Affriolante expansion pour la Vie en Rose... avant la prochaine récession

Offert par Les Affaires


Édition du 16 Juin 2018

Affriolante expansion pour la Vie en Rose... avant la prochaine récession

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Édition du 16 Juin 2018

François Roberge, PDG, la Vie en Rose [Photo : Martin Flamand]

Quatre ans. Neuf, au maximum. Le PDG de Boutique la Vie en Rose est catégorique : c'est le temps qui reste avant que ne frappe la prochaine récession. « Ce sont des cycles de 10 à 15 ans, explique François Roberge, 56 ans, aujourd'hui à la tête de la plus importante chaîne de lingerie fine du Canada. Si je veux prendre ma retraite à 60 ans et céder une entreprise en santé, c'est maintenant ou jamais que je dois m'y préparer. »

Et pour la Vie en Rose, se préparer consiste ni plus ni moins à doubler de taille. Doubler sur tous les plans. Sur le Web comme à l'international, et ce, rapidement, soit d'ici 2022. Afin, précise-t-il, de non seulement survivre à la prochaine récession, mais surtout de permettre à la Vie en Rose de profiter des « occasions extraordinaires » qui se présenteront, comme toujours, à la minorité qui survivra à la prochaine tempête.

Il faut dire qu'en matière de survie, M. Roberge s'y connaît. Son parcours d'entrepreneur est littéralement jonché de concurrents de la lingerie fine, forcés de rendre les armes. Lingerie Claudel, Moments intimes, Victoire Delage, Silk & Satin, Rêve de femme et Jacob Lingerie, entre autres, ont tous constitué une menace avant de finir par garnir le cimetière des détaillants, morts au combat.

Du redressement à l'expansion

Même les débuts de M. Roberge dans la lingerie fine, après plus d'une décennie d'apprentissage passée chez le défunt Groupe San Francisco, sont liés aux difficultés du secteur.

Nous sommes en 1996. À 33 ans, père de trois enfants d'âge préscolaire et avec 60 000 $ d'économies, il achète les restes de Boutique la Vie en Rose, une chaîne torontoise acculée à la faillite. Les pertes annuelles des 26 boutiques sont de 700 000 $ depuis cinq ans. Le couple, composé de M. Roberge et de sa femme Lina Di Liello, débarque à Toronto. Une année de redressement plus tard, l'entreprise fait des profits ; après deux ans, tous les prêteurs ont été remboursés sans réendettement, se souvient M. Roberge.

Vingt ans plus tard, la Vie en Rose a décuplé de taille. Elle compte 237 boutiques dans 126 villes canadiennes et exploite près d'une centaine d'autres boutiques à l'étranger dans 15 pays, principalement au Moyen-Orient. Elle est maintenant à peaufiner son entrée aux États-Unis ainsi que sa stratégie de conquête de nouveaux marchés outre-mer, à commencer par l'Asie.

Les ventes du détaillant, y compris celles en ligne, avoisinent les 300 millions de dollars, répartis en trois parts égales entre la lingerie (soutien-gorge, culottes, etc.), les vêtements de nuit (pyjamas, jaquettes, etc.) et les vêtements de plage et de baignades (maillots de bain, etc.).

Il y a trois ans, la Vie en Rose a aussi mis la main sur un réseau de 60 boutiques Bikini Village, pour un peu plus de 4 M $, soit la moitié de l'offre que le conseil d'administration avait refusée un an plus tôt ! La chaîne de maillots de bain est aujourd'hui dirigée par son fils de 27 ans, Roméo Di Liello-Roberge.

François Roberge n'est pas peu fier du chemin parcouru depuis ses débuts dans l'industrie du commerce de détail. Arrivé sans le sou à Montréal à l'âge de 17 ans, il a été embauché comme camionneur pour le Groupe San Francisco, entreprise que son oncle Paul Delage-Roberge avait fondée, avant de créer Les Ailes de la Mode, des années plus tard.

La Vie en Rose se classe aujourd'hui au dixième rang des détaillants de lingerie fine sur la planète, derrière des géants comme l'américaine Victoria's Secret (y compris La Senza), la française Etam, la néerlandaise Hunkemöller, et l'allemande Triumph.

Du pain sur la planche

De son bureau du siège social, discrètement établi avenue Pierre-De-Coubertin (face au Stade Olympique), dans une ancienne usine de textile du quartier Hochelaga-Maisonneuve, le PDG refuse cependant de pavoiser et de s'asseoir sur ses lauriers. « Dans le commerce de détail, tu dois grandir ou accepter de mourir. Il te faut aussi toujours être prêt à changer. Ce n'est pas parce que tu es bon aujourd'hui que tu le seras demain. Si tu ne te remets jamais en question, tu risques de crever. C'est vrai pour les autres comme pour nous. »

C'est avec ces principes et ces exemples de disparitions récentes en tête, comme ceux de Target et de Sears, que M. Roberge a fait appel à PwC pour concevoir un plan stratégique qui lui permettra d'atteindre ses objectifs de croissance rapide.

Au terme de six mois de travail, à mettre sur papier les idées que M. Roberge cogitait depuis un moment, un document de 256 pages intitulé Révolution 2022 était présenté aux équipes l'an dernier, assorti d'un message sans équivoque : il faut maintenant l'exécuter. « Nous n'avons pas le choix. Auparavant, mon terrain de jeu était le Québec et le Canada. Aujourd'hui, c'est le monde. Nos concurrents sont internationaux. C'est Victoria's Secret, avec ses 200 000 employés et 20 milliards de dollars américains de ventes. Pour survivre devant eux, il ne faut pas seulement être smart, il nous faut aussi une masse critique. »

De ce constat est né un plan stratégique en sept étapes avec pour objectif de doubler la taille de l'entreprise dans un délai de cinq ans. Un an et demi plus tard, des embauches ont été faites, les équipes de marketing et de commerce électronique ont été fusionnées et les délicates manoeuvres liées aux changements de progiciel de gestion intégré (ERP), un chantier de 12 M $ à 14 M $, ont été entamées.

Doivent suivre, au cours des trois prochaines années, différentes transformations en ce qui a trait aux ressources humaines, de même qu'à la chaîne d'approvisionnement. De l'extérieur, toutefois, les avancées les plus importantes prendront la forme de conquête de nouveaux marchés et d'une meilleure exploitation dans les pays où l'entreprise est déjà présente.

Plus de magasins et de ventes en ligne

Au Canada, l'entreprise entend mener à terme le développement du marché canadien. Elle y parviendra par l'ouverture de nouvelles boutiques dans l'Ouest, par la rénovation de magasins existants et par la révision en profondeur de son portefeuille de baux afin de profiter des nouvelles occasions qu'offre le marché.

« Le rapport de force des locataires est tellement bon par rapport aux propriétaires d'immeubles commerciaux depuis quelques années que j'ai pu améliorer la qualité de mes emplacements et renégocier presque tous mes baux à la baisse. En trois ans, je pense avoir signé au moins 120 ententes (de location) de ce genre », se félicite le patron.

Cela vaut autant pour les boutiques la Vie en Rose que pour Bikini Village, qui a fait l'objet d'une révision en profondeur de son offre de produits. Depuis un an, l'ancienne propriété de Groupe San Francisco a ouvert une dizaine de magasins au pays et ses ventes de magasins comparables seraient en hausse de 20 %. Pour sa part, l'enseigne la Vie en Rose compte présentement 183 boutiques au Canada, dont 65 dans la seule province de Québec. « Nous sommes partout. Les marchés où nous sommes absents sont devenus très rares. »

Parallèlement, l'entreprise continue de développer son offre numérique sans que cela ne semble avoir encore de grandes incidences sur les ventes en magasin. « J'ai toujours pensé que ce n'est pas le commerce électronique qui tue le commerce de détail, dit M. Roberge, mais bien une mauvaise compréhension (de l'industrie) combinée à une mauvaise exécution. La clé, je crois, est d'investir beaucoup dans le numérique pour soutenir ou stimuler à la fois les ventes en ligne et en magasin. »

Pour l'heure, malgré des croissances annuelles de 60 % à 70 %, les ventes en ligne de la Vie en Rose ne représentent encore guère plus que 5 % de son chiffre d'affaires. Son objectif à moyen terme serait d'atteindre une proportion de 10 %. Ce qui complique les choses, heureux problème, c'est que le détaillant constate aussi des hausses importantes des ventes dans ses magasins physiques.

De fait, son enseigne de lingerie fine affiche des hausses des ventes de magasins comparables de 10 % par année depuis trois ans. « C'est peut-être la preuve que ma révolution numérique fonctionne bien. Mon activité web emmène des gens en magasin et l'expérience vécue en magasin les incite à nous visiter sur le Web. »

Les États-Unis et le monde

Les États-Unis sont dans la mire de la Vie en Rose depuis des années, sans qu'elle y ait pour autant encore ouvert de boutique. En novembre 2016, la société a lancé son premier site web américain dans le but de mieux comprendre le marché et de recueillir des données sur sa clientèle. Elle entend déterminer l'emplacement de ses premières boutiques américaines en se basant sur ces données. M. Roberge s'attend à obtenir plus de succès en Nouvelle-Angleterre, en raison surtout de leur proximité géographique. La montréalaise entend y ouvrir ses premières boutiques d'ici trois ans. Si tout va bien, en 2022, l'entreprise évalue que ses ventes américaines atteindront quelque 60 M $ par année.

Puis, tout en commençant à courtiser le territoire américain, M. Roberge a la ferme intention de poursuivre sa conquête d'autres marchés étrangers. L'entreprise compte actuellement 95 magasins dans 15 pays à l'extérieur du Canada. Sa présence demeure discrète en Amérique latine, alors qu'elle compte encore une seule boutique au Panama.

La Vie en Rose a ouvert sa première boutique en Arabie Saoudite en 2004. C'est dans ce pays connu pour ses règles vestimentaires strictes à l'endroit des femmes que la montréalaise compte le plus de magasins hors Canada, avec 38 boutiques, et 10 autres dans les Émirats arabes unis.

Trois pays par année

« Les gens croient à tort qu'il est facile de faire des affaires à l'international. Il faut comprendre qu'il n'y a pas vraiment d'école qui l'enseigne. En conséquence, plusieurs apprennent à la dure, le plus souvent à force d'essais et d'erreurs. »

M. Roberge ne s'estime pas meilleur que les autres. Il admet s'être trompé en Australie, en Roumanie, au Vietnam et même à Dubaï, avec son premier franchisé. Récemment, le détaillant s'est retiré complètement du Kazakhstan. Le même sort pourrait survenir en Géorgie et en Azerbaïdjan, si les ventes ne se redressent pas.

Loin de jeter l'éponge, le plan quinquennal du détaillant prévoit l'exploration de nouveaux marchés, à un rythme d'ententes d'exploitation pouvant aller jusqu'à trois nouveaux pays par année. « On ne veut pas faire de surplace. Ou investir là où l'on n'arrive pas à ouvrir plus d'une ou deux boutiques. On cherche des marchés porteurs. »

Ainsi, sur la liste des prochains marchés cibles de la Vie en Rose figurent des pays comme la Russie, l'Inde, et surtout la Chine. Déjà, la montréalaise a décidé de déménager son entrepôt de Dubaï à Hong Kong. En raison de l'instabilité politique de la région, certes, mais également, tempère-t-on, pour la plus grande flexibilité logistique que lui offrirait une plaque tournante asiatique.

Pour l'empire du Milieu, le plan consiste à profiter des services de commerce électronique qu'offre la populaire plateforme connue sous le nom de Tmall, une filiale de la chinoise Alibaba. « Ce serait une façon de nous faire connaître et de tester le marché chinois, sans prendre trop de risques. » Si la réception est bonne, l'ouverture de boutiques pourra suivre.

C'est ainsi que d'ici 2022, la Vie en Rose prévoit encore doubler le nombre de magasins à l'étranger, d'une centaine à quelque 250. Et si tout va bien, faire passer ses ventes de gros, liées à ses activités internationales, de 24 M $ actuellement, à quelque 60 M $.

Acquisitions en vue ?

Pour ajouter au programme, des acquisitions ne sont pas exclues. Des acquisitions américaines ou européennes, par exemple. François Roberge souligne qu'en plus d'entreprises en difficultés, de nombreux détaillants, propriétés de baby-boomers à la veille de leur retraite, pourraient l'intéresser.

Lorsque tout sera fait, lorsque la Vie en Rose comptera près de 300 boutiques (la Vie en Rose et Bikini Village) au Canada, aura lancé sa marque aux États-Unis, comptera 250 boutiques à l'étranger, y compris en Chine et en Russie, et enregistrera des ventes annuelles de 500 M $, alors seulement à ce moment François Roberge se sentira prêt à affronter la prochaine récession et à céder les rênes de son entreprise.


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