut pas se leurrer. " Le niveau de vie augmente en ville, mais tout reste à faire dans les régions. Les gens ont besoin de routes, d'aéroports, d'hôpitaux et de services, souligne-t-il. Le pays pourra continuer à se développer s'il peut répondre à la demande énergétique, qui a chuté de 10 % pendant la récession. Tel est le défi des prochaines années. "

Par rapport à ses voisins, la Roumanie a quand même une longueur d'avance pour assurer son indépendance énergétique. En 1996, le pays s'est tourné vers l'énergie nucléaire. Établie à 165 kilomètres à l'est de Bucarest, la centrale Cernasixodã comble 17 % des besoins du pays, dont elle est la plus importante source d'énergie. Deux réacteurs CANDU, les mêmes qu'au Canada, sont déjà en exploitation, et deux autres sont en construction au coût de six milliards de dollars canadiens. " Si tout va bien, ils devraient être mis en service à partir de 2016-2017 ", note John Saroudis. La centrale répondra alors à 40 % de la demande électrique du pays. Le gouvernement roumain compte aussi construire une deuxième centrale nucléaire d'ici 2020 pour réduire sa dépendance au pétrole et au gaz.

Il faut dire qu'au début de 2009, la crise gazière entre la Russie et l'Ukraine a forcé les pays avoisinants à revoir leur stratégie d'approvisionnement et à développer de nouvelles sources d'énergie. Pendant une quinzaine de jours, de nombreux pays d'Europe de l'Est et des Balkans ont été complètement privés de gaz et ont subi des ralentissements économiques. À ce chapitre, la Bulgarie et la Slovaquie sont deux des pays qui ont le plus souffert. Le gouvernement slovaque a évalué les pertes à 158 millions de dollars par jour, car un millier d'entreprises ont été forcées de cesser leur production.

À la suite de cette crise, la Slovaquie a décidé d'aller de l'avant avec son projet de centrale nucléaire à Jaslovske Bohunice, mais elle a renoncé à relancer un vieux réacteur nucléaire de type soviétique. " La Slovaquie n'a pas d'autre choix que de développer de nouveaux projets énergétiques si elle veut rester concurrentielle et continuer d'attirer des entreprises en région ", indique Jozef Marusik, chef de projet chez SARIO, l'agence slovaque de développement du commerce et des investissements. Dans ce petit pays de cinq millions d'habitants sont installés d'importants acteurs comme Volkswagen, Kia et Peugeot-Citroën. Même si certaines entreprises ont fermé temporairement leurs usines pendant la crise financière, le gouvernement slovaque veut tout mettre en oeuvre pour s'assurer de les garder au pays. Au cours des prochaines années, ces sociétés auront énormément besoin d'énergie si elles veulent, par exemple, développer des voitures électriques.

De son côté, la Pologne a aussi annoncé la création d'une première centrale nucléaire en 2020 et d'une deuxième en 2025 pour répondre à 25 % de ses besoins énergétiques. Le choix de l'emplacement sera déterminé l'an prochain, après les études de faisabilité. Depuis la catastrophe de Tchernobyl, en 1986, c'est la première fois que le gouvernement polonais envisage d'utiliser le nucléaire. Compte tenu des pressions exercées par l'Union européenne pour que la Pologne réduise ses gaz à effet de serre, ce pays n'a d'autre choix que de revoir ses sources d'énergie, car 95 % de son électricité proviennent du charbon. Sur la route entre Varsovie et Cracovie, il est d'ailleurs facile de constater toute la pollution que produisent les industries. Dans la ville de Wroclaw, le quartier industriel a toutefois pris un tournant vert. Bombardier Transport, qui possède une usine là-bas, a modernisé ses équipements pour satisfaire aux normes environnementales. " Nous sommes conscients des défis qui se posent à ce chapitre ; c'est pourquoi nous cherchons aussi à développer des produits plus écologiques, comme des locomotives électriques et des tramways ", souligne Janusz Kucmin, le représentant en chef de Bombardier Transport en Pologne.

La lutte contre le réchauffement climatique et la hausse des prix des combustibles fossiles font du nucléaire une option intéressante pour les pays émergents d'Europe et d'Asie. De plus, le nucléaire est considéré comme une source d'énergie propre. L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) estime que si l'on tient compte de l'extraction de l'uranium, de la construction des centrales et de la gestion des déchets, le nucléaire rejette dans l'atmosphère entre trois et 24 grammes de dioxyde de carbone par kilowattheure, ce qui est presque comparable au CO2 émis par l'énergie éolienne et hydroélectrique. " Le principal problème reste le stockage des déchets radioactifs ", explique Guy Marleau, directeur de l'Institut de génie nucléaire à l'École Polytechnique de l'Université de Montréal. Actuellement, les déchets sont gardés dans des piscines pendant une dizaine d'années, puis ils sont enfouis sous terre, où ils demeurent radioactifs pendant des centaines d'années. " Toutefois, les technologies évoluent très rapidement ; à long terme, on pourra sûrement utiliser ces déchets comme combustible et les rebrûler, de manière à ce qu'il n'en reste plus du tout ", poursuit Guy Marleau.

Au Québec, le nucléaire suscite encore de vives oppositions. Beaucoup d'environnementalistes et de citoyens critiquent notamment le projet d'Hydro-Québec de rénover la centrale Gentilly 2 située à Bécancour, en Mauricie. Ce projet de 1,9 milliard de dollars vise à prolonger la vie de la centrale jusqu'en 2040. Les tuyaux au coeur du réacteur seront remplacés, les turbines rénovées, et le système informatique sera modernisé pour assurer la sécurité. Hydro-Québec souhaite ainsi diversifier ses sources d'énergie pour ne pas dépendre uniquement de l'hydroélectricité, qui compte pour 97 % de l'électricité produite au Québec. " Nous utilisons le nucléaire depuis plus de 25 ans et il n'est jamais rien arrivé, insiste Marie-Élaine Deveault, responsable des communications chez Hydro-Québec. La centrale Gentilly produit cinq milliards de kilowattheures par an, soit l'équivalent de l'électricité consommée à Laval. Cette centrale est déjà bien établie et se trouve près des grands centres ; il serait difficile de s'en priver. " Le professeur Marleau croit que les Québécois doivent prendre conscience du fait que l'hydroélectricité a aussi ses limites. " Des rivières pour produire de l'électricité, il en reste de moins en moins. L'avantage du nucléaire, c'est qu'on peut en produire énormément sur un petit terrain, ce qui est impossible avec l'éolien ", souligne-t-il.

 

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