Quand jeter coûte moins cher que donner, le cas du détaillant Dynamite


Édition du 13 Août 2016

Quand jeter coûte moins cher que donner, le cas du détaillant Dynamite


Édition du 13 Août 2016

[Photo : 123RF/Dean Drobot]

Un reportage de TVA a révélé récemment les pratiques embarrassantes du détaillant Dynamite pour se départir de ses invendus. Munis de caméras cachées, des journalistes avaient plongé dans les poubelles d'un magasin du groupe pour en ressortir une centaine de vêtements neufs volontairement déchirés, tassés dans des sacs de plastique. «C'est vraiment épouvantable, et dire qu'il y a des gens qui n'ont pas de sous pour en acheter ici même au Québec», a écrit une femme sur Facebook, un commentaire sur lequel de nombreux internautes indignés ont renchéri.

Ce reportage a été un coup dur pour Sylvain Duval et les employés de Dynamite. Pour redorer l'image de l'entreprise et expliquer les enjeux auxquels elle fait face, le chef de l'exploitation a reçu Les Affaires dans les entrepôts de la marque, à Montréal. «Oui, c'est arrivé, on ne le nie pas. Ce n'était évidemment pas notre volonté, mais on n'avait pas d'autre solution, dit-il. La gestion des invendus est tellement compliquée que malheureusement, il y a du gaspillage.»

Auparavant, Dynamite avait déjà donné ses invendus à diverses associations, mais peu d'organisations caritatives ont la capacité d'absorber autant de vêtements. Elle a appris que certaines d'entre elles les vendaient dans des marchés aux puces ou à des friperies. Pour la bonne cause, mais au détriment de son propre marché. Des gens venaient même en magasin se faire rembourser des vêtements achetés d'occasion.

La gestion de ces dérives coûtait cher en temps et en énergie chez les employés. «On a décidé de se départir de nos partenaires et d'en trouver un seul qui soit capable d'absorber tous nos dons et qui puisse nous garantir que rien ne serait revendu. Ça nous a pris six mois pour trouver un organisme fiable, et pendant ce temps, on a décidé de jeter nos invendus pour qu'ils ne se retrouvent pas en de mauvaises mains», explique Sylvain Duval.

Un nouveau partenariat

Peu après le tournage des images controversées, en septembre 2015, Dynamite s'est associée à la Children Aid Foundation. Cet organisme américain récupère les invendus de ses 350 magasins et les redistribue aux plus démunis.

«Si l'entreprise détruit un stock de vêtements, elle peut le déclarer comme une perte et obtenir une déduction fiscale. Mais si elle le donne à un organisme caritatif, elle recevra un reçu pour déduction fiscale aussi», dit Stéphane Lauzon, fiscaliste chez Richter. Ainsi, aucune mesure fiscale n'encourage à détruire plutôt qu'à donner.

Dynamite a réglé la gestion de ses invendus grâce à la Children Aid Foundation, mais elle reste encombrée par ses invendables. Pas question pour l'entreprise de donner ses produits défectueux, même si la loi édicte que nul ne peut être tenu pour responsable d'un incident causé par un produit donné. «On ne peut pas laisser aller nos ratés, explique Sylvain Duval. Une blouse rouge qui déteint sur tout le corps, même si c'est un don, ça donne une mauvaise perception de Dynamite. On ne veut pas faire de cadeaux empoisonnés.»

Le gouvernement ne légiférera pas de sitôt sur le gaspillage des invendus. Il laisse aux entreprises le choix de leurs initiatives et les incite à communiquer avec Recyc-Québec si elles veulent obtenir de l'aide. Cette société publique propose de les orienter vers des organismes de recyclage adaptés à leurs besoins. «On essaie de résoudre les inquiétudes des commerçants point par point. Ils ont peur de la revente ? On cherche des partenaires fiables. Ils ont peur de détériorer leur image ? On barre le nom et on enlève les étiquettes», explique Dany Michaud, directeur de Recyc-Québec.

Pour le recyclage des textiles invendables, il suggère les services de sociétés qui les transforment en chiffons industriels, en rembourrage ou en matière isolante. Cependant, l'entreprise doit payer ces services ce qui peut devenir une contrainte s'ils coûtent plus cher que le système de collecte des déchets, lui aussi payant.

Prochainement, Dynamite prévoit s'associer à une entreprise de Vancouver qui transformera les invendus défectueux de ses 350 magasins en matériau de rembourrage.

«L'industrie du textile a d'autres priorités, dit François Roberge, président de la grappe métropolitaine de l'industrie de la mode et directeur de La Vie en Rose. Pour l'instant, on veut stimuler l'industrie et montrer qu'on est un moteur de l'économie au Québec. On abordera sûrement la question "durable", mais cela viendra après.»

Il précise que les commerçants ne jettent pas des produits par plaisir et cherchent toujours à limiter le gaspillage, pour des raisons d'éthique d'abord, mais aussi dans l'intérêt de leur entreprise. «Si on jetait un vêtement sur deux comme l'affirment certains journalistes, il me semble que ce serait difficile financièrement», ironise Sylvain Duval.

Dynamite a travaillé avec des chercheurs de l'Université McGill au développement d'algorithmes pour pouvoir évaluer précisément le nombre de pièces à produire. Mais ce point d'équilibre entre surplus et rupture de stock reste imprévisible. Hiver tardif, météo capricieuse ou brusque retour de la tendance pastel sont autant de facteurs aléatoires qui chambouleront les prévisions établies en usine six mois à l'avance. «On sait dès le départ que certains de nos produits resteront invendus, c'est le système», dit Sylvain Duval. Actuellement, Dynamite estime qu'elle jette un vêtement sur 1 000.

Pour de nombreux consommateurs, le cas Dynamite illustre une problématique beaucoup plus vaste. «Je peux vous dire qu'ils ne sont pas les seuls... Je travaille dans un magasin et tout ce qui est jeté n'a juste pas de sens...», témoigne une femme sur Facebook. Au mois de mars, le détaillant de chaussures Yellow a lui aussi suscité la polémique après que ses pratiques ont été révélées dans les médias. Yellow n'a cependant pas souhaité s'exprimer dans cet article.

UNE LONGUEUR D'AVANCE EN ALIMENTATION ?

«On voit une belle ouverture de la part des leaders de l'industrie alimentaire ; ils prennent de plus en plus conscience des enjeux du gaspillage», observe Jonathan Rodrigue, anciennement directeur du développement des affaires de Moisson Montréal.

L'organisme montréalais dit collecter un sixième des bons aliments jetés par les supermarchés au Québec. Pour M. Rodrigue, l'accompagnement des commerces à travers les obstacles au recyclage permettra à terme de supprimer du gaspillage... à condition que Moisson Montréal ne soit pas freiné dans ses financements.

Parallèlement, des initiatives locales et officieuses se mettent en place dans la lignée des dumpster-divers, ces volontaires qui fouillent les poubelles à la tombée de la nuit pour en sauver les denrées encore fraîches. Ils convainquent peu à peu des commerces de leur réserver leurs invendus pour venir les récupérer chaque semaine. «Je garantis aux autres commerces qu'ils peuvent en faire autant, témoigne Luigi Piccoli, gérant de l'Intermarché Lagoria à Montréal. Nous ne sommes pas beaucoup d'employés, et pourtant, on trouve le temps de préparer un stock [pour les dumpster-divers] tous les deux jours. Ça aide la collectivité, et ça évite d'avoir à nettoyer derrière ceux qui sautaient dans mes poubelles.»

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